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Croatie-France : le diable se cache dans le banal
Au moment d’attaquer une énième confrontation face à la Croatie pour le compte des quarts de Ligue des nations, dont l’aller se joue à Split (20h45), les Bleus pourraient tomber dans un double piège : celui posé par leurs rivaux au damier préférés, mais aussi celui de prendre ce rendez-vous par-dessus la jambe. Pourtant, l’étape est plus cruciale pour l’avenir qu’on ne le pense.

Et Didier reprend son sac à dos. Sur les bords de l’Adriatique, le chef de file des Bleus s’apprête à entamer un nouveau tour de soleil avec la sélection française. Le treizième, mais aussi le dernier qu’il bouclera en entier puisqu’il est prévu que son chemin s’arrête en 2026, espérons-le lors d’un ultime road trip américain. Pour l’heure, le prochain arrêt est prévu à Split, sa cuvette de Poljud, avec de vieilles connaissances croates au bout du couloir. Aussi jeune soit cette nation, la Croatie a lié son histoire à celle de l’équipe de France de Deschamps. Demi-finale du Mondial 1998, finale de celui de 2018, le bonheur des uns fait les malheurs du damier. Ce jeudi, les enjeux sont moins grandioses pour ce qui sera le cinquième match entre les deux équipes dans cette compétition depuis septembre 2020, en attendant le sixième dimanche à Saint-Denis. C’est beaucoup, mais avant de parler d’indigestion de ćevapčići, il faudra déjà ne pas se tromper d’objectif.
Une parenthèse désenchantée
Que les Croates, finalistes de la dernière édition, n’y voient rien de personnel, surtout que les copains de Luka Modrić restent sur un nul dans ce même Poljud et une victoire au Stade de France en juin 2022. Mais la nature et le timing de cette double confrontation en quatre jours – inédite dans le foot de sélection – lui donnent une teinte assez particulière : ni pour du beurre ni vitale. Les rassemblements de mars, traditionnellement coincés entre les phases finales des Coupes d’Europe des clubs, interrompent souvent les joueurs dans leur élan. La défaite en Allemagne et la victoire ric-rac contre le Chili en 2024 peuvent nous le rappeler. Et ce calendrier qui a de plus en plus tendance à essorer les acteurs pousse les staffs nationaux à devoir composer avec les impératifs de chacun. « Les joueurs sont arrivés très fatigués, après des semaines à trois matchs, des déplacements… Ce n’est pas une excuse, mais c’est la réalité », déplore Didier Deschamps, frustré de n’avoir que trois séances d’entraînement à se mettre sous la dent avant de se mettre à table.
Toutes mes pensées vont pour la Coupe du monde 2026, qui est très importante pour l’équipe et pour moi. Il faut y consacrer toute son énergie et son attention.
Il y a ce qu’on a accumulé, mais aussi ce qu’il y a à venir. À court terme déjà, pour les « 14 joueurs concernés par les Coupes d’Europe » (Digne, Koundé, Pavard, Saliba, Upamecano, Camavinga, Guendouzi, Tchouaméni, Zaïre-Emery, Barcola, Dembélé, Doué, Mbappé, Olise), mais aussi plus loin. Le sapeur Jules Koundé a beau assurer que ces Bleus ont « envie de gagner » la Ligue des nations, jurant qu’on ne crache pas sur « l’opportunité d’aller chercher un trophée », difficile pour ces compétiteurs assoiffés de gloire de voir en cette compétition bâtarde, qui avait pour première vocation de remplacer les matchs amicaux, un réel objectif. Le trophée est déjà passé dans la vitrine française en 2021, procurant certes son lot de belles émotions, mais on ne pourra pas s’empêcher de le ranger au second plan.
Il n’y a qu’à tendre l’oreille sur les intentions du capitaine Mbappé pour comprendre que cette étape croate n’est qu’un crochet de plus vers des sommets plus clinquants. « Ce qui me préoccupe, c’est gagner la confrontation contre la Croatie et d’aller au top 4 », introduit le Kyks par courtoisie, avant de rapidement se projeter avec beaucoup plus d’aplomb. « Toutes mes pensées vont à la Coupe du monde 2026, qui est très importante pour l’équipe et pour moi. Il faut y consacrer toute son énergie et son attention. C’est l’objectif de tout ce groupe, avec le rêve d’être champions du monde. » Tout est là, et tant pis si Deschamps appelle à « ne pas banaliser les deux matchs à venir ».
Et pourtant, les chantiers sont nombreux
Alors, quoi ? On devrait juste balancer ces deux sorties ? Dans l’optique d’embarquer un public qui a récemment tourné le dos à son téléviseur, ce n’est peut-être pas le meilleur calcul à faire. Le sélectionneur devra trouver les bons arguments pour concerner son escouade, parce que, au-delà de reconquérir les Français, ces rencontres auront forcément un impact sur la suite des événements. Dont un direct sur le Mondial nord-américain, ou plus exactement sa phase qualificative. De fait, en cas de qualification au Final Four, les Bleus seront reversés dans un groupe de quatre, avec l’Ukraine, l’Islande et l’Azerbaïdjan, à jouer à partir de la rentrée de septembre. Si défaite, ils seront basculés dès le mois de juin dans une poule de cinq, avec la Tchéquie, le Monténégro, les Îles Féroe et Gibraltar. Sans même regarder la qualité des adversaires, dans une formule où le premier prend un ticket direct pour la Coupe Trump et le second pour un barrage, les probabilités indiquent qu’il vaut mieux viser le premier scénario. On dit ça, on dit rien.
Ce n’est pas Ousmane et Kylian, puis les autres. D’autres joueurs sont capables de faire la différence.
Ensuite, plus prosaïquement, Kylian Mbappé rappelant qu’« une carrière n’est pas linéaire », les 23 présents ont tout intérêt à profiter de l’occasion pour engranger des points. Il y a une charnière à dessiner dans laquelle Konaté, Upamecano, Saliba et même Pavard vont ferrailler. En l’absence de N’Golo Kanté (et Paul Pogba ?) et en attendant que Deschamps se décide à appeler des créatifs comme Cherki ou Akliouche, il y a un tri à effectuer dans un milieu de costauds.
Devant, il y a une animation à trouver pour que Mbappé et Dembélé puissent enfin se régaler tous les deux, au même moment et dans la même équipe. Le Madrilène, lui, se réjouit d’avance de combiner avec son ancien partenaire au PSG : « J’ai toujours été excité de jouer avec Ousmane. C’est une arme importante pour nous. On va essayer de le mettre dans les meilleures conditions pour qu’il soit aussi bon qu’en club. Ça nous donne plus d’options, il faut juste se coordonner sur les déplacements, mais on a l’habitude de jouer ensemble, ça va être facile. » Son N+1 ne met pas la charrue avant les Bleus : « Ce serait une très bonne chose qu’ils gardent leur efficacité. Mais ce n’est pas Ousmane et Kylian, puis les autres. D’autres joueurs sont capables de faire la différence », ouvrant la porte à son goleador favori de 2024, Randal Kolo Muani, mais aussi aux jeunes Michael Olise, Bradley Barcola et Désiré Doué. Alors, face à tant de flou, vous reprendrez bien un peu de Croatie, non ?
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