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Croatie : Perišić, Ivan le Grand
À chaque match de la Croatie, Luka Modrić est présenté comme le maître à jouer de la sélection. Pourtant, cela fait des années que l’homme fort des Vatreni se nomme Ivan Perišić.
D’après la légende du roi Étienne Drjislav, le damier du maillot croate renverrait à trois parties d’échecs gagnées par ce dernier lors de son emprisonnement à Venise, lui offrant sa liberté. Si on file la métaphore, Luka Modrić est aux yeux de beaucoup le roi du damier croate. Mais à ses côtés se cache un élément bien plus décisif depuis des années, à l’image de la reine sur un plateau : Ivan Perišić. Dans l’ombre du Ballon d’or 2018, le gamin de Split formé à Sochaux porte les Vatreni dont il est devenu le meilleur buteur croate en grand tournoi lors du huitième de finale face au Japon, sans que son record ne fasse les unes des journaux. Car si indispensable et en vue soit-il sur le terrain, Ivan Perišić reste très discret en dehors, au point d’être le joueur le plus sous-coté de ces dernières années.
La reine du damier
À l’image de la reine aux échecs, c’est pourtant souvent lui le pion auteur du mouvement décisif. Face au Japon, il a sorti la Croatie d’un bien mauvais pas d’une tête ultrapuissante. Tout sauf un hasard pour cet ailier insaisissable qui a fait des coups de casque une force depuis son enfance sur les bords de la mer Adriatique. À Omis, petite ville balnéaire qui l’a vu grandir, Ivan Perišić a longtemps pratiqué le beach-volley, dont il tire aujourd’hui une détente à faire pâlir Cristiano Ronaldo. Pour l’anecdote, le vice-champion du monde 2018 a même représenté son pays lors d’un tournoi de beach en 2017, lors d’une étape de la Coupe du monde à Porec. Résultat des courses : trois défaites.
10 – Ivan Perišić est impliqué sur 10 buts en 14 matchs de Coupe du monde (6 buts, 4 assists). Depuis ses débuts en CdM en 2014, seuls Lionel Messi (12) et Kylian Mbappé (11) font mieux. Leader. #JAPCRO pic.twitter.com/gMJFM5DBdI
— OptaJean (@OptaJean) December 5, 2022
Mais ses compatriotes ne lui en tiendront pas trop rigueur. Car c’est sur les terrains de football que Perišić fait briller le damier croate. Avec 120 sélections, il est le plus ancien cadre des Vatreni, derrière Modrić. Son total de 33 buts peut sembler maigre, mais rapporté aux tournois internationaux, il prend une autre dimension. À 33 ans, face au Japon, il a non seulement sauvé les siens, mais aussi rejoint Davor Šuker au premier rang des meilleurs buteurs de son pays en Coupe du monde, tout en devenant le premier Croate à marquer sur trois éditions différentes. Depuis 2014, Perišić est ainsi impliqué sur 10 buts en Coupe du monde : seuls Messi et Mbappé font mieux. En trois Euros et trois Mondiaux, Perišić pèse 9 buts et 5 passes décisives en 21 matchs..
Gaucher ou droitier, Ivan Perišić
Et pas dans n’importe quelles rencontres. Pour rappel, c’était d’ailleurs lui qui avait égalisé en 2018 lors de la finale perdue face aux Bleus. Avant cela, il avait égalisé face aux Anglais en demi-finales, avant de servir Mandžukić pour le but de la qualification en prolongation. Ses autres victimes ? Le Mexique et le Cameroun en 2014, la Tchéquie et l’Espagne en 2016, ou encore l’Écosse et de nouveau les Tchèques en 2020, avant de louper le huitième face à l’Espagne à cause du Covid. Il est donc grand temps de mettre du respect sur le nom d’Ivan Perišić. D’autant que le Croate revient de loin. Après sa formation sochalienne ponctuée par une Gambardella, rappelons qu’il a été ghosté par Francis Gillot. À la cave au pays du comté, l’ailier est alors parti à Roulers, en D1 belge, avant d’exploser à Bruges.
La suite est plus connue : Dortmund, Wolfsburg, Inter, Bayern, Inter et aujourd’hui Tottenham, où Antonio Conte a tout fait pour le ramener. L’Italien sait que son titre avec l’Inter en 2021 doit beaucoup au Croate, qui n’a alors jamais bronché lorsqu’il était aligné plus bas, comme piston. Ce qui amène à une autre grande force de Perišić : son professionnalisme. Plutôt que de s’épancher dans les médias ou sur les réseaux sociaux, l’ailier préfère prolonger l’entraînement pour peaufiner son ambidextrie, lui qui botte indifféremment les coups de pied arrêtés du droit, ou du gauche. Même les vacances du bonhomme sont exemplaires : que ce soit au Bayern, à l’Inter ou ailleurs, aucun coéquipier ne se souvient de lui avec quelques kilos en trop à la reprise. Au service du collectif, Perišić possède également une polyvalence rare à ce niveau, tantôt piston, ailier, milieu ou attaquant. Et un palmarès digne de son talent : 2 Bundesliga, 1 C1, 3 Coupes d’Allemagne, 1 Serie A, 1 Coupe d’Italie… Avec à chaque fois un rôle central dans ces conquêtes. Ne lui manque plus qu’un titre avec la Croatie. Cela passera par un exploit face au Brésil.
Par Adrien Hémard-Dohain