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« Correa ne nous a jamais demandé de jouer défensif »
Patron de l'entrejeu de l'AS Nancy-Lorraine, Benoît Pedretti retrouve ce soir l'un de ses terrains de jeu préféré, celui de l'Abbé-Deschamps, où il a connu les joies de la C1. Aux deux tiers du championnat, celui qui ne fait pas tellement ses 35 ans a bien voulu faire le point sur l'opération reconquête des pensionnaires de Marcel-Picot, mais aussi sur Pablo Correa, les terrains synthétiques et le FC Sochaux-Montbéliard.
Benoît, en août dernier, tu avais indiqué à So Foot que huit équipes se disputeraient la montée en L1. Aujourd’hui, Auxerre, 8e, chez qui vous vous déplacez pour la 26e journée, n’est qu’à cinq points de la troisième place… Tu as une boule de cristal en fait ? (Rires) Non, j’ai juste pensé aux équipes du haut de tableau, qui ont un nom et le niveau pour jouer la montée, tout simplement. Je n’aurais peut-être pas parié sur le Red Star en début de saison, mais plutôt sur le Paris FC, qui avait fait un recrutement beaucoup plus large. Mais toutes les équipes qui sont là à deux tiers du championnat vont se battre jusqu’à la fin, c’est certain.
Dans ces huit-là, certaines formations te font-elles plus forte impression que d’autres ?Non, on ne craint personne. Je pense que Dijon est la mieux armée de toutes ces équipes. Après, on va se battre pour les deux places restantes que vont se disputer les sept autres équipes. Et on fera tout pour être dans les deux.
Revenir à Auxerre, vendredi, avec qui tu t’es bien refait la cerise après tes saisons marseillaises et lyonnaises, ça a un goût particulier pour toi ?Oui, ça fait toujours plaisir, c’est bien de revoir les gens du club qui sont toujours là, les supporters aussi. Ces cinq années là-bas se sont super bien passées, donc je suis heureux d’y revenir. J’ai toujours un peu de contacts sur place, que ce soit dans le foot ou en dehors, donc c’est toujours plaisant de les revoir, de passer du temps avec eux.
Ces années auxerroises, avec la Ligue des champions ou la Ligue Europa, le capitanat, une relation privilégiée avec Jelen, est-ce plus fort que ce que tu as connu à tes débuts à Sochaux ?Ah, ce n’est pas pareil. C’est vrai qu’à Sochaux, mon club formateur, on était pas mal de jeunes sortis du centre ensemble, donc ça avait une saveur particulière. À Auxerre, la 3e place (en 2009-2010, derrière l’OM et l’OL, ndlr), c’est le plus bel exploit sportif que j’ai connu : on n’était pas programmé pour ça et on a joué à un très haut niveau, avec une grande force collective, ce qui fait que ça s’est très bien passé.
Auxerre est l’une des trois équipes à vous avoir battu cette saison… Crains-tu cette formation ?Non pas particulièrement, on sait qu’à l’aller, on avait fait un match moyen, eux avaient marqué sur leur seule grosse occasion. Donc non, il n’y a pas de crainte particulière, même si ça reste une bonne équipe, qui revient bien et a de la qualité offensivement.
De ton côté, qu’est-ce qui prédomine en ce moment comme sentiment : le fait que vous ayez une certaine marge d’avance sur la meute avec Dijon ou que vous ayez du mal à enchaîner en 2016 (2V, 3N, 1D) ?Ni l’un ni l’autre, on fait notre championnat, on sait qu’il nous reste le dernier tiers du championnat à faire. Si on regarde nos résultats sur la phase aller et la phase retour, on est à peu près dans le même tempo, on a pris trois points de moins seulement pour le moment, donc on a grosso modo le même parcours. Là, le seul souci qu’on a, c’est le nombre de blessés ou la météo compliquée sur Nancy. On ne s’est pas entraîné sur l’herbe depuis au moins un mois. C’est un peu plus difficile en ce moment…
Justement, le fait de s’entraîner en permanence sur du synthétique, l’organisme le sent passer ?Oui, sur les articulations, ça devient plus raide. Et ça explique sans doute en partie le nombre de blessures qu’on accumule depuis deux ou trois semaines. C’est plus dur de travailler, de récupérer et on le paye en match et avec les blessures.
Vous occupez une place sur le podium depuis la 10e journée. Tu vas sûrement jouer la carte de la modestie, mais honnêtement, tu te vois en être délogé avec tes coéquipiers d’ici la 38e journée ? On vous sent armés… Oui, je pense qu’on a une bonne équipe, on produit du football, on prend beaucoup de plaisir sur le terrain et on espère vraiment rester sur ce podium jusqu’à la fin de l’année. Mais voilà, comme on dit souvent, en football, tout va très vite, et six points, ça peut être vite rattrapé. Il ne faut pas se relâcher, continuer à bosser, aller chercher des points à l’extérieur et gagner à domicile. Mais la route est encore longue.
Vu le chemin déjà accompli, ça serait quand même une déception que de ne pas être dans le bon wagon en fin de saison…Ah oui complètement, ça serait dur de ne pas atteindre notre objectif en ayant passé autant de temps sur le podium, en produisant du jeu comme on le fait tous les week-ends. Maintenant, le foot reste particulier. On fait un super match contre Metz (2-2), mais on ne ramène qu’un point… Il faut continuer à travailler, on récupérera le gros de notre effectif d’ici deux à trois semaines, donc d’ici là, il faudra limiter les dégâts.
Entre votre coach, N’Dy Assembé, Chrétien, Diakhaté, Muratori, Hadji ou toi, vous êtes un certain nombre à cumuler pas mal de saisons en L1. Ça aide par rapport à la concurrence ?Par rapport à la concurrence, je ne sais pas, mais dans le vestiaire, on est assez sereins. Même après nos performances un peu moyennes, on est restés tranquilles, parce qu’on sait qu’il y a de la qualité dans le groupe, qu’on bosse bien, et on savait à un moment donné qu’il y aurait une période plus difficile. Donc on garde notre calme, on tâche de rassurer tout le monde et de se concentrer sur les matchs qui arrivent, pas sur ceux qui sont passés.
Parle-nous un peu de la méthode Correa, et de sa particularité, par rapport à tous les coachs que tu as pu connaître…Il est assez sympa avec les anciens, il nous laisse une grande liberté, nous gérer au quotidien à l’entraînement. Si on a besoin de souffler, il est ouvert au dialogue, donc on peut en discuter, il est vraiment sympa. Avec les plus jeunes, il est plus attentif à ce qui se passe sur ou en dehors du terrain. Et puis c’est un ancien joueur, donc on sent qu’il aime la gagne, il met en place beaucoup de jeu à l’entraînement où c’est important de gagner… Beaucoup de jeu, beaucoup d’enthousiasme et de générosité, c’est un peu ça, sa méthode.
Il y a quelques années, on lui accolait volontiers l’image d’entraîneur résolument défensif, toujours tourné vers le contre avec Nancy. Qu’est-ce que tu en penses maintenant que tu le côtoies ?Non, en tout cas, il n’a jamais demandé aux latéraux de ne pas dépasser le milieu de terrain, il n’a jamais demandé à l’équipe de jouer défensif, et on le prouve cette année. Après, je pense qu’il fait selon l’équipe qu’il a à disposition. S’il a des joueurs forts défensivement, peut-être qu’il va insister là-dessus. Mais de notre côté, les attaquants peuvent aller où ils veulent. Au milieu de terrain, on profite aussi d’une grande liberté. Peut-être qu’il a vraiment changé, mais je pense surtout qu’il s’adapte au groupe qu’il entraîne.
De ton côté, tu nous avais indiqué que tu continuerais la saison prochaine si tu arrivais à enchaîner les matchs, si les blessures t’épargnaient. Pour le moment, j’imagine que tu touches du bois…C’est ça, ça se passe plutôt pas mal de ce côté-là, pour le moment. On verra en fin de saison ce qu’il en sera pour prolonger.
Est-ce que le poids des années se fait ressentir dans les efforts à fournir, la récupération, etc ?C’est un peu plus raide avec des matchs tous les trois jours, c’est aussi pour ça que le coach me gère. Il est rare que je fasse les trois matchs dans la même semaine. C’est comme ça que j’arrive à tenir aussi, en ne poussant pas l’organisme au bord de la rupture. J’ai vu que jusqu’à la fin de saison, il n’y aurait plus de match en semaine, donc c’est plutôt bien pour moi.
Les observateurs de la L2 vantent ta qualité de passe, ta lecture du jeu ou l’apaisement que tu insuffles dans les lignes nancéiennes. Si tu devais faire ton autocritique sur la saison en cours, ça donnerait quoi ?Pour le moment, c’est plutôt pas mal. Après, ces observateurs sont bien gentils, mais personne n’a misé sur moi à l’intersaison. Je ne le vois pas comme une revanche, je savais de quoi j’étais capable, mais cet été, aucun ne pensait que j’y arriverais. Après, sur ce que je fais, j’ai la chance d’être dans une équipe qui joue au ballon, qui relance de derrière, où on touche beaucoup de ballons au milieu de terrain, où les attaquants font beaucoup d’appels, donc c’est sûr que ma qualité de passe est d’autant plus mise en avant.
Maintenant que tu as du recul sur la vie du club, le fonctionnement, que tu connais les personnes qui font ce club au quotidien, tu te verrais bien finir ta carrière à Nancy ?Oula… Je ne sais pas, ça ne dépend pas que de moi, déjà. On verra en fin de saison avec le coach et les dirigeants, mais pour le moment, on a déjà un objectif à remplir, et le plus important, c’est déjà de bien finir cette saison.
On parlait de tes années sochaliennes tout à l’heure. Ça te fait de la peine de voir ton club formateur dans le dur en L2 ?Ça me fait de la peine pour les gens que je connais et qui sont encore là-bas. Après, il fallait s’y attendre avec le changement de propriétaire cet été, qui allait prendre un peu de temps à prendre forme. Ils sont un peu dans le dur, mais ils ont l’effectif pour s’en sortir et un entraîneur de qualité, avec Albert Cartier, qui est un meneur d’hommes qui ne va rien lâcher jusqu’au bout. J’espère que le club va s’en sortir cette année et jouera les premiers rôles l’an prochain.
Dans ce contexte, le Sochaux-Nancy de la 35e journée pourrait être fort en émotion pour toi… Après, sur le plan émotionnel, ce n’est plus trop ça. Quand je reviens à Sochaux, je ne suis pas super bien accueilli par les supporters, et encore, je suis gentil. Cet été, j’avais proposé mes services, on m’a refusé. Donc émotionnellement, il n’y a plus grand-chose. Si on a besoin d’un ou trois points pour monter à ce moment-là, je n’aurai aucun scrupule à le faire, même contre Sochaux.
Propos recueillis par Arnaud Clément