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« Pierre Sage est vraiment devenu un scientifique du foot »
Ce mercredi, Nicolas Seguin et Sofiane Atik vont retrouver Pierre Sage en Coupe de France, leur entraîneur adjoint à Lyon Duchère en 2018-2019. Avant les retrouvailles, le défenseur et le milieu de Bourgoin-Jallieu livrent quelques souvenirs.
Quelle a été votre première réaction au moment du tirage au sort ?
Nicolas Seguin : J’étais content parce que ça fait une belle mise en avant pour le club et, d’un autre côté, je me suis dit : « Merde, c’est quand même un gros de Ligue 1. » Forcément, sur le papier, on n’est pas favoris. Bon, vaut mieux perdre contre l’OL en sortant par la grande porte que tomber à Espaly ou face à une autre équipe de notre poule, sur un match bourbier. Sur le papier, c’est plus intéressant de se faire sortir par un gros.
Sofiane Atik : Je me suis dit : « Putain, encore ? » J’ai déjà joué deux fois contre l’OL. Mais j’étais super content, avant le tirage, je voulais une Ligue 1, et de préférence, une bonne Ligue 1. Lyon, Marseille, Paris, ça fait rêver et ça attire du monde, toutes les places ont été vite vendues.
NS : On ne va pas se mentir, notre objectif prioritaire, ce n’est pas la Coupe. On a un match important à Espaly en championnat (1-1, l’entretien a été réalisé mercredi 8 janvier). Je suis le rabat-joie…
Ça représente quoi, l’OL, pour vous ?
NS : C’est mon club formateur et c’est la première fois que j’aurai la chance de l’affronter, mis à part la réserve. J’y ai passé dix ou onze saisons, j’ai connu le groupe qui a enchaîné les sept titres. J’ai pu voir Juninho, Cris, (Grégory) Coupet, c’est une chance de pouvoir les côtoyer et de découvrir ce monde. J’ai joué avec Anthony Lopes, Mathieu Gorgelin, Saïd Mehamha, de la génération 1990, et avec les plus jeunes comme Alexandre Lacazette, Corentin Tolisso, Clément Grenier, Yannis Tafer… Ma formation passée à l’OL fait beaucoup de ce que je suis aujourd’hui, j’ai été formaté en tant que joueur, mais aussi en tant qu’homme, et ça a été bénéfique.
SA : Je n’ai jamais été approché par le club, mais j’ai souvent joué contre. D’abord en début de carrière avec La Duchère (défaite 1-3), en 2012, face à Lisandro López, Bafé Gomis, c’était des joueurs qu’on regardait à la télé tous les week-ends et en Ligue des champions. En 2020, je les reprends, aussi en Coupe de France, avec Bourg-en-Bresse (défaite 0-7). Je les rencontre à trois âges différents, et, cette fois, ça me tient particulièrement à cœur parce que c’est avec Bourgoin, mon club, là où tout a commencé pour moi. Je suis quand même un peu plus serein. J’ai prévenu les jeunes, la première fois, on n’arrive pas à dormir de la nuit, tu penses à comment tu vas jouer, quelle célébration faire si tu marques. (Rires.) Finalement, t’as surtout la tremblote.
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Vous allez également retrouver Pierre Sage, que vous avez notamment côtoyé à La Duchère, quand il était entraîneur adjoint de Karim Mokeddem…
SA : Pierre bien sûr, mais aussi Jamal Alioui (adjoint de Sage), que je connais très bien et avec qui j’ai un peu joué à La Duchère, Cédric Uras (préparateur physique), avec qui j’ai aussi joué à Saint-Priest. Il va y avoir un peu d’émotion de mon côté, ce sont des personnes que j’affectionne vraiment. D’ailleurs, avant de savoir qu’on allait jouer l’OL, j’échangeais déjà avec Pierre. Je l’avais croisé en faisant les magasins à Lyon il n’y a pas si longtemps, c’était toujours un plaisir de discuter avec lui.
Votre année sous ses ordres s’est déroulée comment ?
SA : En un an, c’est quelqu’un dont la personnalité m’a le plus marqué. C’est un mec qui a une faculté à transmettre son savoir footballistique, à tout le monde, même à des joueurs au QI foot pas super développé, de manière très juste, très simple, sans jamais crier.
NS : En fait, Karim avait choisi Pierre Sage parce qu’il partait en formation pour les diplômes une semaine par mois et il voulait un adjoint capable de gérer en son absence. Quand le chat n’est pas là, les souris dansent, et le premier entraînement sans Karim, c’était la merde.
SA : C’est vrai, c’était la foire.
NS : Le lendemain, Pierre était très calme. Il a dit : « C’est simple, si vous faites la même chose qu’hier, j’arrête l’entraînement et vous rentrez tous chez vous. » Il disait tout ça tellement calmement, avec tellement de persuasion, que personne n’a bronché. Ce jour-là, il a gagné le respect de tout le monde, à partir de là, on pouvait tous mourir pour lui. Il n’a pas besoin d’élever la voix, c’est quelque chose qu’il dégage naturellement.
Vous le connaissiez avant son arrivée ?
NS : On connaissait tous Pierre Sage de nom, il avait été longtemps à Bourg-en-Bresse. Je n’avais pas forcément un visage en tête, mais son nom était connu dans la région pour son bon travail.
SA : On a vite vu qu’il parlait le même football que Karim, très offensif, très joueur. Il a une telle connaissance foot, tu te dis direct que ce n’est pas un tocard.
NS : Maintenant, il est plus connu, c’est vraiment devenu un scientifique du foot.
SA : Moi, Pierre Sage, je l’appelle le philosophe !
NS : Il est en avance sur tout le monde. Pour être grossier, c’est quelqu’un qui pue le foot.
Ça se caractérise comment à l’entraînement ?
SA : Il m’avait rapidement dit : « Je suis pro-Barça, tu ne me verras jamais te dire de balancer le ballon. » Lui, il veut jouer au ballon tout le temps, repartir de derrière. Je me suis vite dit qu’on allait bien s’entendre. C’est un fan de Guardiola aussi, il en parlait souvent.
NS : Pierre, c’est une encyclopédie. Il sait ce qu’il veut, il sait comment arriver à son objectif, il a toujours un plan A, un plan B, un plan C, un plan D… Il est arrivé dans un contexte très particulier à l’OL, mais il a fédéré tout de suite son groupe, d’abord sur des choses simples, puis en mettant en place ce qu’il voulait, et c’était parti.
SA : Quand il a pris l’OL, j’ai tout de suite dit : « Oh les gars, vous allez direct voir le changement de mentalité qu’il va y avoir dans l’équipe. » Ça n’a pas manqué, c’était incroyable. Une chose m’avait marqué, c’était les jeux qu’il proposait à l’entraînement. En voyant ses séances, tu comprenais ce qu’il voulait qu’on fasse le week-end : construire, déséquilibrer par la passe, par le déplacement. Ce sont des choses que les grandes équipes faisaient et on y arrivait en National.
NS : On avait une équipe pour bien jouer au football. Pierre a apporté sa patte dans le déplacement, dans la qualité technique, son œil extérieur permettait d’être très pointilleux sur des détails. Quand il disait quelque chose, on l’écoutait, c’était toujours pertinent.
Vous terminez cinquièmes du championnat, le meilleur résultat du club, il y est pour quelque chose en étant « seulement » adjoint ?
SA : Oui, bien sûr. Il était beaucoup dans le dialogue, dans l’enseignement. Quand ça n’allait pas techniquement, il nous expliquait certains trucs, c’était un accompagnement positif, toujours dans le conseil.
NS : Il était dans son rôle d’adjoint et trouvait toujours le juste milieu en étant proche des joueurs. Il faisait aussi de la vidéo, il était très pointilleux là-dessus. Déjà, c’est le premier adjoint que Karim a laissé faire. Sans dénigrer les autres, c’est le seul qui a eu les rênes à 100%, et Dieu sait que c’est dur, Karim aime bien contrôler son équipe. (Rires.)
SA : La paire fonctionnait très bien. Le duo Pierre Sage Karim Mokeddem, je ne pense pas qu’on puisse faire mieux en National.
NS : Quand ça n’allait pas, Karim était capable de dégoupiller, de dire des noms d’oiseaux, parce qu’il a un caractère très fort. Pierre, lui, c’était tout l’inverse. Quand il était énervé, on le voyait parce qu’il était un peu plus froid, mais sa façon de parler était la même. Au niveau du groupe, on a dû le remarquer et se dire que ce calme était impressionnant, ça lui a fait gagner notre respect.
SA : C’est vrai, Karim nous mettait la trique, et Pierre venait avec sa force tranquille. Aujourd’hui, à l’OL, il forme le même duo avec Jamal Alioui, qui est aussi une grande gueule, qui rentre dedans. S’il y a des mecs à recadrer, Jamal s’en occupe, et derrière, il y a Pierre qui fait passer son message. Je trouve d’ailleurs que Pierre a des similitudes avec Freddy (Morel, entraîneur de Bourgoin), il y aura un match dans le match.
On peut parfois entendre qu’un bon entraîneur doit avoir été joueur professionnel, qu’a-t-il de plus que les autres pour arriver à ce niveau sans compter sur son passé ?
NS : Aujourd’hui, il n’y a plus de vérité par rapport à ça, je crois, on peut le voir avec Will Still aussi. Pierre n’a jamais joué au foot, oui, mais il ne faut pas confondre : un excellent joueur n’est pas forcément un bon coach, pourquoi quelqu’un ne pourrait pas devenir un bon entraîneur sans avoir été joueur ?
SA : Le curseur se base sur la crédibilité. Tu peux être moins crédible quand tu n’as pas été joueur et que tu nous corriges sur la qualité du contrôle, mais quelqu’un comme Pierre Sage sait tellement que ce qu’il dit est vrai, qu’il arrive à le prouver et à nous faire comprendre que c’est la bonne chose. À chaque problème, il a une réponse. Une fois, deux fois, trois fois, à la fin, c’est toi qui te rends compte qu’il connaît tout et qu’il faut lui faire confiance.
NS : Et c’est quelqu’un de très humble par rapport à ça, c’est une force.
Vous souvenez-vous de son départ, à la fin de saison, pour le centre de formation de l’OL ?
NS : C’était une opportunité. Surtout que je pense qu’il se voyait plus comme un formateur. C’est aussi un rôle dans lequel il est excellent. L’OL, ça ne se refuse pas. En plus, Karim est parti de La Duch le même été.
Quel visage va avoir son OL contre Bourgoin ?
SA : Je suis pressé de savoir ce qu’il va mettre en place. Je suis persuadé qu’il va mettre une grosse équipe, très, très compétitive.
NS : C’est surtout qu’il nous connaît, il connaît So’, Jimmy (Nirlo), moi, et je suis sûr qu’il connaît tous les joueurs parce qu’il a travaillé sur le match. Il a analysé l’équipe, il a un plan A, un plan B, un plan C pour nous poser des problèmes. Il a déjà fait le match dans sa tête, c’est sûr.
SA : Son discours, ça va être : « Les gars en face, je les connais, je les ai entraînés, ce ne sont pas des peintres, on va y aller pour gagner. »
NS : Quelque part, c’est bien, c’est qu’on est respectés.
SA : Ils ont un gros enchaînement, avec la Coupe d’Europe qui revient. Il y a des joueurs en instance de départ. On ne sera pas la priorité.
NS : Heureusement, il y a les rugbymen qui jouent à Rajon avant nous, ça peut niveler ! (Rires.)
Propos recueillis par Enzo Leanni