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Croatie, au bonheur du damier
Assurée d'être qualifiée pour les huitièmes de finale du Mondial, une première depuis vingt ans, la Croatie va faire tourner face à l'Islande, mardi, mais se croit surtout capable de faire mieux que la génération 1998.
C’était donc ça, la mort ? 180 minutes de balade, cinq buts inscrits, aucun encaissé et une prise de guerre : l’Argentine, finaliste du Mondial 2014, transformée en paillasson dès la deuxième journée, à Nijni Novgorod (0-3). À peine douze jours de compétition et revoilà donc la Croatie, gâteau crémeux pour les amoureux de foot offensif, de transitions rapides et des fables sur les guerriers venus sans peur de l’Est faire la tête au carré à tous ceux qui se dressent sur leur passage. Cette sélection semble toujours faire ressortir la même impression : celle d’une équipe qui joue à sa main, derrière un football impeccable, tout en refusant désormais de s’adapter à son adversaire. Jouer défensif contre les Argentins ? « Impossible, avait répondu avant la rencontre le sélectionneur Zlatko Dalić. On vient jouer pour gagner et si l’on joue pour le nul, on ne gagnera pas. Il faut que les joueurs profitent de chaque minute parce qu’ils vont jouer contre Messi et l’Argentine, mais défendre n’est pas notre style. On n’est pas une équipe défensive et nous ne renierons jamais notre style. » Résultat, le trio Brozović-Modrić-Rakitić a ensorcelé l’Albiceleste, Javier Mascherano se montrant incapable de boucher le moindre trou et l’Argentine se faisant quasi systématiquement percer sur les contres d’une Croatie encore plus affinée qu’à l’Euro 2016, tournoi où elle avait brillé avant de se faire anesthésier en huitièmes de finale par le Portugal. Cette fois, c’est l’heure. Du moins, c’est ce qui se souffle dans les couloirs.
« Le meilleur effectif depuis vingt ans »
En Russie, la bande a établi son camp de base à Roshchino, petite bourgade de quelque 15 000 habitants située à une soixantaine de kilomètres au nord-ouest de Saint-Pétersbourg, un coin avant tout réputé pour ses nombreux marais et son immense forêt de mélèzes. Elle aurait pu se planquer ailleurs, mais l’organisation l’a gâtée : le centre d’entraînement a été monté pour l’évènement et le gouverneur de la région, Vareli Savinov, a promis à la délégation croate un accueil top niveau. Difficile de refuser, donc. C’est pourtant là qu’a eu lieu l’un des plus gros coups d’éclat de ce début de Mondial : l’éviction, le 18 juin dernier, de l’attaquant de l’AC Milan Nikola Kalinić, qui a refusé d’entrer en jeu lors du premier match contre le Nigeria en prétextant un gros « mal de dos » . Un épisode rapidement plié en quatre et gommé des esprits.
C’est un autre discours qui est servi, une vieille rengaine : l’amour du maillot, une certaine idée de la revanche nationale, parfaitement relayée par la présence dans le staff, aux côtés de Dalić, de Dražen Ladrić, portier historique de l’aventure 1998 en France, mais aussi de son remplaçant de l’époque, Marijan Mrmić, ou encore d’un enfant de cette génération, Ivica Olić. Dimanche matin, il a alors été redemandé à un Dejan Lovren tout juste sorti du lit de dresser un parallèle : « Je pense qu’on peut faire encore mieux. Quand on regarde notre effectif, c’est probablement le meilleur depuis vingt ans. Mais cela ne veut rien dire si l’on ne réalise pas une belle performance. Si on joue comme contre l’Argentine, tout au long du tournoi, je pense qu’on peut aller loin. »
Rasage de sagouin et dynamique
Avant un dernier match de poules contre l’Islande mardi, où la Croatie s’avancera avec une équipe remaniée malgré les doléances argentines et nigérianes (qui vont se dépouiller à Saint-Pétersbourg pour le deuxième billet pour les huitièmes), Zlatko Dalić a expliqué qu’il voulait impliquer tout le monde dans ce Mondial, mais aussi protéger son groupe d’éventuelles suspensions, six joueurs (Rakitić, Rebić, Brozović, Vrsaljko, Mandžukić, Ćorluka) ayant été avertis lors des deux premières rencontres. L’important sera surtout de conserver la dynamique face à une sélection rencontrée quatre fois lors des cinq dernières années (deux victoires croates, une islandaise, un nul). « On regarde tous les matchs et je pense qu’il n’y a plus vraiment de favoris aujourd’hui dans ce Mondial, explique Lovren. Donc on va jouer ce match pour entretenir la confiance et je préfère rassurer l’Argentine, pour gagner. On ne vient pas calculer, on est là pour prendre neuf points. »
Enfin, suivre la Croatie, c’est surtout faire un contrôle technique de leur moteur principal : la décontraction. Ces types sont détendus au possible, tout le temps, et dimanche, il suffisait de voir Mateo Kovačić se faire allumer sur sa nouvelle coupe de cheveux – Šime Vrsaljko lui a rasé la tête comme un sagouin la veille – et Domagoj Vida se faire tirer la crinière lors de l’échauffement pour comprendre que ces gars-là ne changent pas. Lovren sourit : « Notre secret, c’est cette atmosphère. On est des potes avant d’être des coéquipiers. C’est complètement différent de ce qu’était l’équipe en 2014, cette fois, on sait en plus que nos meilleurs joueurs sont dans la meilleure période de leur vie. Chaque fois, on a une chance, on parle beaucoup et on ne le montre pas sur le terrain. On veut prouver le contraire, maintenant. » Message reçu.
Par Maxime Brigand, à Roshchino