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Corruption : la Liga face à ses démons
Après la mise en examen de l'ancien président d'Osasuna et le jugement en cours du Real Saragosse, c'est au tour de la direction d'Elche d'être mise à pied par les autorités. Ces affaires, qui tournent toutes autour de la corruption, montrent les limites du système espagnol.
Elche a tout de la carte postale idyllique. Un ciel azur, une forêt de palmiers et des plages dunaires font le bonheur des touristes en chaussettes et claquettes. La quiétude des habitants des bords de la Méditerranée a été troublée en début de semaine. Seul fanion de la région d’Alicante en Première Division, l’Elche Club de Futbol n’a aujourd’hui plus de direction. Suite aux accusations de corruption dont il fait l’objet, le président des Franjiverdes, José Sepulcre, a été suspendu de ses fonctions par la LFP. Dans les faits, il aurait maquillé les comptes du club. Une sortie de 2,5 millions d’euros des caisses ne serait pas expliquée, dont 1,5 million en cash. Le tribunal d’Alicante et les services de la Ligue s’intéressent tout particulièrement à la dernière rencontre de la saison passée sur la pelouse de Málaga. Un match qui s’était soldé par un précieux succès 0-1 d’Elche, synonyme de maintien. Depuis le début de saison, les cas de corruption et les investigations judiciaires se sont multipliés. Un combat, de longue haleine, que les autorités prennent enfin à bras-le-corps.
« Les organisations criminelles vont toujours avoir l’avantage »
Osasuna, Real Saragosse, Elche… Tous ces clubs ont un point commun : ils sont mêlés à des affaires de corruption chiffrées à plusieurs millions d’euros. Cet enchaînement d’épisodes médiatiques et judiciaires pollue le paysage du football espagnol. Une mauvaise publicité pour la Liga qui fait ressurgir une triste réalité. Les arrangements entre amis ne se limitent pas au folklore illustré par le système frauduleux des maletas. La corruption gangrène bien toutes les strates du sport roi outre-Pyrénées. Javier Tebas, le Frederic Thiriez local, en a fait son cheval de bataille : « Le souhait de la LFP est de laver tout le football espagnol » . De belles paroles politiciennes qui ne suffisent pas. Dans les actes, la Ligue s’est attachée depuis l’an dernier les services d’un directeur de l’intégrité. Plus qu’un souhait, la désignation de Manuel Quintanar, ancien chef de la lutte contre le dopage, répond à une obligation émanant de la FIFA et l’UEFA pour renforcer la lutte contre la fraude dans le sport espagnol. Selon les dires de l’intéressé dans El Pais, « les organisation criminelles vont toujours avoir l’avantage » . L’optimisme règne.
Dès son intronisation, Manuel Quintanar souhaite sensibiliser les joueurs, « qui sont les victimes plus que des auteurs intéressés » . Dès avril, il parcourt l’Espagne et se rend dans chaque vestiaire des clubs professionnels. Armé d’une cassette à la main, il oblige les joueurs à regarder une vidéo d’une dizaine de minutes. Ce spot est censé persuader les joueurs des méfaits de la corruption et des paris illégaux qui peuvent les mener jusqu’à la case prison. Bref, une méthode en amont qui ne suffit pas. Le mal ne se limite pas aux vestiaires, il prend d’autant plus d’ampleur dans les offices. Pour ce, l’équipe de Quintanar a passé des accords avec les enseignes de paris. « Les maisons de jeux connaissent certains personnages qui font aujourd’hui partie des équipes de direction ou techniques » , confirme-t-il. Avec un budget annuel d’un million d’euros, sa commission entreprend de travailler conjointement avec la police. « J’ai remis au directeur général de la police et à son adjoint une requête pour créer un groupe spécialisé dans ce domaine, poursuit-il. Ils doivent l’étudier. » L’attente perdure.
L’hôpital, la charité, Tebas
Avec toute la bonne volonté du monde, Manuel Quintanar ne dispose pas de l’arsenal juridique suffisant. Par exemple, il n’est pas interdit aux joueurs de parier sur leurs propres matchs. Le souhait du directeur de l’intégrité est d’armer LFP et RFEF d’un règlement plus sévère. Une volonté qui se heurte à son patron, Javier Tebas. Aux commandes de la Ligue depuis avril 2013, il est également avocat de formation. Sous cette casquette, il défend ainsi le tennisman Guillermo Olaso, accusé de ne pas avoir dénoncer l’arrangement d’un match. Pour Manuel Quintanar, rien à signaler : « Je n’y vois aucune incompatibilité » . Concernant les conflits d’intérêts, le président de la LFP n’en est pas à son premier soubresaut. En compagnie de Jaume Roures, président de Mediapro, il possède une société de consulting pour développer les activités de ses clients. Bref, difficile dans un tel contexte de lutter contre la corruption et les arrangements illégaux. Qui plus est, le football n’est pas la seule victime de ces pratiques en Espagne. Mercredi, à Elche, la police a ainsi perquisitionné le siège du Parti populaire local, soupçonné de détournement de fonds.
Par Robin Delorme, à Madrid