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- Haguenau-Boulogne (4-1)
Gil Lawson : « Un match télévisé peut changer un quotidien »
En tapant l'US Boulogne (National) sur un score de cochon (4-1) vendredi, le FCSR Haguenau (N2) s'est hissé en 16es de Coupe de France pour la première fois de son histoire. Le grand Monsieur de cette qualif s'appelle Gil Lawson, a 30 piges, a connu la D2 bulgare, et depuis quelques jours, son téléphone chauffe une peu plus que d'habitude.
C’était le match de ta vie, vendredi ?
C’est clair que je n’ai jamais réalisé une telle performance, en termes de statistiques déjà (deux buts et deux passes décisives). Il y a aussi le contexte d’un 32es de finale, qui donne un peu plus d’ampleur. Donc c’est dans le top trois des matchs que j’ai pu réaliser, facile. Je me souviens aussi d’un autre match en Coupe de France, en 2015 contre Valenciennes qui était en Ligue 2. On avait perdu en prolongation (1-2, le 5 décembre 2015).
Tu n’avais pas beaucoup marqué dans cette compétition, par le passé. Tu l’attendais, ce match ?
Non, non. Moi et mon équipe, on a pris ce match comme un autre. C’est une équipe de National, mais qui vient d’être promue (Boulogne est tout de même deuxième du championnat, NDLR). Donc supérieure, mais pas beaucoup. En plus, le match était chez nous, donc pour nous c’était 50-50. Je n’ai pas abordé ce match avec plus de crainte qu’un autre. Mais c’est vrai que c’était mon jour, on peut dire ça.
Sur les deux premiers buts, c’est ton accélération côté gauche qui crée la différence. Qu’est-ce que le coach t’avait demandé, avant le match ?
Il m’avait dit de prendre la profondeur parce qu’ils avaient du mal dans le dos, sur leur côté droit. Il avait bien analysé puisqu’on a ciblé ce côté et on a réussi beaucoup de coups.
Vous vous attendiez à ce que ce soit aussi « facile » ? Vous menez 4-0 à un moment du match…
Pas facile, non. Même quand on a ouvert le score, on a commencé à reculer rapidement. Après, c’est vrai que leur carton rouge (récolté par le gardien Victor Delins, dès la 16e minute) nous a facilité la tâche et même après ce rouge, on n’avait pas le ballon. On jouait les coups, on jouait les contres. Donc je pense que les faits de match ont fait qu’on a pu dérouler, mais sinon, ça aurait été bien plus compliqué.
Vous avez bien fêté ça ?
Rapidement, après le match. Mais après, en championnat, c’est un peu compliqué pour nous, on joue le maintien. Donc il faut rapidement switcher vers le plus important, même si la Coupe est un échappatoire certain.
Comment on réussit à se focaliser sur un match de Coupe de France quand on galère en championnat ?
C’est une compétition à part. On voit qu’il y a des surprises à tous les matchs, à tous les tours. Pour moi, ça n’est pas une histoire de niveau, c’est une histoire d’envie. C’était un rendez vous pour l’histoire du club, parce qu’il n’a jamais joué un 16e de finale. Du coup, tout le monde s’est mis au diapason et on a réussi à faire un exploit.
Le fait que vous soyez à domicile, ça a changé beaucoup de choses ?
Bien sûr. En championnat, pour dire la vérité, il n’y a pas beaucoup de monde au stade, mais là, il était rempli. Ça nous a donné beaucoup de force. Il y avait les familles, les amis. On avait à cœur de les rendre fiers.
Durant ton parcours, tu as passé un an et demi en Bulgarie. Raconte-nous.
C’était une bonne expérience de vie. Je voulais tenter une expérience à l’étranger. C’était plutôt cool de découvrir une nouvelle culture, une nouvelle langue, une autre façon de vivre. Cette opportunité s’est présentée, un agent m’avait contacté et parlé des possibilités d’aller jouer au niveau professionnel en Bulgarie. J’étais beaucoup plus jeune, donc j’ai tenté l’expérience. Sans regret. Après, j’ai décidé de rentrer en France pour des raisons familiales, et j’ai continué en National 2.
Comment était la vie, là-bas ?
Les gens sont différents, la mentalité aussi, ils sont plus « à l’ancienne ». Le football est beaucoup moins médiatisé et suivi par les gens. J’ai fait la capitale (Sofia, lorsqu’il évoluait au Tsarsko Selo) et une ville au bord de la mer (Sozopol). Je préfère quand même la France, le pays est beaucoup plus structuré, beaucoup plus développé. C’était quand même cool de rentrer.
C’est la seule fois où tu as bénéficié d’un contrat professionnel ?
Oui. Je sais qu’il y a beaucoup de joueurs qui s’exportent à l’étranger pour réussir, parce qu’en France, c’est beaucoup plus compliqué. C’est beaucoup plus compétitif. Il y a des joueurs qui s’exportent et qui réussissent à jouer l’Europe dans les compétitions mineures comme la Ligue Conférence. C’était un objectif à moyen terme, de trouver un club pour signer pro puis aller dans les plus gros clubs du pays. Mais je n’ai pas pu aller plus haut, je n’ai pas pu aller au bout.
Tu as donc expérimenté la D2 locale. Comment tu situerais le niveau ?
C’est un niveau N2-N3. Si j’étais resté, je pense que j’aurais pu atteindre la première division, parce que je réussissais bien là-bas. Je m’étais bien acclimaté au pays, à la langue, j’avais commencé à l’apprendre.
De manière générale, tu changes de club quasiment tous les ans…
C’est vrai que j’ai beaucoup changé de club, mais ça n’est pas toujours de mon plein gré. C’est à cause de désaccords, ou de mauvaises expériences. Mais moi, si j’avais trouvé un endroit où tout allait, où tous les astres étaient alignés, j’y serais resté.
Tu avais quitté Haguenau en 2023 et tu es revenu un an après. On dirait bien que c’était le bon choix.
C’était une de mes meilleures expériences, j’avais fait une de mes meilleures saisons là-bas. Donc quand j’ai eu cette opportunités en sortant de Créteil (N2), je me suis dit pourquoi pas revenir dans un endroit où j’avais performé, pour me relancer après une année compliquée.
Haguenau, ça ne peut pas être le club où tu te poseras vraiment ?
Je n’en sais rien. Je pourrais, parce que sportivement l’équipe a beaucoup de qualités. C’est un club familial qui ne se met pas la pression. Mais j’ai 30 ans, j’arrive à la croisée des chemins, donc si une opportunité que je ne peux pas refuser se présente, j’y réfléchirai à deux fois.
Et justement, la Coupe de France, c’est un peu une vitrine.
C’est vrai qu’après ce match, j’ai eu certaines sollicitations. Je n’ai pas l’habitude, moi qui aime bien rester dans l’ombre. C’est la première fois que ça m’arrive. J’ai vu qu’un match télévisé pouvait changer diamétralement, on ne va pas dire une vie, mais un quotidien. J’ai reçu beaucoup beaucoup de messages, des prises de renseignement, de clubs de National 2 au plus haut, et de l’étranger. J’ai une exposition médiatique. C’est vrai que ça a changé depuis deux jours.
Propos recueillis par Jérémie Baron // Photo : FCSR Haguenau / Shot by Elo (Instagram)