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- Les coups francs qui ont marqué l'histoire
Coups francs de légende (2e) : La Mission impossible de Maradona
De la magie de Beckham aux patates de forain de Roberto Carlos, en finesse ou en puissance, enroulés de l'intérieur, tendus du cou-de-pied ou délicieusement brossés de l'exter', voici 100 coups francs très francs.
#2 - Diego Maradona - 1985
Cet article est tiré de « Maradona, le Dieu napolitain » , initialement publié en 2015.
Napoli-Juventus (1-0), Serie A, 3 novembre 1985
La dernière éruption du Vésuve remonte à 1944. À moins que le volcan ne se soit réveillé quarante ans plus tard, à une douzaine de kilomètres du cratère, lorsque la ville de Naples a accueilli Diego Maradona, à l’été 1984. « Certains avaient fait une grève de la faim pour que je signe au Napoli. Comment aurais-je pu refuser de jouer pour des gens comme ça ? L’un d’entre eux, Gennaro Esposito, s’était même menotté aux grilles du stade San Paolo » , raconte l’intéressé dans son autobiographie Ma vérité. Histoire vraie ou légende inventée par Maradona, pas de doute sur le fait que Naples était, reste et restera folle de son Diego.
Les meilleures années de sa carrière, D10S les aura passées à Naples. Et presque trois décennies après son départ, des drapeaux à l’effigie de Diego flottent encore à chaque match dans les travées du San Paolo. « Si, en Argentine, on continue de me montrer un amour inconditionnel, tout est encore plus passionnel à Naples » , tranche Diego. Comme ce jour de 2005 où son retour en Terre promise oscille entre amour, passion et démence. « O mamma mamma mamma / O mamma mamma mamma / sai perche’ mi batte il corazon ? / Ho visto Maradona / Ho visto Maradona / Eh, mamma’, innamorato son / O mamma mamma mamma… »
« Je me sentais chez moi, même si c’était une ville de fous »
« J’ai tout de suite aimé cette ville, car elle me faisait penser à mes origines, mais aussi au quartier de La Boca, explique Diego. Je me sentais chez moi à Naples, même si c’était une ville de fous. » Pour autant, avant de signer, le génie argentin n’a pas pris la peine de se rencarder sur l’équipe napolitaine, et c’est seulement lorsqu’il débarque en Campanie qu’il se rend compte du niveau faiblard de ses nouveaux partenaires.
Neuvième de Serie A en 1982-1983, le Napoli vient de boucler la saison 1983-1984 à une inquiétante onzième place. Pire, à Noël 1984, les Napolitains ne comptent que deux victoires en championnat. Mais la remontée ne va pas tarder. Sous l’impulsion de Maradona, le Napoli empoche le meilleur total de points de la phase retour. C’est Diego qui raconte : « Cette seconde partie de saison m’avait donné de l’appétit. Alors j’ai pris le président du club, Corrado Ferlaino, entre quatre yeux, et je lui ai dit : « Achetez trois ou quatre joueurs et vendez ceux qui se font siffler par le public. Pour prendre la température, c’est facile, quand je donne le ballon à un coéquipier et qu’il est sifflé : ciao… Sinon, vendez-moi. » »
Bruno Giordano, Francesco Romano, Andrea Carnevale… viennent renforcer la formation désormais entraînée par Ottavio Bianchi. Car le messie a une mission à accomplir. « Lorsque je suis arrivé dans le sud de l’Italie, reprend Diego, les gens m’ont d’abord supplié de battre la Juve, de battre l’AC Milan et de battre l’Inter. Les grands clubs du Nord. Et ensuite, après les avoir tous battus, eh bien, de leur offrir un Scudetto. » Les tifosi partenopei en ont fait leur représentant, et en retour, le Messie s’est persuadé de rendre grâce à ces Napolitains méprisés par l’Italie du Nord.
« J’ai brisé le mythe Platini »
Le 10 mai 1987, en prenant un point contre la Fiorentina, le Napoli remporte le premier Scudetto de son histoire, devant la Juve de Platini et Michael Laudrup. Le San Paolo peut exulter. Dans la ville, c’est la liesse. Sur le mur du cimetière de Poggioreale, un message est peint en lettres géantes : « Vous ne savez pas ce que vous avez raté ! »
Summum du triomphe, le Napoli a vaincu cette saison-là les Bianconeri 2-1 au San Paolo et surtout 3-1 au Stadio Comunale. « Je me suis battu, battu et battu, et finalement, j’ai brisé le mythe Platini. Je l’ai tué » , se plaira à raconter Diego. 1990 sera l’année du deuxième titre de champion, le dernier à ce jour. Entre-temps, le Napoli soulève la Coupe UEFA en 1989, en dominant le VfB Stuttgart en finale (2-1, 3-3). Diego a accompli sa mission avant qu’un contrôle positif à la cocaïne après un match contre Bari en mars 1991 ne précipite la fin de son aventure.
Le coup franc impossible
Parmi ses 115 buts avec le maillot bleu azur, les Napolitains n’oublieront jamais celui face à la Juve, au San Paolo, lors de la saison 1985-1986. À l’époque, la Juve est une montagne pour le Napoli. Comme le mur qui se dresse à cinq mètres devant Maradona à la 28e minute, lorsque l’arbitre siffle un coup franc indirect dans la surface turinoise. Cinq mètres, seulement ! Il est impossible de faire passer le ballon au-dessus : le ballon n’a ni le temps, ni la place pour redescendre. Il faut tenter de tirer en force à gauche, en dessous, en plein dedans, ou à droite, tout le monde le sait. Diego Maradona, lui, ne le sait pas. À peine deux pas et une caresse de l’intérieur de son pied gauche plus tard, et le ballon va s’accrocher à la lucarne de Tacconi. La balle a franchi le mur. Victoire 1-0 du Napoli. Encore aujourd’hui, en Italie, on appelle cette action « le coup franc impossible » .
En 2019, un documentaire consacré à Maradona (réalisé par Asif Kapadia) dévoilait une archive de la télé italienne de ce 3 novembre 1985. La présentatrice de l’émission Domenica Gol annonçait ceci : « Le Napoli a plongé son public dans une telle extase que, malheureusement, parmi les spectateurs, cinq personnes se sont évanouies et deux ont fait une crise cardiaque. Donc, littéralement, Maradona, en marquant ce but, a foutu un gros bordel. »
Par Florian Lefèvre
Propos tirés des ouvrages Moi, Diego et Maradona, Ma Vérité, du documentaire Amando À Maradona et de l'article consacré à ses années napolitaines dans le So Foot #50