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Cossey : « Une belle revanche pour Broos »
Hugo Broos est devenu champion d’Afrique avec le Cameroun le 5 février. La Belgique, où il s’est forgé un beau palmarès en tant que joueur puis d’entraîneur, a redécouvert le Flamand, qui n’a plus bossé dans son pays depuis la saison 2011-2012. Rudi Cossey, qui a évolué sous ses ordres au RWDM, puis au FC Bruges, et qui vient de perdre son poste d’adjoint à Genk, n’était pas le moins bien placé pour parler du nouveau héros du Cameroun.
Comment le succès du Cameroun, qui est quand même un peu celui d’Hugo Broos, est-il perçu en Belgique ?Au début de la CAN, la presse ne s’intéressait pas vraiment au Cameroun et à Broos. Il y avait une petite colonne dans les journaux, mais cela n’allait pas plus loin. Les gens ont commencé à s’y intéresser à partir des quarts de finale, quand le Cameroun a éliminé le Sénégal (0-0, 5-4 aux t.a.b). Puis un peu plus lors des demi-finales (2-0 face au Ghana), et depuis la victoire, on parle beaucoup plus de lui.
Broos avait-il fini par être oublié en Belgique ?Oublié, non. Mais la dernière fois qu’il a entraîné en Belgique, c’était à Zulte-Waregem (2011-2012). Puis Hugo est parti travailler en Algérie (JS Kabylie en 2014 et NA Hussein Dey en 2014-2015), où cela ne s’est pas très bien passé pour lui, dans des conditions compliquées. Et vous savez très bien que dans le milieu du football, quand on s’éloigne de son pays, les gens ont tendance à moins s’intéresser à vous. La presse belge n’a d’ailleurs pas été tendre avec lui, comme avec d’autres. Elle avait un peu oublié que Broos a été un très bon joueur, qui a fait l’essentiel de sa carrière à Anderlecht (1970-1983), puis au FC Bruges (1983-1988), où il a gagné des titres. Et en tant qu’entraîneur, il a aussi remporté pas mal de trophées. Le problème, c’est que dans le football, on veut des résultats immédiats. J’ai trouvé qu’une partie de la presse n’avait pas été très correcte avec lui.
Quelle image a-t-il en Belgique ?C’est quelqu’un de rigoureux. Il l’était comme joueur, il l’est comme coach. Il est perçu comme un gros travailleur. Et aussi comme un gentleman. C’est un homme qui est profondément gentil, qui sait ce qu’il veut. Car il est intransigeant sur la question de la discipline. J’ai cru comprendre qu’au Cameroun, dans un cadre nouveau pour lui, il a réussi à faire respecter le code de conduite de la sélection. Ce qu’il a fait avec cette équipe est assez fort. Il a été attaqué par la presse camerounaise en raison de certains de ses choix, il a dû se passer de joueurs qui ne voulaient pas venir. Il a su façonner son groupe, où il n’y a pas de stars. Quand il était en Belgique, Broos n’aimait pas certaines attitudes de joueurs, qui se croyaient plus importants que le club.
Il vous a entraîné à Molenbeek, puis au FC Bruges. Quel genre d’entraîneur était-il ?À Molenbeek, Hugo débutait sa carrière d’entraîneur. Il avait un bon contact avec les joueurs. C’était un peu une figure paternelle. Il venait de boucler une longue et belle carrière de joueur. Son palmarès imposait le respect, mais il était humble, très pro. Je me souviens d’un coach qui communiquait beaucoup avec ses joueurs, qui s’impliquait beaucoup dans les séances. Il a pas mal de tempérament, et va au bout de ses idées. Quand je l’ai retrouvé un peu plus tard au FC Bruges, il avait gagné en expérience. Il était toujours très à cheval sur la discipline. Et rigoureux tactiquement, pas du genre à justifier ses choix, d’ailleurs…
Vous avez eu à en pâtir ?Oui. Il m’avait écarté pendant plusieurs matchs, sans me dire vraiment pourquoi. Je ne l’avais pas très bien vécu. Mais depuis que je suis entraîneur, je comprends mieux. Avec le Cameroun, Hugo Broos n’a pas hésité à mettre des cadres sur le banc, et visiblement, cela n’a pas posé de problèmes dans le groupe. Parce qu’il fait comprendre aux joueurs que c’est le collectif qui est important.
Depuis son passage à Zulte-Waregem (2011-2012), Broos n’a plus retravaillé en Belgique, et il semble le vivre assez mal… C’est vrai, et on ne sait pas trop pourquoi un coach qui a ce palmarès n’a plus jamais retrouvé un club en Belgique. Il semblerait même qu’il n’ait plus eu aucun contact sérieux…
Il a été écrit qu’il serait trop cher…Il a un nom, un palmarès, donc cela se paye. Seulement, aujourd’hui, beaucoup de dirigeants préfèrent prendre un entraîneur jeune et qu’ils paieront trois ou quatre fois moins cher et qu’ils pourront licencier si les résultats n’arrivent pas vite. Car aujourd’hui, on veut des résultats immédiats. Or, Hugo Broos est quelqu’un qui aime travailler sur le long terme. Je ne sais pas s’il retravaillera en Belgique un jour. Il est sous contrat avec le Cameroun, il aura peut-être des propositions d’autres pays africains. Et puis, quand vous avez plus de soixante ans, en Europe, cela devient plus compliqué (Broos aura 65 ans en avril, ndlr). Mais ce qui est certain, c’est que cette victoire à la CAN est une belle revanche pour lui !
Propos recueillis par Alexis Billebault