ACTU MERCATO
Coutinho, Dybala, Rakitic… Les joueurs ont-ils encore le droit d’avoir un avis sur leur transfert ?
Alors que toute la planète football se met à réclamer à tort et à travers du respect pour les « institutions », il semble pourtant que celles-ci ne respectent plus grand monde, elles non plus. À commencer par leurs propres joueurs, qui ne sont parfois plus que considérés comme une vulgaire monnaie d’échange dans le cadre d’un transfert d’envergure. Paulo Dybala, Philippe Coutinho, Ivan Rakitić et Mauro Icardi en sont les exemples parfaits, cet été. Et sinon, l’avis du joueur, on en fait quoi ?
Cet été sur le marché des transferts, tout se passe exactement comme dans la cour d’école quand il s’agit de s’échanger des vignettes Panini, parce que tel joueur a tel valeur et que cela ne se discute pas. À lire les dernières rumeurs qui envoient Neymar vers à peu près toutes les grandes équipes européennes, deux ou trois joueurs sont sans cesse associés au transfert pour faire baisser le prix du Brésilien. Coutinho, le plus souvent, Rakitić, très fréquemment, Dybala voire Icardi, dernièrement. Les joueurs ne sont plus que des actifs trimballés de droite à gauche, et pour lesquels émettre ne serait-ce qu’un simple avis sur leur avenir relève du miracle. La dérive, visible depuis plusieurs années, arrive peut-être à son paroxysme dans cette fenêtre estivale.
La prise de pouvoir du non-droit à l’erreur
L’exemple de ces quatre joueurs (Rakitić, Dybala, Coutinho et Icardi) est particulièrement parlant. On parle d’immenses joueurs, si tant est que les clubs auxquels ils appartiennent l’aient oublié. Il y a là un vainqueur de Ligue des Champions avec le Barça (2015), un quadruple champion d’Italie avec la Juve (2015, 2016, 2017 et 2018), le meilleur joueur de Serie A avec l’Inter (2017-2018) et un vainqueur brésilien de la dernière Copa América (2019). Bref, ils font partie du gratin du football mondial. Et tant pis s’ils sortent tous d’une saison délicate, pour pas dire ratée.
Mais cette manière d’appréhender les performances d’un joueur avalise, de fait, une forme de non-droit à l’erreur : à l’issue d’une saison ratée, le départ devient désormais inéluctable. Pourtant, quand un joueur est dans le creux de la vague, il n’est pas utile d’essayer de le noyer une fois pour toutes. Sinon, André-Pierre Gignac ne serait jamais devenu une idole à Marseille (ni à Toulouse, d’ailleurs), comme Edinson Cavani serait parti sous les huées dès sa première année au PSG, pour prendre l’histoire récente en exemple. Alors, si un joueur est trop cher pour les finances d’un club, il serait plus malin de changer de cible plutôt que d’essayer de refourguer ses indésirables.
Rakitić ne veut pas aller au PSG
Et pourtant, les montages les plus farfelus sont imaginés chaque jour pour les envoyer loin de leur club. Tout ça au profit d’un joueur détesté par ses propres supporters et blessé à répétition depuis deux ans : Neymar. Si signer au Paris Saint-Germain — puisqu’il est souvent de ce club dont il est question pour Coutinho et Rakitić — n’est évidemment pas synonyme du bagne, ils ont quand même le droit de ne pas être emballé. Enfin, en théorie. Dans les faits, beaucoup moins. Le Mundo Deportivoaffirmait d’ailleurs, ce mercredi, que le Croate ne souhaite pas faire partie de la transaction qui renverrait Neymar au Barça. « Je ne suis pas une monnaie d’échange » , aurait expliqué le vice-champion du monde à ses dirigeants.
Une gestion hasardeuse, et lourde de conséquence si les transferts ne vont pas au bout. Comment se sentiront Coutinho, Rakitić, Icardi et Dybala s’ils portent toujours le maillot de leur club actuel, au matin du 3 septembre ? Revanchards, au mieux, découragés, au pire. Ils auront l’étiquette du paria auprès des supporters, et peut-être même d’une bonne partie de leurs coéquipiers. Icardi, par exemple, a même vu son numéro 9 réattribué à Romelu Lukaku alors qu’il est encore au club. Rien de mieux, en somme, pour perdre définitivement un joueur qui était pourtant capitaine il y a encore quelques semaines. Or, espérer d’eux qu’ils fassent des miracles sur le terrain alors qu’ils se sont sentis comme des pièces interchangeables tout au long de l’été relève de l’utopie.
Pourtant, à l’heure actuelle et à deux semaines de la clôture du marché des transferts, rien ne dit que Neymar sera barcelonais et que Coutinho et Rakitić ne le seront plus. Rien ne dit, non plus, que Dybala et Icardi auront trouvé des écuries qui voudront bien d’eux. Rien ne dit, enfin, que les grandes institutions auront compris la leçon et que tout ne recommencera pas l’été prochain.
Par Arthur Stroebele