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Cristian Tello, surprise malgré lui
Petit nouveau de la Roja, Cristian Tello n’est pas un crack, mais un bosseur. Persévérant, il a enfin trouvé sa place dans un Barça qui ne lui a jamais fait de cadeau. Tello, ou l’histoire d’une éternelle surprise.
Peu adepte du turn-over, Vicente del Bosque a cette fois fait dans le renouvellement de générations. Une première depuis le début de son mandant. Pour ce match amical, c’est donc une Roja new-look qui s’en va à Guayaquil affronter l’Équateur. Exit les Xavi, Pedro, Piqué, Villa et autres Xabi Alonso. Pour les remplacer, le sélectionneur espagnol a fait appel à trois néophytes : Íñigo Martínez, Koke et Tello – Thiago Alcántara comptant déjà trois capes, Isco une. De ces cinq comparses, tous champions d’Europe U21, Cristian Tello apparaît comme la grosse côte. Car entre le défenseur basque, indéboulonnable de la Real, Koke, infatigable du milieu de l’Atlético, et Isco, la pépite andalouse, seul le Barcelonais ne dispose pas du statut d’indiscutable. Joker offensif du Barça, il continue son apprentissage. Avec cette première convocation, une marche est gravie. Ce qui ne l’empêche pas d’être « honoré par cette sélection » et « surpris de recevoir autant d’affection » . Dans ce rôle de surprise du chef, Tello s’éclate. Et ce depuis bien longtemps.
Toujours remplaçant, souvent buteur
A contrario d’autres cracks de sa génération, Tello a galéré. Longtemps. Débarqué à l’âge de dix ans à la Masia, il y est resté le bon joueur jamais indispensable. Tant est si bien qu’en 2007, du haut de ses 16 piges, il est prié d’aller glaner du temps de jeu ailleurs. Oscar Cosialls, alors entraîneur du FC Damm, se souvient : « Il n’était même pas titulaire au Barça car deux autres attaquants étaient devant lui. C’est pour cela qu’il a atterri chez nous, au CF Damm » . Ses débuts dans le club-ami du Barça sont délicats. « Quand on l’a vu débarqué, on s’est dit qu’il était bien trop fin, bien trop maigre. Alors il a souvent commencé sur le banc » , explique ce même Oscar Cosialls. Ses rentrées, pourtant, sont décisives. « Dès qu’il jouait, il marquait, se remémore son ancien coach. En terme de rentabilité but/minutes sur le terrain, il a toujours été le meilleur » . Jouant sur sa vitesse – qualité qui a toujours été sienne – Cristian profite tant bien que mal de ses bouts de match. Sans jamais se résigner.
Pour expliquer sa réussite future, Oscar Cosialls se rappelle d’un minot qui « mentalement a toujours été fort » puisque, de toute façon, « il n’avait pas d’autre choix » . Durant les séances d’entraînement, Cristian Tello s’arrache. Une constante qui ne le quittera jamais, du FC Damm, au Barça, en passant par l’Espanyol. Mais cette qualité a longtemps été son plus grand défaut. « Parfois, il pensait tellement qu’il allait réussir que ça le faisait tomber de haut. Mais il se relevait » , entame son ancien mentor avant de sortir l’anecdote ce circonstance : « Il avait coutume de toujours tirer de la même manière. Il enroulait ses frappes au même endroit, à la même hauteur. Alors je lui ai dit de chercher de nouveaux angles car les gardiens ont toujours moins de mal à capter une frappe à mi-hauteur plutôt qu’à ras-de-terre. Et lors du premier match de la saison, face à des garçons bien plus vieux que lui, il a raté tous ses duels car il tirait toujours de la même manière. À la fin du match je suis allé le voir, et je lui ai passé une soufflante » . Depuis, Cristian a opté pour l’intérieur à la Thierry Henry.
« Tu as vu comment tu as changé ? »
Non conservé par le Barça à la fin de cette saison 2007-2008, il s’engage chez le voisin et ennemi de l’Espanyol. Une année chez les juniors, puis une saison dans l’équipe B des Perricos plus tard, il revient saluer ses anciens partenaires du CF Damm. « Lorsque je l’ai vu revenir de l’Espanyol je lui ai dit : « Tu as vu comment tu as changé ? » Il avait poussé de partout, en musculature comme en taille » , se souvient encore Oscar. Grâce à ce nouveau physique enfin compatible avec le haut-niveau, il rentre dans l’anonymat au bercail blaugrana. Outre cette corpulence toute fraîche, sa position sur le terrain a évolué. Désormais, il officie sur un côté. Dans sa jeunesse, « Cristian n’a presque jamais joué ailier, chez nous et lorsqu’il était dans les cadets du Barça, il était attaquant de pointe » , remarque le señor Cosialls. En l’espace de cette saison 2010-2011, il s’impose comme un élément vital de la réserve blaugrana. À tel point que l’année suivante, courant novembre, Pep Guardiola le lancera dans le grand bain professionnel.
Ses débuts sont prometteurs. Pep Guardiola ira même à le comparer à « un éclair » . Oui, mais voilà : les représentants du minot et du coach sont les mêmes. Rapidement, on incrimine le divin chauve catalan de favoritisme. À vrai dire, les rentrées de Cristian, loin d’être convaincantes, laissent entrapercevoir de vraies lacunes techniques. Ses dribbles sont stéréotypés et ses débordements n’offrent plus la variété escomptée. Mais le bougre redouble d’efforts. Un temps devancé par Cuenca, il lui grille la politesse. L’an dernier, malgré le départ de Guardiola, il conserve la confiance de Tito Vilanova. Bien lui en a pris. Car Tello sort la meilleure saison de sa jeune carrière : sur son côté, il prend part à 22 rencontres pour huit buts (son meilleur total en carrière). Tout naturellement, lors de cette pré-saison réussie, la direction barcelonaise lui offre une prolongation, qu’il accepte, jusqu’en 2018. Dans la foulée, cette convocation surprise en sélection « est un signal qui montre que je fais les choses bien » . Comme quoi, à défaut de talent pur, le travail paie.
Par Robin Delorme, à Madrid