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Conte et Pirlo, les destins mêlés de ce Juventus-Inter
Longtemps capitaine de la Juventus, Antonio Conte était revenu à Turin en 2011 en tant que coach pour redonner à la Vieille Dame de sa superbe. Avec succès. Aujourd'hui, Conte est en train d'en faire de même avec l'Inter, championne d'Italie après dix années sans trophée. Et en cette avant-dernière journée de Serie A, il pourrait bien planter le coup de poignard final à son ancien amour : en venant s'imposer à l'Allianz Stadium, il pourrait tout simplement priver la Juventus de Ligue des champions. Ce Juve-Inter, c'est Game of Thrones.
Le football, comme la vie, est une histoire de cycles. De ritournelles, qui vont, qui viennent. De cercles et de boucles. Le Juventus-Inter de ce samedi symbolise à lui seul tout cela. D’un côté, il y a la Juventus. Une décennie au sommet. Une décennie à régner sans partage sur la Botte, à engloutir tous les titres, ne laissant que des miettes à ses poursuivants (9 Scudetti de suite, 4 Coupes d’Italie, 5 Supercoupes). De l’autre, il y a l’Inter. Une décennie de néant. Aucun trophée depuis la Coupe d’Italie en 2011, dix années à se chercher, à se reconstruire, à changer de direction, à passer de Leonardo à Gasperini, de Stramaccioni à Mazzarri, de Mancini à Frank de Boer. Et puis, cette année, les cercles de deux équipes se sont croisés, se sont touchés, et se sont refermés l’un sur l’autre. Avec deux hommes – allez, trois même – qui avaient été les porte-étendards du renouveau juventino il y a dix ans, et qui ont aujourd’hui changé de costume, modifiant ainsi la trajectoire des destins des deux équipes. Antonio Conte. Andrea Pirlo. Et, le troisième larron de l’ombre, Beppe Marotta.
Conte et Pirlo, le Yin et le Yang
À l’été 2011, après deux saisons moisies terminées à la 7e position, la Juventus décide de passer un grand coup de balais dans son institution. La situation est alors compliquée : le club affiche des pertes de 95 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 172 millions. À la tête du club depuis une année, Andrea Agnelli s’active et, à l’été 2011 donc, l’inauguration du Juventus Stadium et l’augmentation de capital de 120 millions d’euros finissent de parachever la reprise en main financière et sportive du club. Au cœur du nouveau projet : Antonio Conte, légende bianconera (419 matchs toutes compétitions confondues), et Beppe Marotta, ex-directeur sportif de la Samp. Qui, après avoir recruté Andrea Barzagli pour sa première année à Turin, met le turbo au mercato 2011 en recrutant Arturo Vidal, Mirko Vučinić, Stefan Lichtsteiner et Andrea Pirlo. La suite est connue : la Juve boucle cette première saison sans la moindre défaite, et remporte le Scudetto. La série d’invincibilité durera 49 matchs, jusqu’à une défaite le 3 novembre 2012 contre… l’Inter. Tiens tiens.
Symbole de cette Juve retrouvée, alors qu’on le disait cramé à Milan, Andrea Pirlo – désormais barbu, voire christique – illumine le jeu de la Vieille Dame. Quand Conte hurle, court, saute de joie, crie, Pirlo, lui, est toujours imperturbable, imperméable à la pression, stoïque. Le Yin et le yang de cette Juve qui s’apprête donc à régner sur l’Italie pendant une décennie, les bonnes pioches de Marotta permettant au club de se renouveler intelligemment chaque été (Pogba, Tévez, Allegri, Dybala…) Pendant ce temps, l’Inter vit une véritable traversée du désert, après avoir connu l’apogée en 2010 sous José Mourinho. Oui, entre la victoire en Coupe d’Italie en 2011, et le retour en Ligue des champions en 2018, les tifosi vont vivre des heures sombres, des vraies. Comme en cet hiver 2012, où l’Inter va, en l’espace d’un mois, perdre à Lecce (1-0), à Rome (4-0), à Naples (1-0), et à domicile contre Novare (0-1) et Bologne (0-3). Dur.
Conte, le retour au Stadium
Cette décennie est révolue. La Juve ne règne plus et l’Inter est de retour au pouvoir. Mieux encore que toutes les plus belles trahisons dans Game of Throne, l’intrigue nous offre un duo Beppe Marotta-Antonio Conte, ex-capitaines du navire blanc et noir, aux postes stratégiques de l’Inter, et leur ancien protégé, Andrea Pirlo, sur le banc de la Juve. Et voilà qu’en ce samedi 15 mai, la route des trois hommes se croise à nouveau. L’an dernier, Antonio Conte avait fait son premier retour à Turin en tant qu’« ennemi » dans un contexte on ne peut plus particulier. Le championnat italien s’apprêtait à être interrompu, et c’est à huis clos, le 8 mars, à la veille du confinement strict généralisé à tout le pays, que la Juve de Sarri avait battu les Interisti, reprenant par la même occasion sa première place abandonnée à la Lazio la semaine précédente.
Ce coup-ci, le contexte est tout autre. Le huis clos est toujours en vigueur, mais Conte débarque là auréolé d’un titre plus que mérité de champion d’Italie. Surtout, son Inter reste sur 17 matchs sans défaite toutes compétitions confondues, le dernier revers ayant été essuyé le 2 février contre… la Juventus, en demi-finale de Coupe d’Italie. Une double confrontation qui avait souri à Pirlo (1-2, 0-0), aujourd’hui dans l’obligation totale de s’imposer. En effet, si l’Atalanta, le Milan et le Napoli s’imposent (et les trois jouent contre des adversaires qui n’ont plus rien à jouer – seul Cagliari, adversaire du Milan, a besoin d’un point être mathématiquement maintenu), la Juve aura interdiction de perdre contre l’Inter, sous peine d’être mathématiquement éjectée de la prochaine Ligue des champions. À croire que le football, comme la vie, est une histoire de cycles. Mais aussi, et surtout, une histoire de karma.
Par Éric Maggiori