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Coquelin, l’empire du milieu
Plus de six ans après son arrivée à Arsenal, Francis Coquelin semble enfin en passe de devenir le métronome du jeu des Gunners. L'ancien Lavallois, revenu en express d'un prêt à Charlton pour compenser une infirmerie pleine à ras bord, récolte enfin les fruits d'un parcours sinueux et marqué par une réputation de joueur sanguin. Portrait d'un assagi arrivé à maturité.
L’image a fait le tour des médias britanniques, quelques minutes après la brillante victoire d’Arsenal sur la pelouse de l’Etihad Stadium dimanche dernier (2-0). Manchester City vient alors de s’incliner à domicile face à des Gunners revigorés depuis plusieurs semaines et portés par une troisième victoire de rang. Sur les chaînes de télévision, l’image reprise pour évoquer cette rencontre est celle de Francis Coquelin, peu avant la mi-temps, qui harangue ses partenaires avec un visage à deux doigts d’une mutation sortie d’un Marvel. Arsène Wenger a, de son côté, la banane sur son banc. Le manager français sait que son joueur vient une nouvelle fois de sortir une prestation de haute volée. Une copie parfaite qui a poussé le club londonien a offrir un nouveau contrat au jeune Français cette semaine, lui qui est lié à Arsenal jusqu’en juin prochain pour le moment. Francis Coquelin est aujourd’hui à l’heure des choix, pour ne plus laisser courir son avenir sans lui.
« À 13 ans, il avait un léger surpoids »
« C’était un gamin discret, mais une fois sur le terrain, il n’avait pas besoin de parler. Il était déjà au-dessus du lot, il avait une qualité de passes énorme. Même s’il était un petit peu en surpoids, il compensait par des transversales de 25-30 mètres à 13 ans. Et au-delà de la technique, c’était déjà un chien une fois les pieds sur la pelouse… » Lorsqu’il se rappelle les souvenirs accumulés aux côtés de Francis Coquelin, Philippe Macé a la voix d’un nostalgique. Le vice-président de l’AS Bourny, un quartier de Laval où le jeune Francis a débuté le football à l’âge de sept ans, est même un brin admirateur. Il confesse avoir vu de sa rambarde « un très bon jeune, de là à ce qu’il devienne professionnel… » La Mayenne tient aujourd’hui sa fierté. L’origine d’un gosse devenu titulaire à Arsenal après avoir arpenté les pelouses de la région à Bourny dans un premier temps (2000-2005), avant de suivre son entraîneur de l’époque, Régis Buron, au Stade lavallois, épicentre des talents du département. Lorsqu’il débarque chez les Tangos, le jeune Coquelin n’a alors que 14 ans, mais traîne déjà derrière lui une solide réputation. Régis Buron l’emmène alors tous les matins à l’entraînement, le fait bosser (durement) et tente de polir ce qu’il tient de précieux entre les mains.
Le gamin grandit et est régulièrement convoqué dans la sélection de la Ligue du Maine. Jusqu’à un tournoi inter-ligues à Clairefontaine où Coquelin va éclabousser la compétition. Si son équipe termine douzième sur 18, le milieu relayeur impressionne, et les recruteurs présents s’empressent de noter son nom. La France du football s’intéresse alors à la pépite. Laval, qui avait déjà connu le départ de Djimi Traoré pour Liverpool en 1999, assiste impuissant au départ de Francis Coquelin pour l’Angleterre, vers Arsenal, cette fois. Le déclic intervient en 2008, grâce au flair d’un ancien Gunner. Recruteur en France pour Arsenal, Gilles Grimandi flashe sur l’adolescent et lui offre un essai à Shenley, le centre d’entraînement des Londoniens. Quelques jours au cours desquels Coquelin va convaincre le staff malgré une blessure qui lui fera alors manquer l’Euro avec l’équipe de France des moins de 17 ans. Qu’importe, le Mayennais signe chez les Gunners. Laval voit alors s’envoler un nouveau talent. Arsenal s’offre, lui, un roc.
Une sentinelle à canaliser
Arsène Wenger prend rapidement conscience du talent qu’il vient d’acquérir. Le manager français va, dès lors, appliquer un code de conduite à son jeune compatriote. La patience sera son credo, et l’Alsacien, très critiqué pour sa gestion du cas Coquelin, l’utilise par bribes. Dans des moments cruciaux, comme lorsqu’il l’aligne devant la défense, aux côtés d’Alexandre Song à West Bromwich lors de la dernière rencontre de la saison 2011-12. Arsenal doit alors s’imposer impérativement pour valider son billet pour la Ligue des champions. La copie rendue sera sans faute, propre, et les Gunners s’imposeront (3-2) pour la dernière de Robin van Persie avant son départ pour Manchester United. Crucial, et parfois cruel, comme lorsque Wenger le lance pour une première en Premier League à Old Trafford en août 2011. Cadeau empoisonné au beau milieu d’un naufrage (2-8) face à des Red Devils déchaînés. Ce jour-là, Francis Coquelin ressemble à un soldat lancé face à un ennemi trop armé, trop expérimenté. Le Français comprend rapidement que pour progresser, il devra apprendre. Loin de Londres. Wenger le sait aussi.
Lorsqu’il débute à Manchester ce 28 août 2011, Coquelin revient d’un prêt convaincant d’une saison à Lorient sous la coupe de Christian Gourcuff. Argument d’échange pour le transfert de Laurent Koscielny chez les Gunners à l’été 2010, le milieu débarque en Bretagne bourré d’ambitions. S’il n’a que 18 ans, sa réputation est déjà faite. Le jeune Francis vient alors de remporter le championnat d’Europe des moins de 19 ans en France aux côtés d’Alexandre Lacazette, Antoine Griezmann ou encore Clément Grenier. Gilles Sunu, partenaire de Coquelin à Lorient et lui aussi formé à Arsenal, se souvient alors d’un « leader naturel, un meneur du groupe. Lorsqu’il est arrivé à Lorient, il était très jeune, mais l’entraîneur lui accordait une grande confiance. Je pense qu’il a franchi un palier chez nous et dès qu’il a eu l’occasion de jouer, il a été très bon. Sa force était sa polyvalence » . Milieu récupérateur de formation, Francis Coquelin disputera 25 rencontres chez les Merlus, le plus souvent sur le côté droit.
Un poste qu’il retrouve lors de son prêt en Allemagne la saison dernière. À Fribourg, le Français est de nouveau souvent aligné sur l’aile. « À l’entraînement pourtant, je pense que c’était l’un des meilleurs six avec lesquels j’ai eu l’occasion de jouer. Francis avait cette capacité de poser le ballon, d’organiser le jeu et de mettre les coups quand il fallait » , témoigne Jonathan Schmid, l’un de ses anciens partenaires chez les Breisgau-Brasilianer. Son aventure allemande tournera pourtant rapidement à la remise en cause d’un jeu réputé très dur comme lorsqu’il recevra deux cartons jaunes en 90 secondes à Hoffenheim quelques semaines après son arrivée. Si sur le plan sportif, le passage sportif à Fribourg ne représente pas un tournant pour la carrière du Français (Bild le classe parmi les plus grandes erreurs de transfert de la saison), l’expérience le fera grandir. Dans son jeu comme dans son approche du haut niveau. Le Ninja, son surnom dans les sélections de jeunes, doit maintenant apprendre à maîtriser sa fougue.
Quand Wenger dessine son système pour un homme
Cet été, Francis Coquelin est donc revenu à Londres avec de l’expérience sous la semelle. Le Frenchie retrouve un club qui semble enfin lui accorder de la confiance. Son passé chez les Gunners, fait jusque-là d’apparitions remarquées en League Cup, de prestations convaincantes en championnat et de bonnes impressions entrevues, est rangé derrière lui. Le gamin devenu homme souhaite avancer. Il bosse alors plus dur, plus sérieusement et travaille sur son comportement. Il axe son jeu sur la récupération, sans faute, et s’arme pour résister au combat de la Premier League. Pour s’imposer. Après quelques bouts de matchs en préparation, Arsène Wenger décide d’envoyer son joueur en prêt à Charlton en novembre pour terminer son apprentissage. Parti chez les Addicks, Francis Coquelin est rappelé le 12 décembre avec cinq petites rencontres dans les jambes en Championship suite aux blessures de Ramsey, Arteta, Diaby, Rosický, Özil et Jack Wilshere. Un retour par défaut, qui va devenir en quelques semaines une éclosion non programmée.
Si bien qu’un mois et demi après son retour à Arsenal, Coquelin est aujourd’hui devenu le patron du milieu des Gunners. Titulaire indiscutable depuis cinq rencontres au cœur du jeu, le Français casse les lignes, brise les attaques de l’adversaire et régule avec maturité le rythme des siens. Apothéose d’un come-back réussi, le numéro 34 a rayonné dimanche dernier sur la pelouse de l’Etihad Stadium lors de la victoire à Manchester City (2-0). Au point qu’Arsène Wenger a modifié son système à deux récupérateurs pour offrir plus de liberté à son nouveau chef dans un 4-1-4-1 en sentinelle, seul, devant la défense. Et les statistiques parlent pour le Français. En sept apparitions depuis décembre, Francis Coquelin est devenu le milieu défensif le plus performant de Premier League devant Matić (Chelsea) en terme de récupération de balles et de duels aériens remportés, du haut de son mètre soixante-dix-huit. Arsenal a enfin trouvé une réponse à ses problèmes de transitions, et les doutes entourant les réelles capacités d’intégration du gamin de Laval sont évaporés. À Londres, une seule question sème désormais le trouble. Coquelin prolongera-t-il son bail chez les Gunners ? Si le Français entretient le flou, la Premier League prépare sa cour pour un néo-taulier qui sera libre en juin prochain. La loi du Coq.
Par Maxime Brigand