- Coupe de France
Rendez-nous la prolongation !
La Coupe de France a perdu un peu de son âme, en 2020, à l'abolition de la sacro-sainte prolongation. Et cette saison encore, elle va nous manquer.
« On fait 0-0 au bout du temps réglementaire, j’avais une crampe dans chaque mollet. Quand on ouvre le score après 100 minutes de jeu, on se sent pousser des ailes, les crampes s’envolent. Une émotion incroyable » : comme il le faisait comprendre chez Eurosport il y a deux ans, Réginald Becque n’oubliera jamais sa demie de Coupe de France disputée face aux Girondins de Bordeaux, le 12 avril 2000. Capitaine du Calais finaliste de la compétition cette année-là, le défenseur a dû tiquer, 20 ans plus tard, quand la vieille dame a changé de formule et dit adieu à la mythique prolong’. Car si cette rencontre avait eu lieu aujourd’hui, Becque n’aurait jamais ressenti ces émotions-là, ni connu ce sentiment du dépassement de soi pour tenir jusqu’au bout de la nuit.
Des surprises ? Quelles surprises ?
Il y a quelques années, les tirs au but étaient un exercice rare donc exceptionnel, parfois unique dans une carrière, apothéose d’un combat de deux heures – temps suffisant pour changer trois fois de côté, de tendance et de scénario. Aujourd’hui, voir dix joueurs tenter leur chance des onze mètres est devenu ordinaire, en Coupe : ce week-end, cinq séances ont eu lieu, de Lens à Nice en passant par Saint-Gratien, Les Herbiers ou Metz. Et, à l’heure où ces mots seront lus, nous les aurons déjà oubliées.
On pensait naïvement que cette réforme ferait davantage pencher la balance du côté des challengers. Raté, au vu par exemple du faible nombre de frissons dans les issues de ces 32es, que seuls l’Entente Feignies-Aulnoye et – dans une moindre mesure – Sochaux auront marqué de leur empreinte. La tradition de la prolongation – qui équivaut à 30 minutes supplémentaires de fête au village, chez les amateurs – est-elle en train de nous quitter pour de bon ? Au Qatar, il y a un an, elle a prouvé qu’elle nous offrait toujours autant de palpitations. Les tirs au but après 90 minutes, c’est bon pour les échauffements de présaison. Et aux dernières nouvelles, l’Emirates Cup, le Trophée Joan-Gamper, l’International Champions Cup ou le Trophée des champions n’ont jamais donné lieu à des rencontres de légende.
Avec tout cela, la magie de la Coupe de France devient un concept de plus en plus fumeux. Car un succès aux « tirob » n’aura jamais la même saveur qu’un but de John-Christophe Ayina à la 117e minute. Sacrifier tout le sel de ce tournoi sur l’autel de la préservation des joueurs, pour mieux faire de la place dans le calendrier à des trophées sans âme ni enjeu ? Ça sent l’arnaque à plein nez. Alors calmez-vous sur les tirs au but, et rendez-nous la prolongation. Les entraîneurs auront un peu moins l’occasion de parler de « loterie », et cela ne fera de mal à personne.
Par Jérémie Baron