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À Laval, un report qui reste en travers de la gorge
Trois jours avant Nantes-Laval en Coupe de France prévu ce samedi, beIN SPORTS a décidé de décaler la rencontre de 14h30 à 17h30. Une décision qui a provoqué l'ire des supporters, notamment visiteurs, et une petite polémique plutôt méritée.
« En raison d’une demande exceptionnelle du diffuseur concernant la programmation TV, l’affiche opposant le FC Nantes, finaliste de la dernière édition de la Coupe de France, au Stade lavallois se tiendra samedi 20 janvier à 17h30. […] La FFF adresse ses excuses pour la gêne occasionnée par cette modification. » Mercredi à 11h51, par la voie d’un communiqué officiel, la Fédération française de football bouleversait, visiblement sans trop en avoir conscience, le week-end foot des amoureux du Stade lavallois et du FC Nantes. Initialement prévu à 14h30 samedi à la Beaujoire, le 16e de finale de Coupe de France entre Canaris et Tango a été décalé de trois heures, même date, même lieu. Problème : ce changement s’est opéré à trois jours du rendez-vous, quand la plupart des supporters désireux d’assister à ce faux derby (120 kilomètres séparent les deux villes) avaient déjà tout prévu, les 1100 places du parcage visiteur ayant déjà trouvé preneur.
Le match @FCNantes vs @stadelavallois en direct à 17h30 dans le cadre du Multi Coupe sur @beinsports_FR 1 et en intégralité sur @beinsports_FR 2 👍 merci aux 2 clubs et à la @FFF d’avoir pu répondre favorablement à notre demande liée à la programmation de match de Hand 🇫🇷 à 1530 https://t.co/bx4zdL5r9X
— Florent Houzot (@florenthouzot) January 17, 2024
Et c’est essentiellement pour cette raison que les foudres se sont abattues sur la 3F ainsi que sur beIN SPORTS, le fameux diffuseur. Car oui : cette reprogrammation n’a rien à voir avec une alerte Météo-France ou un problème de calendrier d’une des deux formations. Il s’agit simplement d’un caprice de celui qui promet « le plus grand des spectacles ». « Merci aux deux clubs et à la FFF d’avoir pu répondre favorablement à notre demande liée à la programmation d’un match de hand à 15h30 », tweetait d’ailleurs Florent Houzot – directeur des antennes, des programmes et de la rédaction de beIN – au moment de l’annonce, récoltant par la suite un amas de réponses virulentes dans ses mentions.
Le handball a bon dos
Il développera ensuite son argumentation dans les colonnes de L’Équipe : « Je peux comprendre les supporters et la gêne occasionnée, mais initialement, j’avais demandé à programmer ce match de Coupe à 14h30, en décalé du multiplex, justement pour le mettre en valeur. […] L’EHF (Fédération européenne de handball), qui organise l’Euro de hand, prévoyait que l’équipe de France joue ce samedi à 18 heures si elle terminait première de son groupe ou à 20h30 si elle finissait deuxième. Les Bleus auraient donc dû jouer à 18 heures. Il y a eu une forte pression pour que l’Allemagne joue tous ses matchs du tour principal à 20h30 et cela a tout chamboulé pour les autres équipes. […] Cela ne m’a pas fait plaisir d’appeler la FFF ce matin (mercredi) pour demander à décaler, je l’ai fait pour l’intérêt global de ma chaîne. Je dois aussi respecter nos investissements et nos abonnés et trouver l’équilibre dans un week-end très chargé. »
Que ce soit la faute des Bleus, de l’EHF, du Qatar ou de n’importe qui d’autre, le mal est fait. Et du côté des Tango, l’incompréhension se joint au dépit. « Je devais aller au match, mais à cet horaire, plus possible pour moi, témoigne par exemple Alexis, fidèle supporter lavallois basé en Maine-et-Loire et qui avait prévu de faire l’aller-retour en voiture, avec son cousin. Ce samedi, je fête Noël avec mon parrain (oui, on sera le 20 janvier). Quand j’ai vu l’horaire du match, j’avais fait des pieds et des mains pour que l’on cale ce repas le soir, et non le midi. Malheureusement avec ce changement, tout mon plan tombe à l’eau, et à trois jours du match, compliqué de se réorganiser. Le match se termine à 19h30, en plus en parcage visiteur on doit attendre un peu avant de repartir, en matière d’horaires ça devenait trop compliqué. Je fais beaucoup de matchs, et comme beaucoup je mets parfois ma vie familiale au second plan pour pouvoir y assister. Il y a beaucoup de repas de famille auxquels je suis arrivé en retard. Pour mon club, j’ai toujours fait des efforts. Mais là, trois jours avant, c’est la première fois que je vois ça. J’ai décidé de, pour une fois, dire non. J’ai laissé mes places à un collègue. »
Frédéric, suiveur historique du Stade lavallois depuis les années 1980 qui trimbale dans tous les parcages de l’Hexagone sa bâche « Forza Tango », assistera bien à la rencontre, pour sa part. Mais il a beaucoup hésité. « Moi, je suis à Paris. Ça fait dix jours qu’on sait qu’il y a ce match, les gens s’organisent : 14h30, c’était super, car ça nous permettait de faire le déplacement avec un aller-retour dans la journée, témoignait-il jeudi. Ce changement d’horaire, pour les gens comme nous qui venons de loin, c’est dur. Il y a pas mal de supporters sur Paris, qui avaient prévu de faire le déplacement. À 17h30, c’est plus compliqué. Le billet de train retour que j’avais pris, il est perdu. Ça m’oblige à dormir sur place et reprendre un billet le lendemain, ce que je n’avais pas prévu. Un ami habite Strasbourg, on avait prévu d’y aller ensemble. Il fallait absolument qu’il soit rentré le samedi soir, donc finalement il ne fait pas le déplacement. »
C’est un scandale ….. On s’organise pour venir de Paris, de Strasbourg et pouvoir faire l’aller retour dans la journée avec des billets de train non modifiables non remboursables, obligés de dormir à Nantes ….. ET C’EST NOUS QUI SUPPORTONS LES FRAIS @stephStrasbourg
— ForzaTango (@KopTango) January 17, 2024
Même l’entraîneur lavallois Olivier Frapolli y est allé de son coup de gueule : « Je trouve que ça n’est pas très respectueux pour notre club, d’abord parce que nous n’avons pas été associés à cette décision. On nous a mis devant le fait accompli. J’avais cru comprendre qu’il fallait l’accord des deux clubs, cela n’a pas été le cas. Et surtout, c’est pour nos supporters. Ce changement d’horaire va provoquer quelques désistements. Le club doit se réorganiser, il faut rembourser les places. C’est une logistique, à trois jours du match, qui n’était pas utile. Mais c’est surtout la déception pour ceux qui se faisaient une joie d’aller à Nantes pour ce match de Coupe de France et qui ne vont pas pouvoir venir. Je trouve que la façon de faire, quand on connaît la raison, est légère. Et elle manque de respect par rapport à notre club et nos supporters. »
Les supporters vont dans le même sens : au-delà des problèmes de logistique, c’est le manque de considération qui pose question. « C’était une belle occasion de se retrouver entre copains : Nantes-Laval, c’est le genre de matchs qu’on attend depuis longtemps, complète Frédéric. Ça faisait 20 ans qu’on n’avait pas fait un 16e de finale de Coupe de France (2001-2002, N.D.L.R.). C’est une super affiche. Plus de 1000 personnes se sont organisées pour venir et trois jours avant, on change leur programme. On avait envie de venir, que ce soit la fête du football ! BeIN a un nombre de chaînes… Ils auraient pu s’arranger. J’imagine qu’il y a des intérêts économiques, mais on en fait les frais. »
Alexis, lui, ne suivra même pas la partie sur son petit écran : « C’est un peu pour boycotter – même si ça ne va pas changer grand-chose – ce système-là qui commence à gangrener le foot. Ça n’est pas forcément une question d’argent. On est Laval, donc on est un peu oublié. Je ne suis pas sûr qu’ils auraient fait la même chose pour de gros clubs de Ligue 1. Déjà que beaucoup de matchs de Coupe de France sont aujourd’hui sur les chaînes payantes… Je suis toujours dans l’esprit de vouloir aller au stade le plus possible, mais on n’est pas respectés. On pense plus à la télé qu’aux supporters qui se déplacent dans les stades, on perd cette magie. » Ce vendredi, RMC Sport nous apprenait que Florent Houzot, à 24 heures de la joute, avait adressé un mail au FC Nantes pour s’excuser de ce report tardif. Espérons que tout cela ne gâchera pas l’hommage – avant le coup d’envoi de la rencontre – prévu à Emiliano Sala, cinq ans presque jour pour jour après sa disparition.
Par Jérémie Baron
Propos d'Alexis et Frédéric recueillis par JB