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Croisière Costa
Souvent présenté comme un joueur spectaculaire, mais irrégulier, le Brésilien délivre l'une des saisons les plus consistantes de sa carrière, pour sa première année en Italie. Où ses caviars du gauche et ses accélérations supersoniques font désormais l'unanimité du côté de Turin. Récit d'un mariage réussi.
« Costa ne s’est pas installé au Bayern parce que c’est un mercenaire, comme on ne les apprécie pas ici. » Fin juillet 2017, Uli Hoeness décide de sortir le bazooka à l’heure de revenir sur le cas Douglas Costa, prêté deux semaines plus tôt avec obligation d’achat à la Juventus. Si le géant bavarois n’a pas l’habitude de se planter à l’heure de recruter un joueur, la venue du Brésilien, étincelant pendant quelques mois avant de s’éteindre progressivement, ressemble à un bug dans le logiciel parfaitement agencé du Bayern. Trop irrégulier, dilettante dans le repli défensif, Douglas Costa agace. Sa venue à la Juventus à l’été 2017 ressemble alors autant à un pari prometteur que risqué pour le club piémontais.
« Quand il se met à courir, mamma mia… »
Huit mois plus tard, plus grand monde à Turin n’irait contester la venue de l’ancien joueur de Grêmio. Le bilan de Costa parle de lui-même : meilleur passeur du club avec dix services décisifs en championnat, il a aussi montré qu’il était capable de hausser le ton dans les moments qui comptent. Comme face au Real Madrid en quarts de finale retour de C1, où il s’est fait une joie de martyriser Marcelo. Ou plus récemment face à la Sampdoria, où, entré en jeu peu avant la mi-temps alors que le score est de 0-0, il claque trois passes décisives en 45 minutes. Les débuts dans le Piémont du Brésilien semblent pourtant dans la continuité de ses derniers mois en Bavière : inconsistants, brouillons, souvent frustrants. Pas toujours dans le tempo collectif, ses jambes de feu et sa vitesse de pointe jouent presque ironiquement contre lui, comme s’il évoluait en avance et donc à contre-temps du bloc turinois. Allegri loue pourtant rapidement son profil de dynamiteur sur les ailes, même s’il confie dans le même temps sa frustration de ne pas voir le joueur exprimer l’ensemble de ses qualités : « Il est très impressionnant en un contre un, mais il doit trouver le moyen de jouer à 100% de ses capacités » , jauge le Mister en octobre 2017. « Je vais exiger plus de lui… En revanche, quand il se met à courir, mamma mia… C’est effrayant… »
Joueur cosmétique
Effrayant, mais encore bénin pour les adversaires de la Vieille Dame. Au soir de la septième journée de Serie A, Costa peine encore à trouver sa place au sein du onze type turinois et doit se contenter d’un rôle de remplaçant de luxe. Pas étonnant, pour un type souvent présenté comme un intermittent du spectacle. « Ce n’est pas une énigme tactique » , jure Allegri, alors que le Brésilien se traîne une réputation d’attaquant plus cosmétique qu’efficace, dont le passé de joueur de futsal est pour certains révélateur de son manque de continuité au plus haut niveau. Ailier frisson par excellence, Costa a semblé n’avoir longtemps pour seul moteur que le plaisir et la beauté du geste, à l’image de son idole absolue, Ronaldinho : « C’est mon modèle. À chaque fois que je vois Ronaldinho, j’ai l’estomac noué parce que c’est le genre de joueur que je voudrais être un jour. » Quitte à parfois se fendre d’un geste superflu comme face à Leverkusen en août 2015, où il claque une roulette de Mariot alors que son équipe mène déjà par trois buts à zéro. De quoi lui valoir un recadrage express d’Arjen Robben : « Il doit faire attention : ces gestes techniques sont beaux, mais on n’est pas au cirque non plus. »
Le Costa del sol
Coup de pot pour le Brésilien, la Juve est devenue depuis quelques années maîtresse dans l’art de relancer des grands noms du football continental. Considérés partout ailleurs sur la pente descendante, Pirlo, Tévez, Khedira ou Mandžukić ont tous ressuscité du côté de Turin. La trajectoire de Costa dans le Piémont semble, elle, épouser une courbe semblable à celle de son compatriote Daniel Alves. Après avoir commencé piano piano en Italie, le latéral droit avait signé une seconde partie de saison ahurissante, où il avait notamment gobé tout cru l’AS Monaco en demi-finale de C1. Costa, lui, vient de signer quatre passes décisives en deux matchs et a gagné sa place dans le onze type turinois depuis plusieurs mois. Plus virtuose que Federico Bernardeschi, moins fragile qu’un Cuadrado freiné par des problèmes physiques, il est aujourd’hui le quatrième attaquant le plus utilisé par Allegri, derrière le trio Higuaín-Mandžukić-Dybala. Pas de quoi surprendre le Mister de la Juve, pour qui Douglas Costa avait simplement « besoin de temps » . Si bien qu’à l’heure de retrouver le Napoli pour un match aux allures de finale, le Brésilien a même réussi à laisser de côté ses considérations d’esthète. Pour opter pour une efficacité purement turinoise : « C’est vrai que le Napoli joue bien, mais cela ne garantit pas pour autant la victoire. Et à la fin, c’est ce qui compte. Oui, j’aime le beau football. Mais je préfère gagner. »
Par Adrien Candau
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