Le 7-1 contre l’Allemagne, c’est vraiment un « Maracanazo » bis ?
Cela n’a rien à voir avec la défaite contre l’Uruguay de 1950. Ce n’est même pas une finale. Et même pas une surprise. Car, tout le monde savait que la Mannschaft était imbattable. Seuls les gamins rêvaient de victoire, et les adultes n’ont pas eu le courage de les affranchir. En fait, avant même qu’elle ne commence, cette Coupe de monde avait un goût amer. Avec tous ces mouvements sociaux, il y avait moins d’entrain. On ne va pas non plus tomber en dépression pour un match de foot. Aussi humiliant soit-il. Avec toutes les merdes que l’on se coltine dans ce pays, on a la peau dure et assez d’autodérision pour passer outre.
En France, on rabâche toujours cette même phrase : « Quand les Brésiliens perdent au foot, c’est un drame national ! » N’est-ce pas là une manière de vous infantiliser ?
Clairement, et même si le foot a une importance hors normes dans le pays. C’est le schéma classique : tu es un gamin pauvre, t’as pas de quoi t’habiller correctement, ni la bonne couleur de peau. Et pour te changer les idées, vu que le cinéma est trop cher, il ne te reste que le foot. Ce ballon, c’est ta seule manière de t’évader du quotidien. Voire si t’es bon, de devenir quelqu’un. Mais, même ça, c’est de moins en moins possible.
C’est-à-dire ?
Il n’y a plus de place dans les ghettos pour les terrains d’entraînement. La pression immobilière est trop forte, l’extension des villes pressurise toujours plus les favelas. Et ce sont les gamins qui trinquent. Comment te faire repérer par un club si tu ne peux plus jouer ? Comment continuer à avoir des joueurs aussi techniques si, à terme, les seuls qui taperont dans un ballon seront les enfants des classes moyennes avec leurs beaux crampons tout neufs ? Chaque jour, le rêve s’éloigne un peu plus.
On a reproché à la fronde sociale de juin 2013 d’avoir déstabilisé la Seleção. On pense notamment à la fébrilité de Thiago Silva…
Je ne suis pas dans son cœur, mais franchement, c’est n’importe quoi. D’où venait cette pression de la victoire, cette obligation impérative de gagner ? D’un mirage collectif et non des manifestations. Comme si une victoire en Coupe du monde allait tout changer… C’est dingue quand t’y penses. On a collé à cette équipe une responsabilité sociale énorme, totalement déconnectée de la réalité. Si ton pays est un foutoir, si ta vie est une galère, règle ça avec ta présidente, ton gouverneur ou ton député. Qu’est-ce qu’un sportif a à voir là-dedans ? Et quant à la contestation sociale, nous n’en sommes qu’au début. Dans les mois qui viennent, cela risque de vraiment chauffer. À São Paulo, les politiques ont ainsi été incapables de prévoir les conséquences de la sécheresse due au changement climatique. Et les réserves d’eau sont à sec. On n’est pas moins de 20 millions à vivre dans le coin. À Rio, même topo. Tout le monde flippe, mais eux s’en foutent totalement. L’intérêt général, c’est un concept très vague chez nous…
Loin de la « Démocratie corinthiane » initiée par Sócrates…
En 1982, je n’avais que 7 ans, mais mon père m’en parlait beaucoup. Il s’enthousiasmait pour ce mouvement, c’était son héros. Dans le climat politique de l’époque, ce message initié par des joueurs de foot contre la dictature était un symbole si fort…
Tu supportes le club pour cette raison ?
Ce n’est jamais toi qui choisis, mais lui. Les Corinthians, ce n’est pas pour tout le monde. Tu es destiné à en faire partie ou pas. C’est un peu mystique (rires). Il est difficile d’expliquer le sublime, le merveilleux. Une relation d’amour, tu peux, mais une telle passion, c’est impossible. Une telle communion populaire, elle n’existe nulle part ailleurs. Quarante millions de supporters quand même ! Et même le déménagement à Itaquerão, le nouveau stade du Corinthians, n’a rien changé à cela. Et pourtant, beaucoup ont gueulé.
Tu es très pote avec Luisão, tu n’essaierais pas de le faire venir ?
Si t’écris ça, le président de Benfica va me chercher des problèmes (rires). Luisão, quand il revient à São Paulo, c’est surtout pour la samba. On s’est connus comme ça. Tous les dimanches, dans le quartier, je joue avec le groupe Pagode Da 27. Il y a à peu près quatre ans, on l’a donc vu débarquer à Grajaú. Luisão est tellement fan de son, qu’il était venu jusque-là pour nous écouter. Depuis, chaque fin d’année, il est de retour. On bouffe ensemble, on s’écoute un peu de son. J’ai fait un concert à Lisbonne, il m’a tout fait visiter. Mais je n’ai pas pu voir de match, fais chier…
Criolo en concert à Paris, au Cabaret Sauvage le 17 juillet 2015
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