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La Belgique s’offre une nouvelle crise politique
Arrivé en février, Domenico Tedesco a affronté cette semaine pour la première fois le grand déballage public des crises internes de la sélection des Diables rouges. Une triste ritournelle que les joueurs du Plat Pays répètent depuis de long mois déjà.
« Ça serait facile pour moi de dire qu’il est blessé. Mais ce serait un mensonge de ma part. » Il a suffi d’une petite phrase pour que Domenico Tedesco ne ravive les braises sur lesquelles il s’était assis il y a tout juste quatre mois. Le commentaire lâché en conférence de presse par le sélectionneur de 37 ans, aussi honnête que maladroit, a fait l’effet d’une bombe. Revenir en public sur le choix de son capitaine en l’absence de Kevin De Bruyne a suffi à remettre un coup de projecteur sur les guerres d’égos qui minent le groupe belge depuis des années. Au crépuscule de la « génération dorée », Domenico espérait donner une nouvelle jeunesse. Quatre petits matchs et un refus du gardien du Real de suivre le groupe en Estonie plus tard, voilà que le vernis s’écaille de nouveau, laissant apparaître les stigmates de l’héritage de Roberto Martinez.
SOS : Thibaut ne répond plus
Pourtant, à la veille de la première rencontre de ce regroupement printanier, c’est un Thibaut tout sourire qui se pointe, heureux de pouvoir ancrer ses paluches dans le « Hall of Fame » local pour fêter sa centième cape. Puis en un rien de temps, la machine belge s’est enrayée. Premier accrochage, avec cette frappe de l’attaquant autrichien Michael Gregoritsch déviée dans ses propres filets par Orel Mangala. Une parade de grande classe de Courtois et un exploit personnel de Romelu plus tard, la troupe de Tedesco sauvait les apparences (1-1), passant même à un cheveu d’une victoire sur le gong. Une relative contre-performance passée presque inaperçue face au raffut suscité par l’aveu public de Tedesco sur le départ de son gardien. « En mars, j’avais décidé que Kevin De Bruyne serait notre capitaine, sans décider qui serait numéro 2 et numéro 3 », expliquait l’Italo-Allemand, pas vraiment prévoyant. Pour préserver les égos de ses deux stars, l’ancien coach du RB Leipzig optait finalement pour l’alternance entre le bulldozer intériste et le mur madrilène. Un manque de considération aux yeux de ce dernier, qui préférait déguerpir. « Je lui ai demandé de ne pas me faire ça, de ne pas faire ça au staff, au groupe, etc. » Mais rien à faire, Thibaut est chafouin et déjà parti au loin, visiblement plus enclin à préparer son mariage la semaine prochaine qu’à visiter Tallin.
Peu adepte de la langue de bois, Domenico a reconnu avoir un temps « envisagé de parler d’une blessure », avant de préférer s’affranchir des privilèges qui régissaient le groupe du temps de son prédécesseur. Des privilèges incarnés par les absences répétées de Courtois en sélection depuis bientôt 3 ans, puisque le Madrilène a raté ce mardi la 18e rencontre en 41 matchs toutes compétitions confondues de son équipe nationale depuis 2020. « Sous Martinez, il y avait certains passe-droits. Sous Tedesco apparemment, il n’y en a pas », observait l’ancien international belge Philippe Albert.
Western à la belge
Vexé, Courtois a testé l’autorité du nouveau venu, en répondant à son sélectionneur par une cinglante mise au point sur son compte Instagram. En lui reprochant de laver son linge sale en public, ce dernier s’est empressé de faire de même. « Ce n’est pas la première fois que je parle à un coach à propos de problèmes liés à un vestiaire, mais c’est la première fois que quelqu’un décide de rapporter cela publiquement, a-t-il dégainé. Je tiens à préciser que les évaluations de l’entraîneur ne correspondent pas à la réalité. » De quoi flinguer avec savoir-faire la crédibilité du nouveau venu à la tête des Rouges, et forcer les autres cadres du vestiaire à un numéro d’équilibriste, pour préserver leur sélectionneur comme leur gardien.
Un exercice auquel s’est prêté Jan Vertonghen, qui cette fois n’a pas déploré la vieillesse de qui que ce soit : « J’ai déjà été dans cette situation où vous vous attendez à recevoir le brassard, puis on le donne à un autre joueur. Je n’ai jamais envisagé de quitter les Diables pour cette raison, mais chacun réagit différemment. Et puis, moi, je ne suis pas le meilleur gardien du monde. » Des précautions que n’a pas prises Yannick Carrasco après la victoire 3-0 en Estonie mardi soir : « Un brassard, c’est un détail : tu dois montrer que tu es un leader avec ta personnalité. Il a choisi de partir. On ne sait pas s’il avait une gêne, mais une des raisons de son départ était le brassard. » Au milieu de ce bazar, Domenico Tedesco peut néanmoins se satisfaire de plusieurs éléments : il a réussi à incorporer plusieurs jeunes éléments à son groupe (Mike Tresor, Johan Bakayoko, Ameen Al-Dakhil), tout en restant à portée de tir de la première place de son groupe F, avec un match en retard sur le leader autrichien. Alors, mission accomplie ?
Par Baptiste Brenot