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- Les coups francs qui ont marqué l'histoire
Coups francs de légende (3e) : Hugo Almeida, seul à San Siro
De la magie de Beckham aux patates de forain de Roberto Carlos, en finesse ou en puissance, enroulés de l'intérieur, tendus du cou-de-pied ou délicieusement brossés de l'exter', voici 100 coups francs très francs.
#3 - Hugo Almeida - 2005
Inter-Porto (2-1), C1, 1er novembre 2005
Même si c’est toujours sympathique de constater qu’un entraîneur professionnel hurle les mêmes consignes à ses joueurs qu’un coach de district, un match de football à huis clos, c’est triste comme la pluie. Celui qui s’est tenu au stade Giuseppe-Meazza, aka San Siro, le 1er novembre 2005, en est l’exception. Ce soir-là, le coup franc marqué par Hugo Almeida avec le FC Porto sur la pelouse de l’Inter n’aurait pas eu la même saveur s’il avait été inscrit devant des tribunes bondées de supporters. Les chants des Nerazzurri auraient alors masqué le bruit de l’impact au moment où le pied gauche du Portugais a frappé le ballon. Mais aussi celui des filets lorsque ce même ballon, envoyé à une vitesse robertocarlesque, a défoncé la lucarne de Júlio César. Et ce sont justement ces éléments sonores qui ont fait entrer cette praline au Panthéon des frappes légendaires.
À l’origine du huis clos, le fumigène lancé sur Dida
Pour comprendre pourquoi cette rencontre de phase de groupes de Ligue des champions s’est disputée à huis clos, il faut remonter quelques mois en arrière. Plus précisément au 4 avril 2005 et un quart de finale retour de C1 entre l’Inter et l’AC Milan. Battus 2-0 à l’aller, les Nerazzurri encaissent un pion d’Andriy Shevchenko à la demi-heure de jeu. Et alors qu’ils luttent pour s’offrir une remontada inespérée, leurs supporters décident d’arrêter eux-mêmes le supplice après un but d’Esteban Cambiasso refusé pour une obstruction litigieuse. Des projectiles atterrissent sur la pelouse. Comme Pascal Dupraz quelques années plus tard, le gardien de l’AC Milan Dida s’allonge au sol, sauf que ce n’est pas à cause d’un avion en papier, mais parce qu’il a reçu un fumigène brûlant sur l’épaule.
L’arbitre décide d’arrêter la rencontre, l’AC Milan remporte le derby sur tapis vert et se qualifie pour les demi-finales, tandis que l’Inter est sanctionnée par l’UEFA de quatre matchs à huis clos. C’est donc devant leur écran de télévision que les supporters intéristes voient leur club prendre le dessus sur le Shakhtar Donetsk en barrages (2-0, 1-1). Avant d’assister depuis leur canapé au coup franc sensationnel d’Hugo Almeida lors de cette rencontre de la phase de poules face à Porto, finalement remportée par l’Inter. (2-1).
L’apogée d’une carrière gâchée
Fraîchement retraité, Hugo Almeida a pu récemment se poser et faire un point sur sa carrière pour le journal portugais Record. Forcément, le globe-trotteur (passé par les championnats du Portugal, d’Allemagne, de Turquie, d’Italie, de Russie, de Grèce et de Croatie) a évoqué ce fameux coup franc, « le plus beau but de sa carrière » : « C’était un acte de foi. Ricardo Quaresma m’a regardé, a rigolé et m’a dit que j’étais fou de tenter de le frapper direct. J’ai répondu que j’étais concentré et que j’avais le sentiment de pouvoir y arriver. » Cette frappe sensationnelle, rectiligne vers la lucarne, l’ancien international portugais (57 capes) a tenté de la reproduire à plusieurs reprises. Avec plus ou moins de succès : « J’ai marqué un coup franc avec le Werder Brême, mais pas d’aussi loin. J’ai pris confiance dans l’exercice, mais ça n’est pas toujours sorti aussi bien de mon pied. »
À l’époque, ce pion qui dynamite la cage de San Siro est censé booster une carrière débutée deux ans plus tôt sous les ordres de José Mourinho. En 2005, Hugo Almeida a alors 21 ans et incarne la relève du FC Porto (la page avec la génération qui a remporté la Ligue des champions en 2004 a été tournée) et de la sélection portugaise – l’attaquant endosse déjà le costume du successeur de Pedro Miguel Pauleta. Si le plan se déroule sans accroc lors de saison 2005-2006 avec ce coup franc face à l’Inter et le titre de Liga Nos remporté avec Porto, la suite ne va pas se passer comme prévu.
Il y a d’abord ce transfert au Werder Brême – « J’étais triste quand on m’a demandé de quitter Porto. C’était compliqué pour moi les premiers mois en Allemagne. Je ne parlais pas la langue, les gens étaient froids et fermés » -, puis ce transfert raté au Real Madrid en 2010 : « José Mourinho me voulait au Real Madrid, mais le directeur sportif n’a pas accepté. J’étais très heureux, car tu ne reçois pas une telle proposition tous les jours. Et finalement, cela s’est transformé en déception. » Le train passé, Hugo Almeida tente de le rattraper en alignant les pions du côté de Beşiktaş. Mais rien n’y fait, et le Portugais traînera ses 192 centimètres dans des clubs moins huppés en fin de carrière (Cesena, Kuban, l’Anji Makhatchkala après la hype…) jusqu’à sa retraite en février dernier. Qu’importe, Hugo Almeida restera cet attaquant géant qui est juste bon à mettre un coup de tête ou un but de raccroc. Finalement très loin de l’image de maestro qu’il renvoyait après son coup de patte à l’Inter. Pour se souvenir d’Hugo Almeida, le mieux est encore d’enclencher la lecture de la vidéo de son coup franc et de fermer les yeux en attendant la détonation. « BOOM ! »
Par Steven Oliveira