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Corentin Tolisso : « On peut avoir quoi de plus que le Bayern ? »
Depuis août, Corentin Tolisso a changé d'univers en rejoignant le Bayern Munich. Un club où il doit encore écrire son histoire, mais dans lequel il a réussi à se faire une place. Rencontre en Bavière.
Plusieurs centaines de personnes se sont massées au bord du terrain d’entraînement du Bayern Munich pour un entraînement dominical de fin d’hiver. Un « International Sunday » que le mastodonte allemand organise régulièrement pour garder le contact avec son public, de tous horizons. La mécanique est simple : les joueurs non titulaires du match de la veille font un mini-show sur la pelouse, quitte à se mettre en scène dans des situations humoristiques où Thomas Müller excelle, puis l’intégralité de l’effectif se prête pendant une bonne vingtaine de minutes au jeu des autographes. Ce n’est pas la demande qui manque, à l’image d’une jeune femme mexicaine qui implore James Rodríguez de s’intéresser à elle. De son côté, le coach Jupp Heynckes montre l’exemple en fendant la foule pour enchaîner les selfies avec les fans du Bayern. Il sera là encore près de trente minutes après la fin de l’entraînement. Corentin Tolisso dans tout cela ? Il fait le job, comme tout le monde, même s’il était exempté d’entraînement car titulaire la veille. Stephan, un supporter venu de Cologne, jauge la cote de popularité du Français : « Les gens le connaissent bien désormais, il est intégré, fait les efforts. Mais ce n’est pas encore une figure comme peuvent l’être Ribéry ou Lewandowski. Ils ont gagné quelque chose et marqué l’histoire. Mais bon, il peut devenir leur égal, à condition de participer à une grosse victoire. » Cela tombe bien, l’ancien Lyonnais a choisi le Bayern pour aller chercher des titres majeurs.
Les entraînements du dimanche avec autant de personnes, peut-être 300 ce matin, tu avais connu ça à Lyon ?Ouais, pendant les vacances, il pouvait y avoir du monde qui se déplaçait. Les gens étaient plus disponibles. C’est vrai que le Bayern, malgré son envergure, a un côté très familial qui se retrouve dans les entraînements ouverts au public. Le centre d’entraînement est au milieu d’une zone résidentielle, il y a toutes sortes de personnes, des plus jeunes aux plus âgés, de jeunes adultes. Cette atmosphère s’explique par le fait que les gens restent longtemps dans ce club. Quand on voit les joueurs actuels, beaucoup parmi les joueurs importants sont là depuis un bon moment. Dans ce cas, ils créent des liens privilégiés. Ils ont fait énormément de choses : jouer tous les week-ends, enchaîner les mises au vert, gagner des titres… Cela crée des liens, un esprit familial avec le public. Même le coach et son adjoint, qui viennent de revenir, sont des anciens du club. Cela donne tout simplement une atmosphère de famille, c’est le terme.
On t’a briefé sur cet aspect avant que tu signes ? Sur le fait que tu devais donner de ton temps ?Ouais, après, ce sont des choses logiques, je le comprends. On est au Bayern Munich, certains supporters viennent des quatre coins du monde pour voir certains joueurs. Ils sont 300, si à la fin de l’entraînement tu vas les voir, c’est quoi ? Donner quinze-vingt minutes de sa journée pour faire plaisir aux supporters, ça ne coûte rien. Cette relation entre l’équipe et son public, c’est ce qui explique l’importance du club aujourd’hui.
Tu te souviens de ton premier jour ici ?L’entraînement avait lieu l’après-midi, j’avais participé à une conférence de presse avec le président pour me présenter. Avec des questions en français bien sûr. Puis j’ai participé à l’entraînement. On était sept-huit à reprendre en même temps, on s’est entraîné à part. J’ai fait un premier entraînement relâché, à regarder un peu comment cela se passait. Puis je suis retourné à l’hôtel où j’avais mes parents et mon agent. Je n’étais pas nerveux, juste content et impatient de connaître ça, ce niveau, le Bayern Munich, la vie à l’intérieur d’un club comme celui-là. J’avais hâte de vivre ça.
Quel rôle ont joué Kingsley Coman et Franck Ribéry dans ton intégration ?Avec Kingsley, on est un peu de la même génération, même s’il est plus jeune que moi. On est en équipe de France ensemble. Je ne le connaissais pas trop avant d’arriver, mais depuis que je suis là, il m’a beaucoup aidé. Après le départ d’Ancelotti et Sagnol, Jupp Heynckes est arrivé et ne s’exprimait qu’en allemand. Kingsley m’a bien aidé à le comprendre à ce moment-là ! C’était important que Kingsley soit là.
Tu as mentionné le départ d’Ancelotti et Sagnol. Cela a été dur pour toi humainement ?Jupp Heynckes m’a parlé avec Kingsley au tout début. Il nous a expliqué comment cela allait se passer, comment il dirigeait et comment il voyait les choses avec nous. Après, c’est sûr que quand tu viens dans un club et que l’entraîneur qui t’a fait venir est remercié, tu te poses des questions. « Comment cela va se passer ? Est-ce que le nouvel entraîneur va m’aimer ? Est-ce qu’il va apprécier mon jeu ? » Comme tout le monde, il fallait que je fasse mes preuves, que je montre que j’étais capable de faire de bonnes choses. Au début, c’était compliqué, mais avec le temps, il m’a fait confiance. C’était à moi aussi de montrer quand j’étais sur le terrain. Montrer qu’il pouvait compter sur moi.
Il t’a rassuré ou simplement donné les règles ?Il m’a dit qu’il m’avait vu jouer, qu’il savait qu’il pouvait compter sur moi, qu’il y avait beaucoup de joueurs à mon poste et qu’il fallait être à fond à tous les entraînements et que les meilleurs joueraient.
Ancelotti est connu pour son approche très humaine. Qu’est-ce qui a changé avec Heynckes ?Ce sont deux entraîneurs qui parlent beaucoup avec leurs joueurs. C’est sûr que c’était plus simple de communiquer directement avec Ancelotti, qui parle français et avec qui je pouvais aussi utiliser l’anglais. Avec le nouveau coach, c’est plus compliqué de communiquer, même si ces derniers temps, on a échangé avec l’aide d’un traducteur. Il me parle parfois en allemand sans que j’ai de traducteur, cela me force à tenter de comprendre. Je ne comprends pas tout ce qu’il me dit, mais je perçois les grandes lignes. De toute façon, il faut que je continue à apprendre la langue.
Il te parle de quoi ?Quand je joue, il me dit ce qui a été bien, ce qui ne l’a pas été. Il m’encourage à continuer à me donner à fond à l’entraînement. Il me dit de participer au jeu, de faire jouer les autres et aussi d’exploiter mon potentiel devant le but. Il me demande d’accompagner les actions si le latéral côté opposé monte, que je me projette vers l’avant et sois à la finition. Il sait que je suis capable d’être efficace dans la surface.
On t’encourage aussi à tenter ta chance de loin ?Oui, ça vient naturellement. Cela dépend des situations, comment tu reçois la balle, comment tu la contrôles. Mais c’est clair qu’au Bayern, si je suis dans une situation où je peux frapper, je dois frapper.
Sur ces cinq-six premiers mois, il y a des joueurs qui t’ont impressionné plus que d’autres ?Il y a beaucoup de grands joueurs, beaucoup qui ont gagné la Ligue des champions en 2013 et d’autres qui ont été champions du monde en 2014 aussi. Quand tu arrives dans une équipe comme ça, tu sais que même à l’entraînement, tu ne peux que progresser. Ils ont gagné la Ligue des champions, la Coupe du monde, cinq ou six championnats d’Allemagne, mais même sur un tennis-ballon, ils ne lâchent pas l’affaire.
Le Bayern Munich est l’un des plus gros clubs du monde. Tu te vois y rester longtemps, voire ne pas bouger comme Franck Ribéry ?L’objectif, c’est ça ! Les meilleurs joueurs sont ceux qui s’imposent et durent dans un club. Quand tu t’imposes au Bayern, tu veux aller où après ? Si tu réussis au Bayern, tu peux éventuellement aller au Real Madrid. Si tu réussis au Real Madrid aussi, tu ne peux qu’aller dans un club comme le Bayern. Pour moi, les trois plus grands clubs sont le Bayern, le Real Madrid et le FC Barcelone. Je suis content d’avoir signé dans ce qui est pour moi le plus grand club du monde.
Avant d’entrer en négociations avec le Bayern, tu connaissais quoi de ce club ?Je savais qu’ici, quand tu commences une compétition, c’est pour la gagner. Tu réussis ici, tu réussis une carrière. Franck Ribéry a réussi ici et c’est pour ça qu’il fait partie des meilleurs ailiers du foot moderne. Il a marqué son époque, son temps, comme Robben, comme Lewandowski, comme Müller. Tous ces joueurs ont réussi ici et ne sont pas partis parce qu’à un moment, c’est évident qu’on est dans un grand club qui se bat chaque année pour gagner la Ligue des champions. On peut avoir quoi de plus ?
Par Nicolas Jucha, à Munich