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- J38
- Caen-Bordeaux (0-1)
Courbis, le moment d’assumer
Arrivé à Caen pour épauler Fabien Mercadal en février, Rolland Courbis s'est encore une fois distingué par ses sorties médiatiques et sa communication aux petits oignons. Mais un peu plus de trois mois plus tard, le club normand est officiellement relégué, et le technicien doit accepter sa part de responsabilité dans cet échec.
Il y a deux écoles chez les entraîneurs de foot : ceux qui vont assumer leurs responsabilités, au point de se sentir coupables quand leur club va mal, et ceux qui vont les fuir à coups de petites entourloupes. Fabien Mercadal, lui, a montré qu’il faisait partie de la première catégorie après la défaite de Caen contre Bordeaux (0-1) vendredi soir, synonyme de relégation en Ligue 2 pour le club normand. « Je vais assumer mes responsabilités, sans me cacher, lâche le jeune coach de 47 ans en conférence de presse. Une grande partie de la responsabilité m’incombe, on va prendre le temps avec les dirigeants de réfléchir à ce qui n’a pas fonctionné.(…)Il va falloir autre chose pour que le club reparte, je leur souhaite de tout cœur que le futur soit meilleur. »
Et son acolyte Rolland Courbis ? Pas le même son de cloche, à condition de lire entre les lignes, au moment de s’exprimer au micro de Canal +. Le message de l’entraîneur expérimenté de 65 piges est implicite, mais il n’est pas difficile à déchiffrer : il a fait ce qu’il a pu, ce n’est pas vraiment de sa faute et il a encore quelques conseils à prodiguer. « Je n’étais pas venu pour sauver Caen, j’étais venu pour aider Caen à se sauver. C’est une petite différence que je dois préciser, tempère-t-il. Si j’avais pu apporter ce petit plus, j’aurais été très heureux. Ce soir, je suis évidemment très déçu.(…)Je rencontrerai le président et les dirigeants avec qui j’ai beaucoup sympathisé pour leur expliquer ce que je pense qu’il faut améliorer, et ce sont des discussions qui ont des obligations de confidentialité. » Et s’il était plutôt l’heure d’assumer, Rolland ?
L’enfer, c’est les autres
Que retenir, finalement, du passage du Marseillais de naissance à Caen ? La question doit être posée, même moins de 24 heures après une immense déception. Surtout que la réponse est déjà connue : pas grand-chose, si ce n’est ses multiples sorties médiatiques. Cela ne fait aucun doute, Courbis est un expert en matière de communication. C’est même un art qu’il maîtrise à la perfection. Ce n’est pas un hasard s’il est considéré comme un très bon client par la presse, puisqu’il aura toujours quelque chose à dire devant un micro ou face à une caméra – il faut lui reconnaître cette qualité. Ainsi, le technicien sudiste aura passé un peu plus de trois mois à s’épancher dans les médias, sachant qu’il fait partie des meubles de RMC depuis près de quinze ans. Son mot d’ordre : faire le show pour régaler tout le monde. Soit en faisant le rigolo, soit en râlant (très) souvent contre les autres.
Parier avec ses joueurs un restaurant si Mbappé ne marque pas ? Trop marrant. Les soupçons de matchs truqués émis par le président guingampais Bertrand Desplat ? Trop injustes, même si son profond agacement face à cette situation est compréhensible. L’utilisation de la VAR qu’il réclamait depuis des années ? Trop nulle. Les clubs comme Strasbourg, Paris ou Rennes qui n’ont plus rien à jouer en fin de saison ? Ils faussent le championnat. Bizarrement, l’ancien coach d’Ajaccio ne s’était pas indigné d’avoir affronté une équipe de Reims en roue libre à d’Ornano (victoire de Caen 3-2) le 11 mai dernier. Des chouineries qui ont fini d’agacer certains de ses confrères. Comme Jocelyn Gourvennec, jugeant « ce climat, ces petites guerres, ces petits mots » comme « insupportables » avant son dernier match à la tête de Guingamp, ou Antoine Kombouaré, se réjouissant de la victoire de Bordeaux à Caen qui allait « faire taire quelques grincheux, dont Rolland Courbis, qui se plaignait des équipes qui ne jouaient pas le jeu » . Comment leur donner tort ?
Retour à la case radio ?
Puis, après réflexion, il faut peut-être tout simplement se souvenir de la prise de parole la plus importante de Courbis ces trois derniers mois, datant du 29 mars en conférence de presse : « À la question qui décide entre Fabien et moi ? Jusqu’à la trêve, c’était tous les deux et huit fois sur dix on était d’accord. Et si on a un désaccord sur un cas, il faut qu’il y en ait un qui décide et celui qui décide, c’est moi jusqu’à la 38e journée.(…)Si avant, j’avais 90% des responsabilités, aujourd’hui j’en ai 100%. » Une déclaration choc – mais très révélatrice – qui avait obligé le club à publier un démenti, et le technicien à faire son mea culpa sur les ondes de RMC. Et si Mercadal semble avoir accepté de former un duo avec Courbis, ce dernier n’aura pas réussi sa mission. Qui ne doit pas se résumer à un simple « coup de main » , ce serait beaucoup trop facile. Quand le consultant de radio est arrivé en Normandie, Caen n’était pas aux fraises. Loin de là : le SMC pointait à la 19e place, à une longueur du barragiste Monaco et à deux unités du premier non-relégable, Dijon. Trois mois et quinze points en quatorze matchs plus tard, rien (ou presque) n’a changé.
L’effet Courbis – si jamais il y en a eu un – n’aura pas duré jusqu’à l’ultime journée. Et ne pas avoir réussi à accrocher un barrage en faisant le boulot contre des Girondins à la rue depuis six rencontres, c’est un échec qu’il doit assumer. Mais encore une fois, Courbis a préféré lâché une dernière jérémiade contre les Bordelais (qui n’avaient visiblement pas le droit d’être contents de gagner) au micro de Canal + : « Je me suis imaginé à la 38e journée, me déplacer à Bordeaux et les envoyer en Ligue 2 en cas de victoire… Je ne sais pas si j’aurais sauté de joie, donc j’ai vu des Bordelais très heureux de leur soirée. On aimerait être à leur place, malheureusement ce n’est pas le cas. Je leur souhaite de ne pas connaître une énorme déception comme la nôtre. » Mais le constat est là : quasiment vingt ans jour pour jour après avoir vu Bordeaux lui briser son rêve de remporter le championnat de France avec l’OM, Courbis s’est de nouveau heurté aux Girondins dans l’opération maintien avec Caen. Le signe, peut-être, qu’il est temps pour lui de retourner à ce qu’il fait de mieux : donner des leçons aux entraîneurs vainqueurs de la Ligue des champions à la radio.
Par Clément Gavard