- Euro 2016
- Quarts
- France-Islande, J-3
Conte et Deschamps, les enfants de Marcelo Lippi
Deux sélectionneurs en quart de l'Euro ont joué ensemble dans le même club. Il s'agit de Didier Deschamps et Antonio Conte, dans la mythique Juve des années 90 de Marcello Lippi.
Il y a quelques années, c’était la mode du Barça avec une belle brochette de coachs (Blanc, Mourinho, Guardiola, Luis Enrique et Lopetegui) qui s’étaient côtoyés à quelques années d’intervalle en Catalogne. Dans cet Euro, il y a également deux techniciens qui ont évolué ensemble en tant que joueurs. Deux sur huit, la proportion est moins grande, mais cela mérite tout de même d’être souligné. Parce qu’avec eux sur le terrain, il y avait aussi l’entraîneur qui vient de rafler la dernière Ligue des champions, ce qui n’est quand même pas rien. Parce que les deux techniciens étaient qui plus est associés au milieu de terrain. Et surtout parce que Didier Deschamps et Antonio Conte, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, ont été métamorphosés par cette période. Plus que leur association, ce qui a tout changé, c’est l’homme au-dessus d’eux à cette époque : un certain Marcello Lippi.
Conte furieux d’être repositionné au départ
Quand le technicien au cigare débarque dans le Piémont, Conte est déjà là. Recruté à Lecce par Trapattoni, il se régale chez la Vieille Dame. Mais si Lippi est recruté, c’est pour faire prendre au club une nouvelle dimension, sous l’impulsion de la triade Bettega-Giraudo-Moggi. Du coup, à l’été 94, Conte est convoqué dans le bureau du « Mister » : il va rester au club, mais son poste va évoluer. Il va falloir reculer pour être un milieu de terrain de devoir. Sur le coup, l’international italien prend mal la nouvelle et a un peu envie de taper dans les murs. Mais il prend son mal en patience en voyant le recrutement. Il sera en effet accompagné dans l’entrejeu par deux nouveaux : Didier Deschamps donc, qui arrive de Marseille, et Paulo Sousa, du Sporting Portugal (qui entraîne aujourd’hui la Fiorentina et vient de terminer à la 5e place de Serie A).
Dès la première année, la Juve gagne le Scudetto, une première depuis 1986. Conte se range définitivement du côté de Marcello pour devenir l’un de ses fidèles soldats, tout comme DD, rapidement intégré même s’il n’est pas titulaire à part entière la première saison. Zidane les rejoindra à l’été 96, et les quatre hommes feront de la Juve l’équipe référence de la fin des années 90 en Europe, avec des titres à la pelle et trois finales de Ligue des champions consécutives. La belle histoire s’achève dans les premiers mois de l’année 1999 avec la démission de Lippi dans une bien triste saison post-Mondial.
Trois milieux qui courent et trois joueurs complémentaires devant
Dans les faits, en tant qu’entraîneur, Deschamps a souvent fonctionné comme Lippi. Tactiquement. Une organisation bien claire avec trois milieux de terrain qui courent et trois joueurs qui sont presque en autogestion devant, pourvu qu’ils soient complémentaires. En équipe de France, le 4-3-3 de la Dèche a toujours évolué en fonction du casting, avec Valbuena et aujourd’hui Payet qui revient beaucoup plus dans l’axe que l’autre ailier, à qui l’on demande plus de percussion. À la Juve, Lippi fait évoluer son schéma avec Zidane pour que le Français joue dans l’axe, juste derrière Del Piero et Inzaghi. Lippi, qui a été joueur, a toujours su parler à ses hommes, avec de bonnes vieilles techniques pour les décharger de certaines responsabilités.
À ses débuts, Zidane n’était pas au top physiquement à Turin. Lippi va le voir avant un match de Ligue des champions : « Ce match, tu ne vas pas le jouer, je vais le prendre pour moi. Tout le monde va se demander pourquoi tu ne joues pas, mais toi, tu te concentres juste pour le match de dimanche contre l’Inter où il faudra que tu sois à 100% » , lui dit-il. À la fin, évidemment, Zidane marque contre le principal rival pour le titre, avec une superbe frappe à l’entrée de la surface. Peut-être pas un hasard si c’est l’équipe de Lippi, et pas celle de Domenech, qui gagne aux pénos en finale du Mondial 2006. Peut-être pas un hasard non plus si c’est celle de Zidane qui gagne la Ligue des champions cette saison. La psychologie, et un message qui passe forcément, car le coach, ce n’est pas n’importe qui.
Le respect de la fonction au-dessus de tout
À la Juve, Deschamps et Conte ont vu comment Lippi arrivait à rester à sa place d’entraîneur avec Luciano Moggi au-dessus de lui. En plein arrêt Bosman, ils étaient aux premières loges pour apprendre comment cela se passait en coulisses. Et comment faire avec en tant que coach, comment se montrer ferme par moments pour garder le respect de tous. L’image aussi. Lippi a toujours eu une image de mec sympa, mais à qui l’on n’a pas envie de discuter l’autorité. Deschamps et Conte ont suivi la voie. Le Français n’a pas hésité à se couper les cheveux quand il a su que certains de ses joueurs à l’OM commençaient à le surnommer Bart Simpson avec son gel et ses pics. Si ça se trouve, en cas de victoire à l’Euro, l’un des deux se permettra même de faire péter le cigare. Pour le symbole.
Par Romain Canuti