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Saint-Priest, un petit Poucet bien dans ses bottes
Qualifiée en huitièmes de finale de Coupe de France face à Valenciennes, l'AS Saint-Priest vit un rêve éveillé en atteignant ce stade pour la première fois de son histoire. Pourtant, en s'appuyant sur des principes solides et élitistes, le club semble bâti pour de telles performances. Le petit Poucet n'en a même que le nom.
Comme à leur habitude, Stéphan Varsovie et ses coéquipiers portaient fièrement leur couleur jaune criard ce dimanche face à Romorantin, mais le maillot de l’AS Saint-Priest avait la particularité d’être orné du badge de petit Poucet de la Coupe de France. Seule équipe de National 3 encore en lice pour ces seizièmes de finale, elle n’a pas souffert de la pression en catapultant son adversaire (4-1), pensionnaire de la division supérieure. Les joueurs de la banlieue lyonnaise avaient prévenu lors du tirage au sort : déçus de ne prendre qu’un adversaire de N2, ils voulaient continuer leur épopée pour enfin affronter un gros. Loin de Pays de Cassel ou de Revel, heureux d’affronter le PSG avant la correction qui va avec, les San-Priods souhaitent se frotter à un club de l’élite, uniquement pour le faire tomber.
« Professionnaliser l’amateurisme »
En huitièmes, ce sera finalement Valenciennes. Posté devant l’écran de la salle de convivialité du stade Jacques-Joly, l’ensemble du groupe s’est encore montré frustré lorsque le nom de la lanterne rouge de Ligue 2 est sorti. « On aurait voulu Paris ou Lyon pour se frotter à ce qui se fait de mieux », avoue Stéphan Varsovie, latéral gauche formé au club dans les années 2000, avant de revenir par deux fois (de 2013 à 2016, puis depuis 2022) pour porter le brassard. Douzième équipe de N3 à atteindre ce stade de la compétition au XXIe siècle, l’ASSP veut désormais rejoindre Schiltigheim (2003), Carquefou (2008), Chambéry (2011) et Granville (2016) parmi les quarts-de-finalistes de la Vieille Dame.
« Exploit » et « historique » sont les mots qui reviennent en boucle dans l’Est lyonnais depuis dimanche, et ce n’est pas Michaël Napoletano qui va dire le contraire, lui qui a été nommé entraîneur en avril dernier après une expérience de joueur et d’éducateur passé par toutes les catégories depuis 2010, ce qui fait de lui un historien légitime du club. Celui qui a mené les U18 en seizièmes de finale de Gambardella et vers le titre de Régional 1 l’an passé explique la raison du succès actuel de l’équipe première : « Prendre les rênes à la fin de saison dernière, alors qu’on était presque sûrs de descendre en N3, m’a permis d’anticiper l’année suivante, le mercato d’été et de travailler sereinement. » Car le petit Poucet de la Coupe de France n’en a finalement que le nom.
Son rang de club du cinquième échelon national le place, de fait, comme la surprise de la compétition. Pourtant, l’AS Saint-Priest a passé les six dernières années un cran plus haut et se montre structuré comme rarement à ce niveau-là. Le président, Patrick Gonzalez, et le directeur sportif, Robert Mouangué, ont pour leitmotiv de « professionnaliser l’amateurisme ». Ne s’arrêtant pas à cette belle devise, le club se donne les moyens de ses ambitions, signant 18 nouveaux joueurs durant l’intersaison, présentant l’un des plus gros budgets de National 3, concluant un partenariat avec l’Olympique lyonnais et affichant des résultats sportifs en adéquation. En plus du parcours en coupe, l’ASSP est deuxième de sa poule en championnat, avec un match en moins et la meilleure attaque. « Le président a vraiment renforcé les bases du club pour qu’elles soient extrêmement saines », clame Stéphan Varsovie. Ainsi, le lundi précédant la rencontre contre Romorantin, face aux terrains gelés du complexe san-priod, le staff n’a pas eu à reporter l’entraînement et s’est seulement déporté vers des infrastructures de futsal, symbole des ressources mises à disposition du groupe.
L’épopée après les générations dorées
Amateur par son statut, le club de la banlieue lyonnaise se targue d’avoir « le même fonctionnement qu’un club professionnel », d’après Michaël Napoletano. Celui-ci ne pointe qu’une seule différence, de taille, au niveau humain avec un manque quantitatif de personnes au sein du staff. Avec trois kinés, un osthéo ou une salle de musculation, les joueurs bénéficient tout de même d’un programme chargé avec une séance d’entraînement par jour et des analyses vidéo. Pas de place donc pour les gardiens boulangers, comme Romain Samson à Pays de Cassel. « Il n’y a quasiment personne qui travaille dans l’effectif, hormis des contrats à la mairie ou d’alternance », raconte le capitaine des San-Priods.
Les plus friands de belles histoires en Coupe de France ne peuvent alors se rabattre que sur la découverte de jeunes pépites dans les rangs des Sang et Or. Marco Essimi, attaquant étincelant en championnat comme en coupe, pourrait ainsi suivre les traces de Rayan Cherki, Georges Mikautadze ou Nabil Fekir, tous passés par les catégories jeunes de l’ASSP. « Le club a toujours mis les moyens sur la formation, analyse l’entraîneur qui a eu en main les U12, U13 et U18 avant de passer chez les grands. Avoir autant de beaux noms montre que le travail des éducateurs est bien fait depuis longtemps. Les résultats de l’équipe première en découlent forcément. » On peut également ajouter Luis Fernandez, Youri Djorkaeff, Romain Del Castillo ou les fratries Kalulu (Gédéon et Pierre, alors que Joseph est dans l’effectif actuel) et Cascarino (Delphine et Estelle) à ce prestigieux tableau de chasse.
Vous étiez 𝗽𝗹𝘂𝘀 𝗱𝗲 𝟯 𝟬𝟬𝟬 𝗵𝗶𝗲𝗿 𝗮𝘂 𝘀𝘁𝗮𝗱𝗲 𝗝𝗮𝗰𝗾𝘂𝗲𝘀 𝗝𝗼𝗹𝘆 pour ce 16e de finale de Coupe de France ! 🤩
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— AS Saint-Priest 🟡🔴 (@assaintpriest) January 22, 2024
Ce ne sont pas ces glorieux anciens qui affronteront Valenciennes le 7 février prochain, mais bien la bande de Marco Essimi. En pleine confiance, elle est prête à faire tomber son premier « gros », même si les Nordistes sont évidemment moins vendeurs que Paris, Lyon ou Rennes encore en lice. Surtout, l’AS Saint-Priest se heurte pour la première fois à son statut amateur. Ce mardi, la FFF a annoncé au club que la réception du huitième ne sera pas au stade Jacques-Joly en raison d’une capacité insuffisante. Bourgoin-Jallieu (Isère) et Bourg-en-Bresse (Ain) apparaissent comme les principales solutions de repli, alors qu’un déplacement au Hainaut n’est pas à exclure. « C’est une immense frustration pour les joueurs, le staff et tous les bénévoles du club, soupire Michaël Napoletano. On parle de “coupe de tous les possibles” et de “magie”, mais la vérité, c’est que tout est fait pour que les clubs pros soient dans les meilleures conditions. On a des installations de très grande qualité, on a les vestiaires et l’éclairage aux normes, mais pas le nombre de places requises. » Finalement, le petit Poucet n’a que le revers de la médaille de ce rang. Stéphan Varsovie est clair : « Cette décision nous remet les pieds sur terre. » À Saint-Priest de faire en sorte de remonter sur son nuage.
Par Enzo Leanni
Tous propos recueillis par EL.