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Croatie-France, pour éviter le hić
Trois jours après avoir glissé face au Danemark, l’équipe de France est à Split pour confirmer la thèse du simple accroc, mais aussi pour laisser certains éléments coller des doutes dans la tête d’un Didier Deschamps de retour auprès de son groupe.
Après avoir regoûté au frisson des nuits d’extase entre Turin et Milan en octobre 2021 et au bout de plusieurs mois passés à bûcher sur une nouvelle robe tactique, voilà qu’une vieille odeur oubliée remonte dans les naseaux bleus : celle des lendemains de soirée mal arrosée de juin, que l’on passe à tourner en rond et à refaire le monde en tête-à-tête avec le blanc des murs. Ainsi, vendredi soir, lors de la réception du Danemark (1-2), l’équipe de France a revu la défaite tomber au milieu de son salon pour la première fois depuis fin 2020, plongeant alors de manière imprévue au milieu de la flaque inédite de matchs internationaux – quatre rencontres en dix jours – qui se présente sous son nez en ce début de mois, et c’est tout un tableau qui a changé de couleur.
D’un coup d’un seul, le déplacement du jour à Split n’a plus la même allure, et Guy Stéphan, sélectionneur d’une nuit à Saint-Denis, l’a admis dès le coup de sifflet final face aux Danois. Il y a un peu moins de deux ans, dans la foulée d’un nul sans vie concédé au Portugal (0-0), les Bleus étaient déjà venus en Croatie chercher des réponses et n’avaient pas totalement brillé, malgré vingt premières minutes ambitieuses et un succès (1-2) notamment arraché grâce à une flèche merveilleusement tirée par Paul Pogba en direction d’un Lucas Digne qui n’avait ensuite plus eu qu’à remettre subtilement de volée sur un Mbappé alors en pleine redéfinition de son profil de jeu. Cette fois, Didier Deschamps, revenu auprès de sa bande dans le week-end, déboule en Dalmatie avec la même quête sur le fond – un succès pour chasser les nuages -, mais aussi avec un objectif de progrès sur la forme après les nouveaux coups reçus vendredi par sa ligne défensive.
Langue pendue et accident
S’il ne faut pas tirer trop de conclusions définitives de ces rencontres printanières que tous les acteurs en short disputent avec la langue pendue, la tête fumante et les jambes prêtes à craquer, l’interruption d’une série de 21 matchs sans défaite n’est jamais complètement anecdotique, d’autant plus lorsque cela vous tombe sur le crâne à quelques mois de partir vous cogner avec le reste du globe pour conserver votre couronne de champion du monde. « Oui, c’est un coup d’arrêt, a confirmé un Deschamps encore très touché par la disparition de son père, dimanche. Maintenant, est-ce un accident ou pas ? On a fait de bonnes choses face au Danemark, qui est une très bonne équipe, et on va essayer de rebondir. Ce ne sera pas simple, mais l’objectif est de repartir du bon pied, qu’il y ait de la pression ou pas. On veut inverser la tendance, même si la fin de saison est compliquée pour beaucoup de joueurs, qu’il y a des blessures, moins de fraîcheur. »
Opposés à une Croatie violemment giflée par une Autriche audacieuse et énergique (0-3), les Bleus, qui n’ont jamais perdu le moindre combat face aux Vatreni en huit confrontations, vont d’abord devoir le faire avec le ballon, eux qui ont ramé pour mettre du rythme – ils n’ont finalement réussi à vraiment le faire que lors du premier quart d’heure de la seconde période – et embrouiller un Danemark qui a alterné entre phases de pressing haut et de bloc bas dans un 5-4-1 parfaitement ficelé pour boucher les discussions à l’intérieur du jeu. Cette absence d’intensité et de mouvements peut s’expliquer par la forme physique des interprètes, mais aussi par un nombre parfois trop important de joueurs placés derrière le ballon et des décrochages nombreux et quelquefois mal compensés des membres du trio offensif (Griezmann, Mbappé et Benzema). Débarqué à la pause pour prendre le relais d’un Kylian Mbappé touché au genou, Christopher Nkunku (28 ballons, deux tirs, deux passes-clés et une seule passe ratée) a justement brillé par sa capacité à détecter les bonnes zones, à envoyer du rythme sur la piste et à combiner sur une pièce de monnaie. S’il est invité à cavaler sur le gazon du Poljud, le meilleur joueur de la dernière Bundesliga sera l’un des types à surveiller de près.
Examen de concurrence
Évidemment, l’attaquant de Leipzig, qui s’est entraîné ce dimanche, au contraire de plusieurs joueurs majeurs (Benzema, Coman, Kanté, Mbappé, Koundé et Varane, touché à la cuisse et remplacé samedi par un Ibrahima Konaté qui sirotait des cocktails à Mykonos, mais qui mérite amplement ce premier appel chez les grands), ne sera pas le seul dans ce cas. Dans un onze qui va être passé au mixeur, probablement privé de ses deux ampoules offensives, on pense à Mike Maignan, qui va avoir l’occasion de gober son troisième verre international, à Jonathan Clauss, à Wissam Ben Yedder, ou encore à Benjamin Pavard, William Saliba et Presnel Kimpembe, qui seront titulaires dans le secteur le plus bancal du moment. Sans ballon, le 3-4-1-2 français, percé à plusieurs reprises en son cœur par un Danemark qui a souvent réussi à créer une supériorité numérique autour des pieuvres Kanté et Tchouaméni – notamment via les insertions intérieures de Daniel Wass en première période, puis via un passage au 4-3-3 en seconde – et au sein duquel Theo Hernández, champion d’Italie dans une défense à quatre, s’est de nouveau taché défensivement, devait alors vivre un nouveau test lundi soir et affiner ses repères.
« Quand on encaisse des buts, il y a toujours des choses que l’on doit mieux faire, en partie sur l’alignement et la gestion de la profondeur. Dans une défense à trois, il faut que les trois joueurs soient alignés. C’est assez basique, mais le danger, c’est la profondeur, et si le porteur n’est pas cadré… Face au Danemark, on ne l’a pas bien fait et on le travaille », a ainsi appuyé dans un premier temps Deschamps, avant que l’on ne comprenne ensuite que le sélectionneur avait un potentiel second plan en tête : un retour exceptionnel à une défense à quatre pour ce match face à la Croatie avec un Jonathan Clauss habillé en ailier droit. Le France-Danemark, qui a en partie basculé avec la sortie de Raphaël Varane à l’heure de jeu, a fait remonter certains problèmes défensifs, et ce match à Split aurait pu être l’occasion de travailler sur un point – la gestion de la profondeur, ce qui est aussi lié à mise sous cloche plus efficace du porteur adversaire pour l’empêcher de sortir sa baguette – que le staff des Bleus cherche à régler depuis plusieurs mois, mais c’est une autre animation qui pourrait être présentée aux visiteurs du soir. Ce sera aussi un examen pour la concurrence du groupe France, qui, au bout d’une journée de serviettes posées sur la plage sous un soleil chargé, doit rapidement chasser les vieux souvenirs de mois de juin périlleux – en 2013 et en 2015, l’équipe de France avait enchaîné deux défaites – pour soigner la carte postale de ces voyages estivaux de 2022. Après une première journée de Ligue des nations qui a vu les quatre demi-finalistes du dernier Mondial se péter les dents, le risque est connu : un nouveau revers et les mauvaises odeurs pourraient persister jusqu’à Vienne.
Par Maxime Brigand, à Split