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Cremonese 2023, l'héritier d'Ancona 2004
En déplacement ce dimanche sur la pelouse du leader napolitain, la Cremonese vit un exercice 2022-2023 en Serie A chaotique. Les promus n’ont encore jamais gagné et pointent tout logiquement à la dernière place. Mais qu’ils se rassurent, ils disposent encore de huit matchs pour ne pas faire pire qu’Ancona.
Treize défaites, huit matchs nuls pour aucune victoire : voici le bilan de la Cremonese après 21 journées de Serie A. Bon dernier du championnat transalpin, le club lombard est aussi le bonnet d’âne du top 5 européen, seule équipe à n’avoir remporté aucun match depuis le début de saison. Samedi dernier, les Grigiorossi n’ont pourtant pas démérité face à Lecce (2-0) en montrant de belles intentions. Mais une nouvelle fois, leurs carences techniques et tactiques ont été sanctionnées. Une équipe pas taillée pour l’élite du football italien, c’est ce qui est reproché par certains tifosi qui ont décidé d’exprimer leur colère à l’encontre du directeur général Paolo Armenia et le directeur sportif Simone Giacchetta, dont le travail a été qualifié de « honteux ». Néanmoins, la Cremonese ne compte pas baisser les bras, à commencer par son entraîneur. Arrivé en Lombardie le 15 janvier dernier, Davide Ballardini ne désespère pas : « Nous ne devons pas regarder le classement et seulement prendre les matchs les uns après les autres. Certes, ce sera extrêmement compliqué d’y parvenir, mais cette équipe est capable de le faire. Nous devons penser uniquement à ça. » Si l’ancien entraîneur du Genoa n’est toujours pas parvenu à décrocher les trois points en championnat, la formation crémonaise montre déjà plus d’entrain dans le contenu proposé.
Des intentions récompensées en Coupe d’Italie, compétition dans laquelle la bande de Soualiho Meïté montre un visage totalement différent. L’équipe s’est hissée dans le dernier carré de la compétition en éliminant tour à tour le Napoli (2-2, 7-6 aux TAB) en huitièmes de finale, puis la Roma (2-1) en quarts. Un fabuleux parcours qui résonne comme un motif d’espoir pour la suite de la saison. « Contre les grosses équipes, nous parvenons à montrer un niveau technique plus important. Il faut maintenant être capable de mettre la même exigence et montrer plus d’adresse face aux plus petites équipes », argumente Ballardini. Pour en revenir au championnat, la Cremonese compte déjà dix longueurs de retard sur la zone verte. Avec aucune victoire lors de la phase aller, les Grigiorossi sont rentrés dans l’histoire du football italien en devenant la troisième équipe de l’histoire de la Serie A à réaliser une telle série, après Varese Calcio (1971-1972) et l’US Ancona (2003-2004). Et c’est justement vers cette dernière que l’histoire de Crémone trouve le plus d’écho.
Une saison en enfer
En effet, quelques similitudes existent entre l’US Cremonese et l’US Ancona : toutes les deux sont des unions sportives, sont des promues disposant de moyens très limités et se sont rapidement retrouvées larguées dès les premiers matchs. Comme la Cremonese cette saison, Ancona a commencé son championnat avec cinq défaites lors des six premières journées. Pourtant, le club ancônitain disposait d’un effectif de qualité. Un mix entre expérience (Maurizio Ganz, Eusebio Di Francesco, Paolo Poggi ou encore Mauro Milanese) et jeunesse talentueuse (Andrea De Falco, Goran Pandev, Marco Esposito et Bruce Dombolo). Ce dernier débarque en Italie sur les conseils de son agent de l’époque, un certain Pape Diouf. À peine majeur, l’ancien pensionnaire du centre de formation de l’AJ Auxerre découvre le top niveau : « Le championnat italien, à cette époque, était fantastique. Je vivais mon rêve de jeune gamin qui découvrait le monde professionnel. »
Mais très vite, ce rêve va se transformer en cauchemar pour Dombolo & Cie. Outre l’enchaînement des défaites, les Biancorossi doivent surtout faire face aux incompétences de la direction. « Le principal problème n’était pas sportif, se souvient le natif de Marseille. Les résultats sportifs étaient mauvais, mais le club dans sa globalité n’était pas prêt pour évoluer en première division. À plusieurs reprises, nos salaires n’étaient pas payés ou bien seulement une partie. Forcément, ça devient très vite compliqué de se concentrer sur le sportif. C’est vraiment la gestion chaotique du club qui a amené à cette situation. » Une marche trop haute ? « On avait vraiment un effectif de qualité, la situation était différente que la Cremonese cette saison. C’est difficile de se donner à 100 % lorsque l’on t’explique que ton salaire sera versé le mois prochain », réaffirme dix ans après Bruce Dombolo. Salaires impayés, structure sportive digne d’un club amateur et direction qui gère le club de manière rocambolesque (44 joueurs disputeront au moins un match durant la saison, record jamais égalé en Italie avec un mercato hivernal ponctué de 12 recrues pour 19 départs !), le club d’Ancône va logiquement s’écrouler et terminer la saison en liquidation judiciaire.
Gourde, WAG et Jamel Comedy Club
Malgré l’enchaînement des défaites, comment est-il possible de maintenir le cap ? Pour Bruce Dombolo, « ce sont les anciens, les joueurs cadres, qui doivent chercher à remobiliser les troupes après les matchs. Mais ce n’est pas quelque chose d’évident. » Des joueurs d’expérience, la Cremonese n’en dispose pas énormément : seuls Vlad Chiricheș et Marco Benassi ont disputé plus de 100 matchs en Serie A. Mais ces doyens sont toujours prêts à donner de bons conseils, même les plus absurdes, se remémore Dombolo : « Mauro Milanese était un peu mon mentor. Je me souviens de tout mon premier entraînement avec l’équipe professionnelle. C’était extrêmement intense, alors je décide de me diriger vers les gourdes pour m’hydrater. Et là, alors que je vais boire, il m’arrache la gourde des mains. Il me prend à part, comme si j’étais son petit frère et il me demande si j’ai vraiment soif. J’acquiesce et il me dit : « Tu sais ce qu’il y a dans la gourde ? » Je lui réponds que non, et il se rapproche de mon oreille et me dit : « Retiens bien ça pour la suite de ta carrière, quand tu ne sais pas ce qu’il y a dans une gourde, ne bois jamais dedans. » J’ai posé la gourde. (Rires.) » Au plus bas moralement, les Anconetani parvenaient tout de même à relativiser : « Forcément, tu es affecté par les défaites, ce n’est pas la question, mais c’est plus facile de travailler lorsque l’ambiance est bonne. Je ne suis pas dans le groupe de la Cremonese, mais c’est clair que si le groupe ne s’entend pas, c’est impossible de se relancer », avance Dombolo. Pour ne pas tomber en dépression, les joueurs d’Ancône pouvaient notamment compter sur Cristian Bucchi, « l’homme le plus drôle au monde » selon l’ancien Auxerrois, qui avance même que « l’ambiance dans le groupe, c’était le Jamel Comedy Club. »
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Pour venir éclaircir cette saison cauchemardesque, les Biancorossi n’ont pas pu compter sur un joli parcours en Coupe d’Italie comme leurs héritiers crémonais, mais sur le magazine FHM. Ce dernier établissait un classement annuel des plus belles compagnes de footballeurs. En 2004, c’est Magdalena Graaf, femme du portier suédois Magnus Hedman, qui termine en tête du classement. « Au sein du club, même lors des séances d’entraînement, on discutait beaucoup plus de la femme de Magnus que des résultats du week-end », se souvient Bruce Dombolo comme d’une madeleine de Proust. « Je ne l’avais jamais vue de mes propres yeux, mais un jour, je suis tombé nez à nez avec elle à la sortie de l’entraînement. Sa beauté a même fait tomber mon sac de sport. La rencontrer, c’était l’un des plus beaux exploits de ma carrière », en rigole le Franco-Congolais. Sur le rectangle vert, il aura fallu attendre la 29e journée pour voir la première victoire d’Ancona lors de cette saison 2003-2004 face à Bologna (3-2), puis une seconde lors de l’avant-dernière journée à la maison face à Empoli (2-1). « On est allé chercher ces deux victoires pour les supporters qui étaient toujours là et qui ne s’arrêtaient pas de nous encourager », explique Bruce Dombolo. L’ex-braqueur aujourd’hui en profite pour glisser un conseil aux Crémonais : « Bien évidemment qu’il faut y croire jusqu’au bout, c’est indéniable, mais je pense que le club devrait déjà anticiper la saison prochaine, faire davantage jouer les jeunes pour se montrer compétitifs dès la nouvelle saison et espérer remonter par la suite. » Parole d’ancien.
Par Tristan Pubert
Propos de Dombolo recueillis par TP.