Cristiano Ronaldo au Real, c’est parti

Des heures de queue pour avoir le droit de rentrer dans le stade. Le but ? Assister à la plus importante présentation officielle que l’histoire du football n’ait jamais connu. C’était en tout cas l’objectif des dirigeants madrilènes, et, il faut bien l’avouer, le buzz a parfaitement fonctionné. Programmé à 21h comme les plus belles soirées de prime-time sur TF1, Madrid s’est arrêté de respirer en attendant que l’actuel Ballon d’Or foule enfin le tapis vert recouvrant la boue d’un Bernabeu… dénué de pelouse.

Florentino Perez, le véritable MC de la soirée s’est chargé d’inaugurer cette soirée solennelle avec l’aisance d’un dictateur sud-américain. Pendant de longues minutes, le président merengue a rabaché les valeurs universelles du club et justifié également les millions d’euros dépensés en quelques semaines: « L’argent n’est rien par rapport à ce que tout ce club représente. Votre présence ici aujourd’hui n’a sans doute jamais eu de précédent, vous représentez l’essence du Real Madrid ! » . Un discours dégoulinant de populisme qu’Alfredo Di Stefano et son costard bleu SNCF n’a sans doute pas compris. Peu à l’aise derrière les palabres de Perez, la « Saeta Rubia » s’est contenté de fixer un point dans l’horizon en attendant patiemment et douloureusement qu’un officiel du club vienne lui ramener un tabouret pour mettre fin à son supplice. Après avoir tenu le coup, en s’appuyant sur sa canne pendant cinq bonnes minutes, l’octogénaire mythique a pu décompresser (et rigoler un peu) en voyant débarqué Eusebio avec un improbable costard jaune moutarde, horrible. La légende portugaise s’est contenté de rendre hommage à la foule d’un « obrigado » rapide, mais élégant. Ovationné pendant une bonne vingtaine de secondes, deux des plus beaux dinosaures du football mondial se sont alors sentis plus à l’aise dans leurs escarpins à glands.

La soirée pouvait alors vraiment commencer, mais en fait non. Histoire de faire languir un peu plus les supporters, Perez est reparti sur un long monologue, pour enfin « accueillir Cristiano Ronaldo dans sa nouvelle maison. Bienvenue à lui ! » . Comme dans un show à l’américaine, la bête portugaise est alors sortie du tunnel du vestiaire tout immaculée de blanc. Dans une foule en délire et dans une marée de flash, l’ex-macunien est apparu souriant, le dos floqué d’un simple Ronaldo et avec un nouveau numéro 9 sur ses épaules. CR7 est mort, vive CR9. Malgré un short un peu trop moulé, le Cristiano nouveau a quand même réussi à gravir les marches du podium installé pour l’occasion, tel Jésus sur la colline. Bronzé , gominé, et entouré de vieux croûtons mythiques comme Eusebio et Di Stefano, le joueur est d’abord apparu presque intimidé par les trophées du club trônant sur l’estrade. En se mordillant les lèvres pendant les cinq premières minutes, Ronaldo a néanmoins montré qu’il savait aussi faire profil bas malgré tout le cirque monté en son honneur. Visiblement ému, le public a alors scandé « Si, si, si esta en el Madrid » (en VF : « oui, oui, oui il est enfin à Madrid » ).

Perez, pour qui l’improvisation et les temps mort n’existent pas, est alors reparti sur un long discours ou les mots « professionnalisme » , « sérieux » , « modestie » et « sens du collectif » ont du résonner longtemps dans les oreilles de Ronaldo. Hasard ou coïncidence, le premier vrai sourire du portugais est apparu à ce moment-là. Timide et pas vraiment serein, Cristiano Ronaldo s’est alors présenté devant les micros comme un gamin pas sûr de se rappeler du poème qu’il a appris la veille. En remettant au goût du jour l’esperanto, Ronaldo a enchaîné les poncifs tels que : « j’ai accompli un rêve de gosse en venant au Real Madrid » , ou encore le très attendu « je promets de travailler très dur » . Sans oublier le fameux : « Je ne m’attendais pas à un si bon accueil » . Bref, du pipi de chat néanmoins ovationné comme il se doit par la paroisse du Bernabeu qui n’a pas hésité longtemps avant de reprendre en cœur le cri de guerre du club après un compte à rebours initié par le joueur : « un, deux, trois Hala Madrid ! » .

Le reste de la soirée a été ponctué de pouces levés au ciel, d’applaudissements du joueur et du public, et de quelques touchers de balles magiques. Une mécanique bien huilée que quelques gamins téméraires ont enrayé pour venir demander des autographes et des maillots au joueur. Un autre gamin, beaucoup plus grand celui-là, est même parvenu à rejoindre Cristiano Ronaldo sur l’estrade malgré une barrière d’agents de sécurité ni commodes ni très sereins. Casquette vissée sur le crâne, le jeune maghrébin a failli se faire démonter par les forces de l’ordre avant que le joueur, avec un large sourire, ne vienne l’embrasser et lui signer son maillot. Reparti comme il était venu, c’est-à-dire avec sa bite, son couteau plus un autographe, le sourire du téméraire supporter faisait chaud au cœur.

Ronaldo, lui, était déjà parti faire un petit tour d’honneur rapidement avorté par des débordements pacifiques dans les tribunes. Conquis par la spontanéité et le naturel de leur nouvelle star, c’est désormais sur le terrain et avec un ballon que Cristiano Ronaldo devra convaincre ses nouveaux disciples. En attendant le début de la Liga, à la fin du mois d’août, le portugais s’adonnera sûrement à son rituel de prédilection dans les nuits bouillonnantes de Madrid : le sacrifice de vierges. L’histoire est déjà en marche…