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Conte, la faille du nombre ?
S’il a fait de son Chelsea une machine bien huilée, Antonio Conte se retrouve en difficulté dès qu’il doit composer avec des absences de marque. Normal : l’entraîneur ne compte que sur treize joueurs depuis le début de la saison. Inquiétant ?
« Nous n’avons pas fait un bon match et Manchester a mérité de gagner. Nous n’avons pas montré assez d’envie, pas assez d’ambition et pas assez de motivation. C’est assez simple. Mais, dans ce cas, c’est la faute du coach. Car le coach n’a pas été capable d’insuffler la bonne concentration et la motivation nécessaire chez ses joueurs pour remporter ce type de match. » À l’heure d’expliquer la défaite logique de ses hommes à Manchester United, Antonio Conte vise juste en conférence de presse. Sauf qu’il passe sous silence un détail. Oui, cet échec est en partie de sa faute. Oui, son équipe n’a pas offert suffisamment pour faire mieux. Mais l’Italien ne parle pas des absents. Et, par ricochet, oublie de se justifier sur un point qui commence à faire flipper les habitués de Stamford Bridge : le groupe ultra limité en quantité sur lequel compte le technicien.
À Old Trafford, les Blues se sont par exemple retrouvés dans l’obligation de faire sans Thibaut Courtois, blessé à la cheville en participant à un spot pour la NBA (!), et sans Marcos Alonso, qui a déclaré forfait lors de l’échauffement. Résultat : dans les cages, Asmir Begović n’a absolument pas proposé le même rendement que le titulaire habituel, et le changement de poste de César Azpilicueta (de la défense centrale droite au couloir gauche) pour laisser la place à Kurt Zouma en charnière a totalement déstabilisé l’organisation londonienne. Un scénario déjà observé lorsque Victor Moses n’avait pu être aligné contre Crystal Palace (défaite 2-1 à domicile). Et ça, Conte y est pour quelque chose. Parce que le mode de management actuel du tacticien n’anticipe pas vraiment ce genre d’indisponibilité.
Un effectif de treize joueurs
C’est bien simple : cette saison, il n’existe que treize joueurs dans la tête de l’ex-sélectionneur de la Squadra Azzurra. Les onze titulaires + Willian et Cesc Fàbregas. S’il parvient à changer intelligemment de schéma tactique avec ces forces vives (le 3-4-3 peut passer en 4-3-3 en fonction du positionnement de Fàbregas ; Hazard peut dépanner dans un rôle de faux numéro neuf quand Costa n’est pas là), celui qui hait le turn-over et procède systématiquement aux mêmes changements en cours de match ne semble absolument pas faire confiance à son banc.
En témoignent le nombre de minutes disputées par John Terry (cinq matchs de championnat) ou par Michy Batshuayi (moins de deux heures passées sur les terrains de Premier League) et les départs d’Oscar ou de Branislav Ivanović (qui a pourtant commencé la saison dans la peau d’un titulaire) cet hiver. Déjà observée à la Juventus, cette façon de faire n’est pas nouvelle. Elle fait même partie intégrante du style Conte, selon Pedro Kamata, qui a évolué sous ses ordres à Bari (2008-2009) et à Sienne (2010-2011) : « Il utilisait les mêmes méthodes il y a dix ans. Il ne fait quasiment pas tourner, et s’appuie sur un noyau d’une quinzaine de joueurs. Il n’est franchement pas du genre à changer de composition d’une semaine sur l’autre. »
La langue de Conte comme psychologue ?
Dès lors, si les automatismes de l’équipe en deviennent quasi parfaits, le risque de perdre une partie de l’effectif en cours d’année est grand. Sauf que l’ancien joueur de la Juventus, qui a lui-même déjà vécu la situation du remplaçant, sait comment gérer ces cas. « Là où il est fort, c’est qu’il sait te garder sous tension en toutes circonstances. Ceux qui ne jouent pas se sentent concernés quand même. Il arrive très bien à expliquer à chacun son rôle particulier et parvient à te convaincre que tu es un super remplaçant. Que tu es aussi important qu’un titulaire. Il possède un pouvoir psychologique incroyable » , admire Pedro Kamata.
Qui ne s’arrête pas là et continue de défendre les principes de son ancien mentor : « Avec lui, c’est « Ou tout le monde gagne, ou tout le monde perd. Si on gagne, il parlera autant de toi qui as joué une minute que du mec qui en a disputé 90. D’ailleurs, le lundi, lors du débriefing, il mettait vraiment tout le monde à l’honneur. Il avait autant la bonne parole pour les titulaires que pour le gardien remplaçant, qui est pour lui aussi important qu’un mec aligné d’entrée. » OK. Reste donc à prouver lors de cette fin de saison que ses talents d’orateur fonctionnent toujours. Sans oublier que la saison prochaine, Chelsea aura une Ligue des champions en plus à jouer.
Par Florian Cadu