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Correa, la fin du cirque
Victime des mauvais résultats de l'ASNL en ce début de saison de L2, Pablo Correa a été suspendu et remplacé par Vincent Hognon. Décision logique, mais déchirante pour les Rouge et Blanc, tant le coach uruguayen a marqué l’histoire de son club, focalisant au passage sur sa personne les pires moqueries du football français.
Quelle image garder du parcours de Pablo Correa avec Nancy ? On a si souvent moqué son style de jeu défensif, son embonpoint et ses joggings, qu’il est dur de peindre aujourd’hui un portrait positif de l’enfant de Montevideo, et ce malgré une carrière aux statistiques honorables. Marronnier de la blague footballistique, usée jusqu’à la corde, éculée d’abord sur les plateaux TV quand la France du foot s’intéressait encore à l’ASNL, puis par quelques twittos cherchant la vanne facile depuis que le club de Platoche est tombé dans l’oubli. Qu’il était bon de se moquer de ce petit coach dans ce petit club, avec des petits joueurs, un petit stade et des petits résultats. La tactique de Correa est vue comme moche et défensive, elle en devient même proverbiale.
Le mal aimé
Dans le fond, il est sans doute normal de se moquer de cet éternel énervé, ni charmant, ni bankable. Paradoxal pourtant, à cette époque où les entraîneurs français sont dénigrés et où les tacticiens étrangers ont la cote. Pas suffisant, sans doute, d’avoir été nommé deux fois de suite meilleur entraîneur français de l’année (1). Pas sérieux, ce petit gros têtu qui court à perdre haleine au stade de France un soir d’avril 2006. Aucune tendresse pour lui et son équipe sauvée du National deux ans plus tôt. À vite oublier, cet ancien joueur moyen de D2 biberonné aux valeurs uruguayennes du Nacional Montevideo et du Peñarol – le résultat avant tout, quelle que soit la manière et à n’importe quel prix –, caricaturé pour son « Si tu veux du spectacle, va au cirque. » Trop dur à comprendre dans ce pays où la main de Thierry Henry fait scandale, alors que celle de Suárez est un monument en Uruguay. On est bien loin du cerveau de Guardiola, de la classe d’Ancelotti, ou de la chicha de Pascal Dupraz. Correa, c’était une sorte d’anti Bielsa, démodé avant même de commencer sa carrière, construite sans arrière-pensée, sans plan et sans tactique. Comme pour composer ses équipes, ricaneront certains ? La vanne est bonne.
Pourquoi c’est triste?
Son parcours de coach (2) avec Nancy étant désormais terminé, on peut dresser un petit bilan. Correa partage avec d’illustres noms – comme Guardiola au Barça, Sacchi avec Milan ou Zidane au Real – un point commun, toutes proportions gardées : il est le meilleur entraîneur de l’histoire de son club. Pas rien, même si c’est de Nancy que l’on parle, un club dont tout le monde se fout. Mais à une époque où le football va plus vite, tant sur le terrain que sur les bancs de touche chauffés, qui peut se vanter d’un tel exploit ? Même dans un club pourlingue de division inférieure ? Correa à Nancy, c’était un des derniers vestiges d’un autre football, celui de la parole donnée, pas seulement sous seing privé. Ces années où on intégrait un club comme on entre dans une nouvelle famille, et duquel on ne partait pas. Pas seulement par fidélité, non, ne soyons pas naïfs : à moins d’être un crack, on n’avait surtout presque jamais l’opportunité d’aller voir ailleurs.
Empathie pour Jourdren, un autre petit gros moqué par tout le monde.
Correa qui quitte le banc de Nancy, c’est la fin d’une vieille habitude. C’est un clou de plus dans le cercueil du foot VHS, coincé entre la mort de Loulou Nicollin et le futur départ en retraite d’Arsène Wenger. Correa qui s’en va, c’est la satisfaction de tous ces esthètes qui aimaient le tailler, lui et son club. Qu’ils en profitent, alors, car ce têtu de Pablo reviendra peut-être un jour.
Par Gilles FRANÇOIS
1 : En 2006 puis 2007. Il est le seul coach à avoir gagné ce titre deux fois de suite avec... Rudi Garcia. Un signe ?
2 : il reste néanmoins au club pour occuper un poste à définir, probablement à la direction sportive.