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Côte d’Ivoire : 48 heures face au vide
Lundi soir, la Côte d’Ivoire était humiliée par la Guinée équatoriale (0-4). Mercredi matin, la fédération ivoirienne annonçait le départ de Jean-Louis Gasset, le sélectionneur des Éléphants. Le soir, la victoire du Maroc qualifiait le pays organisateur pour les 8es de finale, face au Sénégal. Pendant 48 heures, les Ivoiriens ont assuré le spectacle.
« Appelez-moi Nostradamus », se marre Eugène Diomandé, le président du Séwé Sport de San-Pedro, trois fois champion de Côte d’Ivoire en 2012, 2013 et 2014, sur les coups de 13 heures. Le dirigeant est effectivement soit un devin, soit quelqu’un de très bien informé. Un peu plus tôt dans la journée de mercredi, lors de l’entretien qu’il nous accordait, Diomandé évoquait le cas de Jean-Louis Gasset, le sélectionneur français des Éléphants, particulièrement fragilisé après la rouste infligée par le Nzalang Nacional équato-guinéen au stade Alassane-Ouattara à Abidjan. « Je ne sais pas trop quel crédit accorder à certaines rumeurs, mais je ne serais pas étonné qu’il ne soit plus en poste, même si la sélection se qualifie pour les 8es de finale à la faveur des résultats des matchs de ce soir. »
« Gasset n’avait pas mesuré toute l’ampleur de sa mission »
Quelques heures plus tard, la prédiction d’Eugène Diomandé se confirmait après que plusieurs médias ont évoqué le départ de l’ancien entraîneur de l’AS Saint-Étienne et des Girondins de Bordeaux, la Fédération ivoirienne de football (FIF) publiant un communiqué officiel pour annoncer son limogeage ainsi que celui de son adjoint Ghislain Printant. Le Montpelliérain de 70 ans aurait plutôt présenté sa démission après la défaite face à la Guinée équatoriale. Mais l’instance a préféré évoquer un licenciement, car les deux parties auraient finalement trouvé un accord financier, Gasset étant toujours sous contrat, avec un salaire mensuel de 108 000 euros. Il a été remplacé par Emerse Faé, ancien milieu du FC Nantes et de l’OGC Nice aux 44 capes internationales, qui, au lieu de fêter ses 40 ans ce mercredi, s’est vu confier la mission impossible face au tenant du titre sénégalais le 29 janvier à Yamoussoukro. En effet, depuis cette annonce, la victoire du Maroc contre la Zambie a offert un ticket pour les huitièmes à la Côte d’Ivoire, comptant finalement parmi les « meilleurs » troisièmes de groupe… Un aller simple vers la rédemption pour les hôtes, qui laissent donc leur vieux guide français à quai.
Emerse Faé a dirigé sa première séance d’entraînement aujourd’hui ! 🇨🇮🐘 pic.twitter.com/f4RI1q1qrm
— Séléphanto Football 🇨🇮🐘 (@Selephanto) January 24, 2024
Le départ de Gasset était souhaité par une large majorité de supporters et de journalistes ivoiriens, que la sélection se qualifie ou non pour la suite de la compétition. « Pour moi, choisir Gasset comme l’avait fait Idriss Diallo (le président de la FIF) n’était pas une bonne idée, affirme Eugène Diomandé. Je ne remets pas en question ses compétences. C’est un bon entraîneur, mais il n’avait aucune expérience du football africain, et je pense qu’il n’avait pas mesuré toute l’ampleur de sa mission, c’est-à-dire diriger la sélection d’un pays organisateur de la CAN, surtout en Côte d’Ivoire où la pression autour des Éléphants est très forte. Je crois aussi qu’il n’a pas su faire les bons choix tactiques à plusieurs occasions. Face au Nigeria (0-1, le 18 janvier), un match nul assurait la qualification, mais il a préféré jouer l’attaque à tout-va. » Salif Bictogo, le président de la Ligue professionnelle, est du même avis : « Il n’a pas su gérer le tournoi, l’environnement. Je pense que le ressort était un peu cassé avec les joueurs, plus pour des questions tactiques que de management, car Gasset, humainement, est quelqu’un de bien et semblait être apprécié des joueurs. »
Les Sénégalais méfiants
Jean-Louis Gasset, bien sûr, a sa part de responsabilité. On lui reproche également de ne pas avoir sélectionné Wilfried Zaha, l’attaquant de Galatasaray, pour la CAN. L’ancien joueur de Crystal Palace avait crispé son coach, mais également Idriss Diallo et certains de ses coéquipiers au mois de novembre dernier, alors que les Éléphants se préparaient à affronter les Seychelles (9-0) et la Gambie (2-0) en qualifications pour la Coupe du monde 2026, en demandant la permission de différer son arrivée à Abidjan. Gasset et Diallo avaient refusé et prié Zaha se rester à Istanbul. Il ne faudrait pas chercher ailleurs les raisons de sa non-convocation pour la CAN. « Sauf que Sébastien Haller est arrivé blessé au stage de préparation de la CAN à San-Pedro, et il n’a toujours pas joué. Zaha est peut-être parfois compliqué à gérer, mais au moins, il est valide et utile », remarque Eugène Diomandé.
Le fusible Gasset a sauté, mais le scénario de ce premier tour poussif est également imputable aux joueurs. « Ce sont eux qui sont sur le terrain, qui ratent des occasions, se voient refuser des buts parce qu’ils sont hors jeu et ont eu du mal, aussi, à gérer la pression. Tout n’est pas de la faute du coach », insiste l’ancien sélectionneur Georges Kouadio. Depuis Dakar, l’ancien défenseur sénégalais Ferdinand Coly observe l’agitation ivoirienne avec une certaine incrédulité. « Se séparer du sélectionneur en pleine compétition, c’est risqué. Mais attention à cette équipe. C’est une autre compétition qui commence, et avec ce qu’ils ont vécu depuis quelques jours, les Ivoiriens vont sûrement être transcendés… » Réponse lundi à 21 heures, une semaine pile après avoir cru touché le fond.
Par Alexis Billebault
Tous propos recueillis par AB.