Quel est ton rapport au football ?
Je suis le football de loin. Même si j’habite pas très loin du stade Chaban-Delmas à Bordeaux, je suis assez peu les matchs de championnat, je suis plus un spectateur de matchs internationaux. Coupe du monde, Euro… Tu vas te voir les grosses affiches dans un bar avec des potes, quoi. Du coup, les Coupes du monde 98 et 2006 m’ont forcément marqué. Surtout que le coup de boule de Zidane est désormais entré dans l’imaginaire collectif. Certains artistes en font même des œuvres… Le football, pour moi, ça veut surtout dire FIFA sur PS1 ! (rires) Et du coup, les bandes-son qui vont avec, terriblement cools. Je devais avoir onze, douze ans à l’époque de FIFA 98 et 99, et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser à la musique électronique. Je pense que FIFA a été un des vecteurs de ma passion pour la musique anglaise. Fatboy Slim, Blur, les Chemical Brothers… J’ai connu ça par FIFA ! Donc le football a plus été une porte d’entrée vers d’autres univers pour moi.
Maintenant que tu fais de la musique, est-ce que tu découvres toujours autant grâce à FIFA ?
C’est l’inverse, maintenant. J’ai pris de l’avance sur FIFA ! Je me rends compte que les soundtracks qui arrivent sur les jeux sont déjà en fin de vie. Disons que les morceaux ont déjà fait leur route dans les clubs et les playlists. Les éditeurs savent déjà qu’il y a un gros potentiel sur tel artiste ou tel morceau et ils l’injectent dans le jeu. Mais malgré ça, les playlists FIFA ont gardé une putain de solidité, hein. Tu prends l’exemple de Buraka Som Sistema sur le FIFA 2010, c’est une grosse référence en matière de musique électronique. Je crois que les deux meilleurs morceaux, ou en tout cas ceux qui collent le plus à l’univers du jeu, c’était Bodyrock de Moby et ses gros riffs de gratte, et Block Rockin’ Beat des Chemical.
Finalement, FIFA fait de bonnes mixtapes, c’est ça ?
Exactement ! (rires) Mais c’est plus grand public que celles de Tsugi ou de Trax. Faut que ça plaise à tout le monde : du rock, de la pop, de l’electro.
Si je te suis, ce serait LA consécration de te retrouver sur un jeu FIFA ?
Grave ! Ce serait génial ! Surtout que certaines tracks de chez Boys Noize ont fini sur des FIFA, il me semble. Le remix de Working Together de Gonzales par Boys Noize, ouais. Donc c’est possible… Mais attention, je ne suis pas uniquement attaché à la musique via le foot. Je suis aussi beaucoup tout ce qui se fait en termes d’image en football. Le déploiement de moyens techniques pour les grandes rencontres, par exemple. On disait que le football était contre l’arbitrage vidéo, mais lors de la dernière Coupe du monde, la goal-line technology, c’était génial. C’est petit à petit, mais on avance. La Spidercam aussi, c’est pas mal. Ça bouge un peu en matière de prospective.
As-tu vu la nouvelle façon de filmer le football inventée par Ben de Graaf pendant le match Feyenoord-Ajax ?
Le truc est plus net que le net réel. Ce qui me choque le plus dans cette vidéo, c’est pas tant la qualité, qu’on peut retrouver parfois dans d’autres vidéos, mais plus les mouvements de caméra. Ce sont exactement les mêmes que ceux qui ont été imaginés dans FIFA. On assiste à une « gamification » du football, de toute manière. Les joueurs sont « pimpés » , tu vois. Ils ont leur coupe de cheveux, le sponsor, les crampons, leur maillot… Une armada de com’ autour d’eux. Et tu as le jeu lui-même, ouvert aux paris, retransmis simultanément dans le monde entier et sur tous supports : mobiles, tablettes, etc. Tu peux être dans le match n’importe quand et surtout, le revoir. Ce que tu ne pouvais pas faire il y a encore quinze ans, à part si tu regardais Téléfoot. Désormais, il y a plus de contenu vidéo généré autour du match que pour le match en lui-même.
À ton avis, quel va être le futur du football ?
Je suis pas le seul à le penser et surtout, je l’ai pas inventé, mais je vois ça comme les jeux du cirque de notre époque. Donc on va aller vers du plus spectaculaire encore. Toujours plus. Sûrement dans la taille des stades, dans les équipements. Et puis, dans la façon de filmer. Je pense vraiment que les drones auront une place beaucoup plus importante dans les années à venir. Quand il faudra aller sur le terrain pour se rapprocher des actions, notamment. Comme dans les cinématiques de dribbles au début des jeux vidéo. Là, les drones sont dégueulasses avec leur quatre hélices, mais dans quelque temps, ils seront miniaturisés. C’est sûr. Il y aura une surenchère de mise en scène. Tu t’en prendras plein la gueule.
João Neves, le prince de la ville