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Cristiano et chaos
Cet été, le monde entier a zieuté du côté de la Juventus, recrutement de Cristiano Ronaldo oblige. Certains ont même pronostiqué le retour au premier plan de l'Inter, se sont passionnés pour le feuilleton Higuaín au Milan ou encore pour l'arrivée d'Ancelotti au Napoli. Comme si la Serie A commençait à redevenir la belle dame envoûtante qu'elle était à la fin des années 1990. De belles promesses, qui dissimulent une réalité plus contrastée : oui, le football italien va mieux. Mais pas à tous les étages.
Cette année, en Italie, l’été a été plutôt du genre studieux. Pas de côte amalfitaine, de plages de sable fin, ou de restaurant paumé au fin fond de la campagne toscane pour les dirigeants des clubs de Serie A. La Nazionale n’était pas au Mondial, mais l’élite de la Botte a fait ses devoirs de vacances. La Juventus a donné l’exemple en cramant 117 millions d’euros pour se dégoter le meilleur joueur du monde – le plus gros transfert de l’histoire du championnat italien – et ce coup-là était aussi retentissant qu’inattendu. Reste que ceux qui ont l’habitude de lézarder au soleil au mois d’août plutôt que de préparer leur rentrée savent que les impressions sont parfois trompeuses. « Les statistiques, c’est comme le bikini : ça donne des idées, mais ça cache l’essentiel » , disait Coluche. Une maxime qui colle bien à la peau du football italien, dont les grosses écuries re-bombent le torse, mais qui reste encore malade de ses problèmes structurels.
Cap au nord
Côté pile, les plus optimistes regarderont vers la tête de classe. Et vers la Juve, qui, avec Ronaldo, a peut-être enfin en magasin l’arme ultime qui doit lui permettre de remporter la C1, mais a aussi recruté aux quatre coins du pré (Bonucci, Cancelo, Can, Perin, Spinazzola…). La Vieille Dame n’est cependant pas la seule à avoir soigné son intersaison. Les deux Milanaises se sont elles aussi pomponnées cet été. L’Inter, qui a décroché la saison dernière sa première qualification pour la C1 depuis 2012, a tout bien fait ou presque : Spalletti a été prolongé jusqu’en 2021, Icardi a été conservé et le mercato a une gueule sacrément séduisante puisque Nainggolan, De Vrij et Vrsaljko sont, entre autres, venus renforcer les rangs interisti. L’AC Milan a passé un été beaucoup plus agité, puisque le fonds américain Elliott a dû prendre le contrôle du club, mais repart également sur des bases séduisantes : Mattia Caldara, un des plus grands espoirs italiens au poste de défenseur central, l’Uruguayen Laxalt et surtout Higuaín ont notamment rejoint le Diavolo en août.
Signe que les grands clubs du Nord se sont réarmés pour tenter de clouer le bec du duo Napoli-Roma, plus compétitif que les deux formations lombardes ces dernières saisons. Le haut de tableau, à l’exception de la Juve qui devrait encore une fois avoir deux longueurs d’avance sur la concurrence, devrait ainsi être plus homogène que jamais : Naples entame un nouveau cycle sous la direction d’Ancelotti, et la Roma, exception faite d’Alisson et Nainggolan, a conservé la majorité de ses cadres et tentera de délivrer un exercice dans la veine de la saison précédente, où elle avait atteint le dernier carré de la C1. Mieux, la classe moyenne de la Serie A peut également afficher un sourire en coin : de la Lazio (Badelj, Correa, Acerbi) à la Fiorentina (Pjaca, Lafont) en passant par la Sampdoria (Defrel, Jankto, Audero), les équipes outillées pour viser une qualification en Ligue Europa ont elles aussi remis du carburant dans le moteur cet été.
Serie B viciée
Problème : si les gros calibres du football transalpin se sont refait une beauté, les formations issues des échelons inférieurs ont essuyé un été chaotique. Première illustration avec le bordel monumental dans lequel est plongée la Serie B depuis plusieurs semaines : trois clubs (Bari, Cesena et Avellino) ont fait faillite et se sont vu interdire de participer à la seconde division. Originellement à 22 clubs, le championnat s’est retrouvé avec seulement 19 équipes, et la Lega Serie B a dû ébaucher un nouveau calendrier dans l’urgence. Un sparadrap qui risque de sauter à tout moment : les clubs relégués lors de la dernière édition de la Serie B, à savoir Novara, Pro Vercelli, Ternana et Virtus, ont en effet fait une demande auprès du CONI (le comité national olympique italien), pour être réintégrés à la seconde division afin que le championnat retrouve son format originel, à 22 protagonistes.
Vieux démons
Les intersaisons de Parme, fraichement promu en Serie A, et du Chievo n’ont pas été beaucoup plus brillantes : les Parmesans se sont retrouvés embarqués dans une sombre affaire de match arrangé face à Spezia, lors de la dernière journée de Serie B 2017-2018, et ont d’abord été condamnés à cinq points de pénalité pour leur retour en Serie A. Une sanction finalement réduite à une amende beaucoup plus clémente de seulement 20 000 euros. Le Chievo, lui, aurait magouillé pour augmenter fictivement son capital et était menacé d’une rétrogradation de quinze points applicable à l’exercice précédent de Serie A. Ce qui l’aurait de facto condamné à la Serie B. Finalement, le club s’en est sorti grâce à une pirouette juridique, en profitant d’un vice de procédure. Un paquet d’histoires louches qui renvoient le football italien à ses éternels vieux démons. En attendant, le Chievo défiera la Juventus dans son antre, ce samedi. Et oubliera sans doute ses problèmes l’espace d’un après-midi, quand Cristiano Ronaldo émergera des vestiaires, pour trotter sur la pelouse du stade Marcantonio-Bentegodi.
Par Adrien Candau