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Les États-Unis sont-ils toujours l'ogre mondial ?
Vainqueurs en 2015, vainqueurs en 2019, les Américaines font une nouvelle fois partie des favorites à l'occasion de cette Coupe du monde 2023, qu'elles entament cette nuit (3h) contre le Vietnam. Mais sont-elles aussi fortes qu'il y a quatre ans ?
Les cheveux roses et le charisme du symbole Megan Rapinoe, la déferlante des supporters ricains dans l’Hexagone, la virtuosité de Rose Lavelle, le 13-0 infligé à la Thaïlande pour signer un record absolu, le talent d’Alex Morgan ou celui de Tobin Heath, les leçons collées à l’Espagne, à la France, à l’Angleterre et aux Pays-Bas, le titre conservé, la parade à New York, le combat contre Donald Trump : en 2019 en France, l’équipe des États-Unis marchait une nouvelle fois sur le globe, avec fracas et splendeur. Le quatrième sacre mondial pour les Stars and Stripes (aucun pays ne fait mieux), et le deuxième consécutif. En ce mois de juillet en Australie et en Nouvelle-Zélande, l’escouade désormais emmenée par l’Américano-Macédonien Vlatko Andonovski débarque évidemment en Océanie pour ramener une troisième fois de suite la coupe à la maison, performance qu’aucune sélection (hommes et femmes confondus) n’a jamais réalisée. « Le monde entier s’interroge : qu’est-ce qu’il va falloir faire pour arrêter cette équipe américaine ? », s’amuse la United States Soccer Federation (USSF) dans un clip promotionnel.
— Alex Morgan (@alexmorgan13) June 9, 2023
Pour ce qui est du foot pratiqué par les femmes, les USA ont toujours eu un temps d’avance sur les autres nations. « Déjà, ils ont un pays qui fait la taille d’un continent, nous rappelait récemment Clarisse Le Bihan, partie vivre son American Dream à l’Angel City FC, la franchise de Natalie Portman basée à Los Angeles. Donc il y a une masse de licenciées incroyable. Ensuite, il y a une promotion constante du football féminin, et ça dure depuis des années. Ils ont construit des structures en fonction de ça, et ça a aidé au développement. Après, pourquoi le football séduit plus les filles ici, ça, je ne saurais pas le dire. Je pense que c’est culturel. » Les États-Unis restent par exemple le principal pays exportateur dans le football féminin (82 expatriées dans les dix ligues majeures, en juin 2022). Pour autant, les joueuses de 2019 ont soit raccroché (comme la légende Carli Lloyd, 316 sélections), soit pris de l’âge.
La claque des JO
Si les States sont actuellement premiers du classement FIFA, leurs résultats post-Coupe du monde ont été mitigés, notamment aux Jeux olympiques de Tokyo (2021) : deuxièmes de leur poule à cause notamment d’une raclée essuyée contre la Suède (3-0), ils étaient passés ric-rac contre les Pays-Bas (2-2, 4-2 aux tirs au but) avant d’échouer en demies contre le Canada (1-0), futur vainqueur, et d’accrocher la médaille de bronze contre l’Australie (4-3). Clairement une désillusion, cinq ans après un échec en quarts à Rio (2016). Les Américaines se sont rattrapées l’été dernier lors du championnat de la CONCACAF (la Gold Cup au féminin), avec trois succès en phase de groupes contre des adversaires modestes (Haïti, Jamaïque, Mexique), puis une victoire facile contre le Costa Rica (3-0) et une finale remportée sur le plus petit des écarts face au seul autre vrai gros morceau de cette compétition : le Canada, encore et toujours (1-0). La routine, quand on sait que neuf des onze éditions de cette compétition (depuis 1991) ont fini dans l’escarcelle du pays de l’Oncle Sam. Puis, les USA ont paumé trois fois coup sur coup, à l’automne 2022, devant trois grosses nations : 2-1 contre les championnes d’Europe anglaises, 2-0 face à une Espagne pourtant orpheline d’Alexia Putellas à ce moment-là, et 2-1 contre l’Allemagne (avant une revanche trois jours plus tard contre Alexandra Popp et ses potes, conclue par un succès 2-1).
De là à dire que les cartes sont rebattues en vue de cet été ? Les États-Uniennes ont en tout cas rectifié le tir en pliant leurs huit rencontres suivantes, raflant au passage la SheBelieves Cup (tournoi amical, si tant est que ce concept existe) à domicile en dominant le Canada (2-0), le Japon (1-0) et le Brésil (2-1) avec une Mallory Swanson (25 ans, Red Stars de Chicago) en feu (quatre pions en trois matchs). Cette dernière sera néanmoins absente lors de ce Mondial, tout comme la capitaine Becky Sauerbrunn (38 ans, 216 apparitions, Thorns de Portland), la crack de l’OL Catarina Macario (23 ans, 17 sélections) ou encore Sam Mewis (30 ans, 83 apparitions, Current de Kansas City) et Christen Press (34 piges, 155 sélections, Angel City FC). Rapinoe (38 ans, 199 capes), Alex Morgan (34 ans, 207 sélections) et Kelley O’Hara (34 ans, 157 apparitions), respectivement à l’OL Reign, au Wave de San Diego et au Gotham du NJ/NY, disputeront, elles, leur quatrième Coupe du monde, rien que ça.
Pour la Ballon d’or 2019, sur la fin, il s’agira d’ailleurs d’un baroud d’honneur avant de raccrocher à la fin de la saison, soit d’ici quelques mois. Morgan, elle, terminait dauphine de Putellas au prix « The Best – Joueuse de la FIFA » en février, à défaut d’accrocher ne serait-ce que le top 10 du Ballon d’or (13e place). « C’est la meilleure équipe que nous ayons jamais eue, a-t-elle affirmé récemment. Talent, qualité, entraîneur, joueuses, solidarité, mentalité : tout est parfait. » Qui sont celles qui reprennent le flambeau ? On peut notamment citer Julie Ertz (31 ans, 118 capes, Angel City), Lavelle toujours là (28 ans, 88 sélections, elle aussi à l’OL Reign) et la Lyonnaise Lindsey Horan (29 ans, 129 sélections) au milieu, mais aussi Trinity Rodman (fille de l’illustre Dennis Rodman, 21 ans, 18 capes, Spirit de Washington) et Sophia Smith (22 ans, 30 sélections, Portland, meilleure buteuse de NWSL de 2022 et de la saison en cours) devant. En Coupe du monde, qu’ils n’ont jamais ratée, les États-Unis n’ont jamais connu autre chose qu’un podium, et ont ramené l’or une fois sur deux. La deuxième rencontre de poules, contre les Pays-Bas le 27 juillet, devrait tout de suite donner le ton.
Par Jérémie Baron