- Euro 2012 – Groupe C – Irlande/Croatie
Croatie, les damiers serrés
Pour sa dernière compétition à la tête de la sélection croate, Slaven Bilić peut compter sur un groupe très homogène à défaut d’être particulièrement brillant, qui fait le métier à défaut de franchement convaincre, et qui compte jouer à fond son rôle d'épouvantail à défaut de pouvoir se ranger parmi les prétendants à la victoire finale.
Le parcours
Depuis la dislocation de la Yougoslavie, la Croatie fait preuve d’une remarquable régularité, avec la participation à sept phases finales sur neuf possibles. Seuls manquent l’Euro 2000 et la dernière Coupe du monde. Dans le même temps, le voisin serbe a manqué tous les championnats d’Europe depuis une décennie. Ce qui fait la différence ? Un gros mental et une bonne dose de pragmatisme, côté damiers. La Croatie compte peut-être moins d’artistes dans ses rangs, mais elle en est consciente et sait compenser par une bien meilleure force collective. Et ce, quelles que soient les générations. L’actuelle n’a pas le prestige de l’époque Boban, Šucker, Asanović, Prosinečki et… Bilić, mais elle sait faire le métier correctement. À peine traumatisée par la non-participation au Mondial sud-africain, elle a su se plonger de suite dans la dernière campagne de qualification, en compagnie, il est vrai, d’adversaires à sa portée (Grèce, Israël, Lettonie, Géorgie, Malte). Les Croates ont longtemps fait la course en tête, avant de se faire doubler dans le money time par la Grèce, suite à une défaite au Pirée. Là encore, pas d’affolement, les barrages ont été parfaitement négociés, avec une victoire 3-0 en Turquie dès le match aller, puis un 0-0 pépère au retour, à la maison, pour assurer. De quoi faire d’une pierre deux coups : se qualifier et se venger du cruel quart de finale disputé entre les deux nations en 2008. Ouverture du score croate à la 119e, égalisation turque au bout des arrêts de jeu, puis le plantage lors de la séance des tirs au but.
Le jeu
Pas franchement adepte du tableau noir, Slaven Bilić choisit son système tactique et son 11 comme évolue son équipe : avec pragmatisme. La base est un 4-4-2 pouvant bouger en fonction de l’adversaire. Il n’y a donc pas non plus franchement d’équipe-type et peu de joueurs incontournables. En plus, parmi eux, le défenseur de l’OL Dejan Lovren et l’attaquant du Bayern Ivica Olić sont forfaits. Restent le gardien Stipe Pletikosa, le vétéran de la défense Josip Šimunić, le latéral droit Verdan Ćorluka, les milieux Ivan Rakitić et Luka Modrić, ainsi que le capitaine Darijo Srna, lequel évolue milieu de terrain droit en sélection. Ce sont les seules certitudes. Pour broder autour, Gordon Shildenfeld est en balance dans l’axe central de la défense avec Domagoj Vida. Ivan Strinić et Danijel Pranjić convoitent le poste de défenseur gauche ; Ognjen Vukojević, Ivan Perišić, Niko Kranjčar et Tomislav Dujmović sont à disposition pour compléter le milieu de terrain, en fonction du schéma mis en place ; enfin Nikica Jelavić et Mario Mandžukić semblent avoir les faveurs du sélectionneur pour l’attaque, mais Eduardo et le dernier appelé Nikola Kalinić, auteur d’une belle saison en Ukraine, constituent des alternatives crédibles. Pour résumer, c’est très homogène, sans grand génie – Modrić mis à part, s’il n’est pas trop sacrifié aux tâches défensives – mais sans faille non plus.
La star
Grande révélation de l’Euro 2008, Luka Modrić est l’homme à tout faire de la sélection croate. Véritable dépositaire du jeu, c’est lui qui imprime le rythme de l’équipe avec grande intelligence. Capable de gérer aussi bien la première relance dans un rôle plus reculé que de réguler les attaques au poste de meneur, le joueur de Tottenham est un régal pour ses entraîneurs, qui peuvent compter sur sa régularité et sa polyvalence. En baisse de régime en fin de saison, comme tous ses coéquipiers de club, il a été préservé par Slaven Bilić lors du dernier match de préparation, disputé samedi face à la Norvège (1-1). Les supporters croates n’ont plus qu’à espérer que le seul vrai artiste de la sélection retrouve la forme au bon moment, de préférence dès dimanche face à l’Irlande.
L’espoir
Dire d’un joueur de 26 ans qu’il est un espoir n’est peut-être pas le terme le plus approprié, mais il faut reconnaître que Nikica Jelavić, révélation du football croate cette saison, a longtemps évolué en toute discrétion dans des championnats périphériques. Au pays d’abord, puis en Belgique, en Autriche avant d’exploser à l’automne dernier en Écosse avec les Rangers. La grosse première partie de saison du club de Glasgow, malgré les difficultés extra-sportives, c’est grâce à lui. La descente aux enfers, depuis cet hiver, au profit du rival Celtic, c’est à cause de lui – du moins le volet sportif. Ou plutôt à cause de son absence, car entre-temps, Nikica Jelavić a été transféré, histoire d’aider un club aux abois financièrement. À Everton, il a découvert avec gourmandise la Premier League, signant trois doublés pour neuf buts au total (plus deux en FA Cup). Pas mal du tout pour un novice, capable de marquer des deux pieds comme de la tête, lui qui toise tout de même à 1,88m. Moins prolifique en sélection, il doit pouvoir profiter du forfait d’Ivica Olić pour se montrer.
Par Régis Delanoë