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Coup franc, le nouveau penalty ?
Golovin, Ronaldo, et Kolarov ce dimanche. Trois jours de compétition, trois coups francs directs, soit tout autant que sur l'intégralité du Mondial 2014 au Brésil. Alors quoi, est-ce une simple affaire de talent, ou les courbes du nouveau ballon y sont pour quelque chose ?
Un jour, un idiot a dit que l’essentiel n’était pas la destination, mais le voyage. N’y voyez pas là une quelconque offense faite à Robert Louis Stevenson, écrivain émérite et voyageur inspiré qui avait sans doute son mot à dire sur la question après l’écriture de L’île au Trésor en 1883 et de Voyage avec un âne dans les Cevennes en 1879. La citation est belle de sens. Mais elle n’a, force est de le constater, rien à faire dans le monde du football.
Peu importent les cérémoniaux d’Aleksandr Golovin, de Cristiano Ronaldo et d’Aleksandar Kolarov – qui ont le mérite de se différencier avant un coup franc bien placé –, leur finalité est la même, nonobstant leur nombre de pas de recul ou l’angle d’écartement au niveau de leur entrecuisse. Oui, les trois bonhommes ont un point commun au-delà de leur profession : celui d’avoir inscrit un coup franc direct depuis le début de cette Coupe du monde. Trois, si l’on en fait le compte. Soit tout autant que sur l’intégralité du Mondial 2014 au Brésil. Pendant ce temps, deux penaltys ont pendant ce temps été loupés sur les six sifflés. Un taux de réussite proche de celui des têtes de N’Golo Kanté.
L’ombre du Jabulani
Que faut-il voir dans cette insolente réussite, huit ans après l’apparition polémique du Jabulani, décrit par Iker Casillas à l’occasion du Mondial sud-africain comme un « ballon de plage » ? Beaucoup de talent, pour sûr, les phases arrêtées semblant débloquer plus de situations qu’auparavant. Mais peut-être aussi une conséquence directe de la volonté de spectacle des dirigeants internationaux. Tout comme la circonférence des balles de tennis de table a été augmentée de deux millimètres en 2000 pour faciliter la diffusion des compétitions à la télévision (désormais à 40 mm de diamètre), le ballon de football doit désormais défier la gravité. Ironique, pour un cuir qui n’est redescendu de la Station spatiale internationale que pour le match d’ouverture entre la Russie et l’Arabie saoudite.
Objectif : mettre les gardiens à l’épreuve, quitte à leur causer du tort. À l’époque de sa bourde face à l’Allemagne en match amical, David de Gea avait déjà pointé du gant les « trajectoires bizarres » prises par le Telstar 18 (1-1 score final). Parole de gaffeur, peut-être, mais parole appuyée, ensuite, par Pepe Reina : « Je vous parie autant que vous voulez que nous verrons au moins 35 buts de loin, parce que c’est impossible de s’entraîner.(…)Et il est recouvert d’un film plastique qui le rend difficile à maîtriser. Les gardiens vont avoir beaucoup de problèmes avec cette balle. Ils devraient la changer, il reste encore le temps. »
Bipolaire en liberté
Car à bien y regarder, tandis que Lionel Messi et Christian Cueva loupaient leur penalty respectif face à l’Islande et le Danemark, les tireurs de coup de pied arrêtés s’en donnaient à cœur joie. Les deux buts de la Croatie ? Consécutifs à un corner. Le but de la délivrance de Giménez pour l’Uruguay ? Venu d’un coup franc excentré. Le poteau de Cavani quelques minutes plus tôt ? Sur coup franc direct. Le deuxième but de Diego Costa contre le Portugal ? Survenu à la bonne grâce d’un coup franc à deux d’Iniesta et David Silva. La dangerosité générale de l’Australie face aux Français ? Récompensée par une main d’Umtiti sur… coup franc.
On disait du Telstar 18 qu’il était le « premier ballon connecté à l’aide d’une puce NFC » , ce qui veut dire beaucoup sur les priorités de ses concepteurs. Est-ce parce qu’il est trop léger que deux d’entre eux ont explosé lors des rencontres de samedi ? On pourrait presque percevoir dans ses changements de direction impromptus un caractère schizophrène, ou tout du moins bipolaire. Allez, voilà l’occasion de se réconcilier avec Stevenson, qui a eu le mérite d’écrire une petite nouvelle sur le sujet.
Par Théo Denmat