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Coupet du monde, épisode 3 : Le poor lonesome cowboy

Propos recueillis par Paul Bemer // Photos par Claude Poulet.
Coupet du monde, épisode 3 : Le poor lonesome cowboy

Cet été, Grégory Coupet est parti à l'aventure, à dos de cheval, dans le Wyoming. Une région du monde où la vie, la vraie, prend tout son sens. Le confort aussi. Troisième épisode et récit des deux derniers jours d'une balade qui est d'ores et déjà entrée dans la légende de l'Ouest.

Pour cet avant-dernier réveil de l’aventure, mère nature fait encore sa capricieuse. Les hallebardes qui se sont abattues toute la nuit sur la tente des Coupet laissent place à une matinée aussi fraîche qu’humide. Le camp est détrempé, et nos explorateurs s’extirpent péniblement de leur duvet. Dur au mal, Greg parvient tout de même à se faire violence : « Ça me rappelait un peu mes entraînements. Quand j’arrivais sur le terrain le matin et qu’il y avait une belle rosée, je me mouillais un peu la nuque et allez, hop, c’était parti pour les plongeons ! » Faute de ballon à capter, Greg s’attaque aux caisses de provisions perchées dans les arbres pour échapper à la gourmandise des ours qui traînent toujours dans le coin. À l’intérieur de ces garde-manger version farwest, notre portier mal léché cherche ce précieux nectar qui peut vous sauver une matinée. « Le café bien chaud est le bienvenu, tant les épreuves de la veille se font encore sentir. On prend notre temps, on verra bien… » , décrypte Claude Poulet. « En fait, c’est surtout que tu perds un temps fou à sécher tes affaires, complète Coupet, le roi du brasero. Mais c’est là où j’interviens en faisant un plus gros feu ! J’ai d’ailleurs cramé mes tongs à force de les mettre trop près du foyer. » Des tongs dans le Wyoming ? Si Jesse James, Buffalo Bill et tous leurs cousins à éperons voyaient ça, sûr qu’ils se retourneraient dans leur tombe. « C’est un conseil de Claude, justifie Greg le missionnaire. Comme tu ne peux pas ramener 50 000 paires, j’avais mes godasses de trail pour la journée, et une paire de tongs pour le camp. Parce que c’est quand même plus agréable d’avoir les pieds à l’air pour marcher dans la rosée plutôt que de mouiller direct tes baskets et tes chaussettes. Et puis on espérait qu’il fasse beau, accessoirement… »

Vers 10h, la troupe reprend la piste. Programme du jour : franchir le col de Shoshone Pass pour redescendre côté Sud des Absaroka. Après une bonne heure de route, le soleil est enfin de retour et, avec lui, le moral remonte progressivement. Le plaisir aussi. « Quand t’es pris dans ces paysages, tu découvres au fur et à mesure que tu peux entendre des sons différents. Tu t’amuses à décortiquer ce que tu entends, ce que tu sens. T’es plus attentif. C’est un vrai retour aux sources. D’ailleurs, Claude a une ouïe impressionnante par rapport aux animaux, à l’environnement qui l’entoure » , situe Coupet. Sa jument, elle, continue de n’en faire qu’à sa tête. « Je ne sais pas si c’est la fatigue, mais Emma nous donne encore du souci. Du coup, on la laisser libre de se « débrouiller », pour être poli, et Greg qui est un super marcheur a pris encore plus de plaisir » , complète l’homme à l’oreille absolue. En début d’après-midi, l’expédition bascule sur la vallée de Du Noir Creek. Le temps est toujours aussi radieux et une jolie prairie leur tend les bras. Petit ruisseau, herbe bien grasse pour requinquer les équidés. Le tout avec le sommet du Ramshorn Peak en arrière-plan. « Ce jour-là, on est surtout tombé sur un joli camp de chasseurs qui avaient monté un magnifique chiotte à la turc. Un truc en bois super top, s’emporte Greg, encore dans l’extase. Tu te retrouves en pleine forêt, en train de chier comme un bienheureux… C’est magnifique. » Une découverte qui en appelle une autre : la toilette du cowboy.

Cul nu dans le ruisseau

Une expérience à part entière et un souvenir impérissable pour la Coup’ : « La seule fois où on se trouve un petit coin tranquille et où on se dit : « Allez on y va, on le tente », il y a une caravane qui passe au moment où je me retrouve cul nu… Non mais t’hallucines ! T’es en train de te savonner pénard et là tu vois un mec, puis un deuxième, un troisième, et pour finir, une très belle cowgirl… En tout, ils devaient être six ou sept, et tu te dis que ce n’est pas possible, que c’est un gag ! Bon bah là j’ai mis ma petite serviette de bain, hein. Petite parce qu’on ne pouvait pas en prendre de grandes, encore à cause de cette histoire de volume. Donc je me retrouve avec mon petit carré de serviette tout minuscule qui cache le vital, et je suis là comme un con à dire bonjour d’une main… » Une nouvelle poêlée de giroles plus tard, l’heure est au repos, bien mérité, et sous un ciel d’encre. Greg toujours : « Je me suis levé dans la nuit pour le regarder. C’était magique ! T’es dans la voie lactée, y a une quantité d’étoiles… un truc de dingue ! T’as l’impression d’être dans un cinéma en 3D. Et y a pas un bruit. Mais quand je dis pas un bruit, c’est pas un bruit ! » Claude, lui, préfère s’adonner à son petit plaisir solitaire en passant la nuit à la belle étoile. Expression qui n’a peut-être jamais aussi bien porté son nom. « Ouais, enfin quand il s’est levé le matin, il avait quand même du givre sur la tête, le Claude ! »

Givre ou pas, ce dernier réveil du séjour est placé sous le signe du beau temps. Comme un clin d’œil de cette garce qu’est mère nature. Aujourd’hui, c’est le chemin du retour vers Spring Mountain qui se dessine. Ultime étape avant de rallier Five Pockets et le ranch du guide Poulet. En sortant des montagnes, l’équipée chevauche à travers des collines couvertes de « sagebrush » , ces buissons odorants qui, emportés par le vent, finissent leur vie en roulant dans un nuage de poussière. Après la traversée de l’Absaroka Ranch de Bud Betts – un pote de Claude au patronyme bien trop classe pour ne pas être mentionné – la cavalcade vire plein est et retrouve la Shoshone National Forest, théâtre de la majeure partie de cette exceptionnelle randonnée. Moment choisi pour un petit « le saviez-vous ? » , puisque la Shoshone fut la première forêt nationale créée aux États-Unis. C’était en 1891. « Sur la fin, on a traversé des grandes plaines, où il n’y avait plus de ravin, plus de troncs d’arbres, plus d’obstacle à sauter. Ma femme m’a même fait la réflexion qu’elle aurait presque pu s’endormir sur son cheval… » , souffle Greg. Du billard, en somme. Sauf pour l’ancien Gone, qui n’en finit plus de jongler avec les humeurs d’Emma la bourrique. À tel point que Claude tombe dans le piège tendu par ce filou de Coupet : « J’étais persuadé que c’était moins difficile de gérer son cheval et de tenir le porteur en laisse plutôt que de monter Emma. Donc je lui ai amené le truc en disant que je n’étais pas un grand cavalier et qu’avec l’autorité naturelle qu’il allait avoir sur elle, il allait s’en sortir plus facilement. Et bah non, ça n’a pas loupé, il a bien galéré aussi. Au bout de cinq minutes, je l’entendais même hurler : « Quelle connasse, elle n’écoute rien ! » Donc c’était un peu plus rassurant pour moi aussi… »

« T’imagines un indien là-haut qui te surveille… »

Indian Ridge se profile à l’horizon. Le périple touche à sa fin et, comme un symbole, le tonnerre gronde sur Five Pockets. Mais Greg reste perdu dans ses pensées : « Tout le long du voyage, t’es obligé de penser à comment les mecs faisaient avant. S’il leur arrivait quelque chose par exemple. Parce que moi, j’ai eu cette pression à l’idée de tomber. Putain, si tu te casses quelque chose… On est quand même bien paumé, quoi ! S’il faut revenir, tu ne peux pas le faire à dos de cheval. Donc inévitablement, tu penses aux explorateurs de l’époque. De la même façon, quand t’es dans une vallée surplombée par des montagnes et des collines, t’imagines un indien là-haut qui te surveille. Tu te dis qu’il peut y avoir une embuscade à tout moment… Tu penses à plein d’images de western et tu te dis que les mecs étaient vraiment costauds. En plus, nous, on avait nos provisions sur nous. Alors que eux devaient pêcher, chasser, etc. Respect, faut être sacrément solide ! » La boucle est bouclée. Les Coupet peuvent être fiers de leur premier « pack trip » , ils ont été à la hauteur du challenge. « Toujours de bonne humeur, même dans des moments pas évidents, souligne Claude Poulet. À Dubois, on m’a dit que moins d’une douzaine de personnes passent chaque année par Twilight Pass (3408 mètres d’altitude, ndlr). Gregory et Carole auront été de ceux-là. Bravo à eux ! »

Après avoir célébré leur succès au Ricard, évidemment, le moment est venu de desseller les canassons et de dire au revoir. Mais surtout merci. « C’était un moment un peu émouvant, confie Greg. J’étais reconnaissant parce que pendant quatre jours, les chevaux ont été vraiment costauds ! Dans la dernière montée, avant d’arriver à la petite maison sur la colline, on sentait vraiment qu’ils étaient cuits, qu’ils étaient vraiment contents d’être arrivés. » Emma en tête… « Je n’ai pas été jusqu’à lui susurrer des mots d’amour, mais je lui ai dit des trucs du style : « Allez, je te laisse tranquille, va faire ta vie. » Elle n’y pouvait pas grand-chose, la pauvre. Je sais aussi être lucide, et c’était un cheval qui n’était pas fait pour ça. Parce qu’il faut les passer quand même les cols ! Parfois, on passait dans des endroits larges d’une dizaine de centimètres, avec le vide d’un côté. Et comme le dernier jour, on a fait pas mal de plaines, j’étais limite nostalgique de ces moments-là où tu serres les fesses. » Une parenthèse enchantée – « quatre jours c’était bien. Plus, ça aurait été long » – qui reste d’abord gravée dans les têtes – « le raconter c’est beau, mais c’est avant tout quelque chose à vivre » -, puis sur les murs de la maison familiale. « Je peux te dire qu’il va y avoir pas mal de photos encadrées en très bonne place. Je vais même en mettre certaines dans ma salle de muscu, ironise la plus fine gâchette du Puy-en-Velay, avant de ponctuer son récit d’un énième sourire. Ça te confirme quand même que c’est bien de vivre à notre époque. C’est sympa de jouer au cowboy, mais vivre comme eux… Wow ! Après, j’ai aussi eu la confirmation que j’aimais profondément la nature. Et tu vois, maintenant, avec ma femme, on s’est dit qu’on tenterait bien le camping. D’ailleurs, j’ai déjà commandé des chaises de camping pour Noël… » L’aventure continue. Chapeau l’artiste !

Episode 1 Episode 2

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Propos recueillis par Paul Bemer // Photos par Claude Poulet.

- Retrouvez l'épisode 1 de Coupet du monde
- Retrouvez l'épisode 2 de Coupet du monde

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