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Coupe du monde 1966 : The Kinks of the World

Par Adrien Candau
Coupe du monde 1966 : The Kinks of the World

Alors qu'Arte a diffusé la semaine dernière The Kinks, trouble-fêtes du rock anglais, un documentaire dédié au cultissime groupe de rock britannique, l'occasion est venue de se pencher sur la passion de Ray Davies et compagnie pour la chose footballistique. Une histoire faite de « Sunny Afternoon » clamé par la foule un certain 30 juillet 1966, de tests manqués à Arsenal et d'un tube avorté, où George Best a failli pousser la chansonnette.

Ce 30 juillet 1966, l’Angleterre est sur le toit du monde. L’Allemagne de l’Ouest, battue 4 buts à 2 au terme d’une finale de mondial qui s’est jouée en prolongation, remballe ses affaires et on raconte que Wembley communie en entonnant ces quelques mots : « Cause I love to live so pleasantly, live this life of luxury, lazing on a sunny afternoon… In the summertime… » Soit le refrain de « Sunny Afternoon » , le hit des Kinks, qui survole alors le top 50 des charts britanniques. Cet été 1966, l’Angleterre est à part. Impériale, hégémonique, aussi bien sportivement que culturellement, alors que cette victoire en Coupe du monde se double de l’âge d’or d’un rock’n’roll british qui balaye tout sur son passage.

Rock around the World Cup

À un peu moins de 200 miles de Londres, les Kinks sont attendus ce jour-là pour commencer un concert à Exeter, face à une foule extatique et chauffée à blanc. Le groupe, qui devait commencer son show à 10 heures du soir, est complètement à la bourre : Ray Davies, le leader de la formation, son frère et guitariste Dave, le bassiste Pete Quaife et le batteur Mick Avory sont toujours en train de faire la java à London Town, pour célébrer la victoire des Three Lions. Les Kinks n’arriveront par hélicoptère à Exeter qu’à minuit passée, et Davies, qui se fait engueuler par les organisateurs de l’événement, lâche un sublime : « C’est quoi votre problème ? On a seulement 10 heures de retard ! » Face au public, il s’excuse d’entrée du contretemps, avant d’expliquer : « On célébrait la victoire de l’Angleterre. » La faute est tout de suite pardonnée, les guitares rugissent et la fête peut continuer. De fait, si 1966 est une grande année pour les Kinks, le football y est peut-être un peu pour quelque chose. Sorti dans les bacs le 3 juin, Sunny Afternoon, bijou rythmique et lyrique qui raconte avec ironie l’histoire d’un type fauché, largué par sa copine et qui ne peut plus que profiter de la chaleur d’un après-midi d’été pour garder le moral, retourne tout de suite le Royaume.

Le tube atteint son pic de popularité le 7 juillet, en grimpant tout en haut du UK Singles Chart. Soit quatre jours avant le début de la Coupe du monde. L’Angleterre tient son tube de l’été, le mondial aussi. « « Sunny Afternoon » a vraiment été adopté par les fans britanniques comme la chanson officieuse de l’Angleterre au mondial 1966, relate Jonathan Mayo, auteur de The 1966 World Cup Final: Minute by Minute. Les Kinks ont eu le pressentiment que ce serait le tube parfait pour l’événement et ont œuvré pour qu’il soit commercialisé à temps. Ça a marché au-delà de leurs espérances : « Sunny Afternoon » était numéro 1 des charts dans le pays début juillet, et l’est ensuite resté pendant deux semaines. »

« On a failli faire un disque avec George Best »

Un succès qui a comme quelque chose de prédestiné. Alors que le groupe enregistre la version studio du titre le 13 mai 1966, Ray Davies en est sûr : « Ce sera le plus grand hit de 1966. Les gens chanteront ça depuis les toits… Et l’Angleterre va remporter la finale de la Coupe du monde ! » Coïncidence ou non, un autre morceau mythique des Kinks pourrait aussi devoir un petit quelque chose au football. À savoir le mordant « Dedicated follower of fashion » , une ballade aussi satirique que jouissive, qui tacle élégamment les fashion victims du Swinging London des années 1960. Le titre aurait été partiellement inspiré à Ray Davies par George Best, un joueur évidemment très soucieux de son style en dehors du pré. Mieux encore, le cinquième Beatles aurait pu carrément pousser la chansonnette sur une des compositions de Davies. C’est en tout cas ce que ce dernier avait confié à L’Équipe, en mars 2015 : « On a failli faire un disque avec George Best. Il voulait être une pop star. En 1965 ou 1966, j’ai écrit une chanson pour lui appelée, il me semble, « Little Man in Little Box », à propos d’un type qui passe à la télé. Mais il ne l’a jamais enregistrée, parce que le manager de Manchester United, Matt Busby, a refusé. »

Des Kinks et des Gunners

Insuffisant pour fâcher les Kinks avec le sport roi : les cofondateurs du groupe, Ray et Dave Davies, en pincent pour le football depuis l’enfance, alors que les deux frangins ont des années durant squatté les tribunes de Highbury avec leur paternel, pour soutenir religieusement Arsenal. « Mon père m’a emmené à Highbury quand j’avais cinq ans et m’a dit : « Tu dois les supporter », relate Ray avec nostalgie. Il me racontait l’histoire du club, me parlait des joueurs d’avant-guerre… J’étais avec lui et mon frère à Wembley quand Arsenal a gagné la Cup 1971, grâce à un doublé de Charlie George… D’ailleurs, Highbury, c’était mon bâtiment préféré à Londres. Un lieu fantastique. La ligne de touche était vraiment proche de la foule pour un stade de cette taille ! Avec mon père, on se mettait derrière les buts. On se tenait debout et, quand j’étais môme, il me mettait sur ses épaules. Le passage des tribunes debout aux tribunes assises a changé beaucoup de choses au football… On tenait à 60 000 debout, et seulement à 38 000 en places assises… » Un des fantasmes avoués du leader des Kinks ? Imaginer ce qu’aurait été sa vie s’il avait délaissé les guitares pour une carrière de joueur pro : « À quinze ans, j’avais passé des tests à Arsenal et Watford, mais je n’avais pas été pris, à cause de mon dos. Si j’avais été apte, j’aurais été dans l’équipe d’Angleterre championne du monde ! »

Captain Davies et Showbiz eleven

À défaut de pouvoir soulever le trophée Jules Rimet, Ray veille à s’esquinter les semelles dès que possible : « Quand nous n’étions pas en tournée, Ray m’accompagnait le samedi pour jouer pour mon équipe de football, le Holdbrook United, rembobine John Dalton, bassiste des Kinks de 1969 à 1976. Puis, le dimanche, j’allais chercher Ray, parfois Dave aussi, et nous allions jouer au football pour The Showbiz Eleven. » Cette équipe de stars, qui dispute des matchs de charité, permet au groupe de souffler entre deux concerts, alors que Ray hérite même du brassard de capitaine de la prestigieuse formation : « Je suis fier d’avoir été le capitaine du Showbiz Eleven pendant environ trois ans. Les équipes avant celle que j’ai intégrée comprenaient des gens comme Sean Connery et Tommy Steele, et je n’ai porté le brassard qu’après m’être coupé les cheveux. Nous avons gagné beaucoup de matchs, mais ça s’est mal passé lorsque des DJ de Radio 1 ont commencé à croire qu’ils devraient jouer tout le match… Ma position ? J’étais un milieu de terrain tactique, un peu à la Patrick Vieira. J’essayais un maximum d’éviter de jouer avec mon frère, car il était souvent exclu. Et en tant que capitaine, c’était difficile, car je devais prendre le parti de l’arbitre. »

Rien d’étonnant de voir ainsi Ray Davies oser la métaphore footballistique pour qualifier la trajectoire du groupe, qui, après avoir connu son apogée entre 1964 et 1972, ne retrouvera jamais tout à fait sa gloire passée : « Ray a une fois comparé les Kinks à une équipe de foot toujours sur le seuil de la relégation, mais qui évite on ne sait trop comment la chute, en produisant un nouveau hit, décrivait le manager du groupe, Robert Wace. Mais les Kinks n’ont jamais voulu être plus gros que les Beatles ou les Stones. Je pense qu’ils auraient pu l’être, mais ils l’ont délibérément évité. » Qu’importe, même les éternels seconds peuvent par moment accaparer la plus haute marche du podium.

Pour s’en convaincre, il suffit de s’imaginer Wembley baigné par la lumière du soleil estival ce jour idyllique de juillet 1966, et de fredonner simplement ces lignes, qui n’ont pas pris un ride : « Cause I love to live so pleasantly, live this life of luxury, lazing on a sunny afternoon… In the summertime… »

À voir : Le documentaire The Kinks, trouble-fêtes du rock anglais, diffusé sur Arte.

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Par Adrien Candau

Propos de Jonathan Mayo, Ray Davies, Robert Wace et John Dalton, issus de L'Équipe et des ouvrages Davies and Penhall's Sunny Afternoon, George Best - A Celebration: Untold True Stories of Our Most Legendary Footballer, The 1966 World Cup Final: Minute by Minute et Ray Davies : A Complicated Life.

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