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Coventry, le stade de la discorde
C’est l’un des feuilletons de l’été en Angleterre : Coventry City FC, ancien habitué de la Premier League tombé depuis l’an dernier en troisième div’, est en conflit ouvert avec les propriétaires du stade de la ville, la Ricoh Arena. Résultat : il a été décidé que l’équipe première disputerait désormais ses matchs à domicile à Northampton, à 50 bornes de là ! Une situation qui suscite forcément la colère des supporters, nostalgiques d’une époque pas si lointaine où leur club était de ceux qui comptaient en Angleterre.
Avant 2013, Coventry avait déjà fait l’actu des journaux sportifs anglais avec une info en rapport avec son enceinte. C’était en 1981, du temps de l’antique Highfield Road qui venait d’être rénové, devenant pour l’occasion le premier du pays entièrement assis. Fierté. Entrée dans une nouvelle ère. Et début de la fin des « terrace » , ces tribunes typiquement anglaises permettant de masser un max de monde debout. À l’époque, la formation des West Midlands est une valeur sûre de la première division. Pas vraiment un mastodonte, mais disons un poids moyen, aussi discret qu’efficace, monté pour la première fois en élite en 1967 sous la houlette du charismatique entraîneur Jimmy Hill, qui deviendra plus tard un présentateur vedette à la BBC, resté fameux aussi bien pour son bagout que pour son menton, qu’il a (très) grand. Coincé chaque saison dans le ventre mou de la Football League, Coventry passe toutes les décennies 70, 80 et 90 à l’abri de la relégation, sans jamais non plus pouvoir se hisser parmi les candidats au titre. Deux faits de gloire à signaler néanmoins : la victoire en FA Cup en 1987 face à Tottenham et le titre de meilleur buteur de Premier League partagé par Dion Dublin avec Michael Owen et Chris Sutton en 1997-98, 18 buts chacun. Énorme toute cette saison, Dublin connaît alors les joies de la sélection, mais Glenn Hoddle lui préfère finalement Les Ferdinand pour disputer la Coupe du monde en France. L’attaquant ne s’en remettra jamais complètement, son club non plus. En 2001, Coventry est relégué pour la première fois depuis 1967. Il n’est jamais plus remonté depuis.
Un loyer bien trop cher…
Au contraire, après des années à flirter avec une seconde relégation, celle-ci intervient finalement à l’issue de la saison 2011-2012. Entre-temps pourtant, les « Sky Blues » ont cherché à se moderniser, se dotant d’une académie et remplaçant le mythique Highfield Road par la Ricoh Arena, inaugurée en 2005. L’enceinte de 32 000 places n’est certes pas souvent pleine – l’affluence moyenne tourne autour de 17 000 spectateurs – mais elle constitue un sacré bel écrin pour une équipe qui espère toujours revenir en élite, à plus ou moins long terme. Problème : le club n’en est pas propriétaire. D’où les ennuis du moment. Car la Ricoh Arena est si belle que le loyer réclamé par son administrateur (Arena Coventry Limited, ACL) est trop élevé pour une formation qui rame financièrement et qui évolue désormais en League One, l’équivalent de la 3e div’. Du coup, en décembre dernier, les proprios du club ont réclamé une baisse notable du loyer, de 1,4 million d’euros par an à 230 000… Face au refus d’ACL d’accepter la requête, le conflit s’est envenimé et les instances nationales s’en sont mêlées. Après enquête, la sanction est tombée en mars : face aux soucis de trésorerie et au refus de livrer le loyer de la saison, Coventry City a été placé en redressement judiciaire, mis sous tutelle d’un administrateur et s’est vu retirer 10 points de pénalité. Les derniers espoirs de remontée immédiate en Championship se sont envolés. En mai, l’équipe termine finalement 15e et va devoir évoluer encore au moins une saison en League One.
« Keep Cov in Cov »
Mais ce n’est pas le pire. Depuis cet hiver, le conflit avec les proprios du stade n’a toujours pas été réglé, malgré une proposition de réduire le loyer annuel à hauteur de 685 000 euros. On pouvait pourtant légitimement penser que les choses allaient pouvoir s’arranger, étant donné que le club a été vendu il y a quelques semaines à un consortium, mais ce dernier reste sur la même longueur d’onde que les précédents dirigeants : on tourne la page Ricoh Arena. Un bail de 25 ans aurait pourtant été signé en 2006, liant le club au stade de la ville. Rien n’y fait néanmoins, l’idée à long terme des nouveaux dirigeants est de construire un nouveau stade qui sera cette fois géré par le club. En attendant que ce projet un peu fou se réalise – s’il se réalise un jour… –, Coventry a contacté des clubs voisins pour savoir s’il était possible de se faire prêter leur stade. Après avoir sondé Walsall, c’est finalement le choix de Northampton, à 50 km de Coventry, qui a été retenu. Un contrat de 3 ans a été conclu pour que le club local, qui évolue en League Two, partage le modeste Sixfields Stadium (7600 places) avec Coventry City FC. Forcément, ce choix déplaît aux supporters, pas franchement décidés à se taper 50 bornes pour assister aux matchs de leurs favoris à « domicile » . Environ 5 000 d’entre eux ont défilé pacifiquement en ville samedi dernier, avec pour slogan de rassemblement « Keep Cov in Cov » . Une pétition a également circulé et une autre marche de mécontentement doit avoir lieu dans les prochains jours. C’est courageux, mais ça semble malheureusement vain. Dimanche 11 août, pour le compte de la 3e journée de League One, Coventry doit logiquement accueillir Bristol City à Northampton pour son premier match à domicile de la saison.
Par Régis Delanoë