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Croatie : Luka Modrić, pour l’éternité
Toujours aussi resplendissant à voir jouer malgré ses 37 printemps, Luka Modrić a l'occasion d'emmener son pays en finale d'un Mondial pour la deuxième fois en quatre ans. Histoire d'écrire encore un peu plus sa légende déjà bien fournie.
L’âge n’agit pas sur tout le monde de la même manière. Pour Cristiano Ronaldo par exemple, les derniers mois ont montré que le temps qui passe n’était pas forcément synonyme de réjouissances. Pour d’autres, en revanche, ce n’est qu’un détail dont il faut relativiser l’influence. Pas plus loin que chez les Bleus, on se demande d’ailleurs si on a déjà vu Antoine Griezmann, Olivier Giroud ou encore Hugo Lloris aussi forts qu’actuellement, pour ne citer qu’eux. Mais le meilleur exemple s’appelle sans doute Luka Modrić, 37 ans et toutes ses dents, toujours en lice pour aller chercher une première breloque internationale et patron incontesté d’une Croatie qui repousse constamment les limites. Dans l’air, il subsiste cette idée que ce Mondial est sans doute son dernier et qu’il faut donc doublement le savourer. Même si lui préfère pour l’instant tourner la tête : « Je ne sais pas… Je me concentre sur le moment présent, je ne regarde pas l’avenir. Nous verrons ce qui se passera après la demi-finale », a-t-il soufflé récemment auprès de Marca. On devrait donc en savoir plus d’ici peu.
Les clés du jeu et du vestiaire
Si les jambes peuvent parfois se faire lourdes (il a notamment été sorti pendant la première période de la prolongation contre le Japon), le niveau de performance ne faiblit pas. Face au Brésil, alors qu’il retrouvait son ancien copain Casemiro pour la première fois depuis que celui-ci est parti du Real Madrid, LM10 a complètement éteint l’entrejeu auriverde, suppléé d’une main de maître par Marcelo Brozović et Mateo Kovačić. « Nous avons réussi à confisquer le ballon, nous ne nous sommes jamais précipités. On ne s’est pas créé beaucoup d’occasions, mais on en a fait ce qu’il fallait. Notre milieu a endormi l’adversaire », s’est réjoui Zlatko Dalić face à la presse, pendant que Josip Juranović, lui, préférait faire dans la métaphore : « Quand Brozović, Modrić et Kovačić sont dans le coup, nous contrôlons 90% du jeu. Leur passer le ballon, c’est plus sûr que de mettre son argent à la banque. » En plus de faire sa loi sur le pré, Luka Modrić a aussi réussi à casser la carapace au fil des années, passant du joueur silencieux au leader vocal. Sur les réseaux sociaux, les mots qu’il a adressés à son gardien Dominik Livaković il y a quelques jours ont fait le tour du monde. « Pourquoi tu n’aurais pas le droit de faire des erreurs ? Tout le monde en fait. Je crois que ton problème est que tu as peur d’en faire. Qui ne fait pas d’erreur ? Donne-moi une personne. Je ne suis pas arrivé jusqu’ici en ayant peur. Ça rend les choses pires d’avoir peur. » Au vu des récentes prestations du portier croate, on peut dire que le discours du Ballon d’or 2018 a déjà porté ses fruits.
Modrić LivakovićThe @HNS_CFF captain’s faith in his keeper has paid off in a big way ??
— FIFA World Cup (@FIFAWorldCup) December 9, 2022
Respect, bières et plan anti-Messi
Au pays, Luka Modrić a acquis un statut d’icône absolue, au point d’être considéré comme l’un des deux seuls joueurs croates (avec Zvonimir Boban) des trente dernières années à « bénéficier d’un respect aussi important », selon Robert Matteoni, le co-auteur de l’autobiographie du joueur, qui a donné son avis fin novembre dans les colonnes de L’Équipe. « Aujourd’hui, tout le monde est impressionné par la façon dont il joue à son âge et par sa technique, la meilleure depuis vingt ans. Mais tout le monde sait bien que ça ne va pas durer vingt ans de plus. Après chaque match joué pour la Croatie, tout le monde dit : « Mamma mia, nous devons être heureux d’avoir Modrić ! » », complétait Matteoni. Pour mieux comprendre comment et pourquoi Modrić parvient à garder son efficacité dans un secteur du jeu où le physique est pourtant primordial, Vlatko Vučetić, son préparateur physique personnel, avait donné quelques pistes il y a plusieurs mois au média croate Jutarnji List : « La clé du succès est que nous gardons Luka constamment entre 85 et 100 %, ce qui peut être vu dans le fait qu’il peut supporter non seulement 90, mais aussi 120 minutes de haute intensité. Cette forme lui permet d’être l’un des joueurs avec le moins de blessures », tout en concédant que son poulain s’autorise « une ou deux bières après un match ».
Face aux Vatreni se dresse désormais la montagne Argentine, menée avec brio par Lionel Messi, lui aussi étincelant dans ce qui devrait être sa dernière danse internationale. Pour retrouver la trace d’une confrontation entre ces deux immenses nations de football, il suffit de remonter quatre ans en arrière, lors de la phase de poules du Mondial 2018. La bande de Dalić s’était imposée 3-0 face à celle de Sampaoli, avec un Modrić déjà buteur et élu homme du match. « La clé du match, c’était de jouer ensemble. Dès le départ, nous étions très resserrés, on ne leur a pas laissé beaucoup d’espaces. On a bloqué les passes vers Messi », avait résumé le milieu croate après la rencontre. Nul doute qu’il s’en souvient encore quatre ans plus tard, et que le plan élaboré pour ce mardi ne devrait pas trop changer par rapport à celui aperçu en Russie. Quoi qu’il en soit, ce match dans le match s’annonce déjà légendaire et il offrira au bout, à l’une des deux légendes en question, l’opportunité de toucher le Graal une bonne fois pour toutes, avant de pouvoir se retirer en paix. Place aux artistes.
Par Alexandre Lejeune