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Conte à l’Inter, fausse bonne idée ou trouvaille de l’année ?
Sans club depuis son licenciement par Chelsea en juin dernier, Antonio Conte serait en négociations avancées avec l'Inter, pour s’asseoir sur le banc du club lombard la saison prochaine. Voilà qui constituerait un mariage audacieux, entre un homme toujours strictement labellisé Juventus et des Nerazzurri qui veulent s'affirmer comme le premier rival de la Vieille Dame dans les années à venir.
Il y a d’abord ce chiffre, dix, qui ferait actuellement cogiter la direction interista. Dix, comme le montant net, en millions de dollars (environ 9 millions d’euros), que réclamerait Antonio Conte en guise de salaire, pour poser ses valises du côté de Milan. L’Inter, propriété du groupe Suning, dont le chiffre d’affaires dépasse les 50 milliards d’euros, n’est précisément pas un club dans le besoin, mais l’appétit de l’ancien gourou de la Juve n’en reste pas moins conséquent. Alors, l’Inter doit-elle franchir le pas pour offrir un pont d’or à l’ex-manager de Chelsea ? Voilà une drôle de question qui risque d’obséder dans les prochains jours, voire semaines, les tifosi nerazzurri.
Des chiffres et du fric
Quelques chiffres pour débuter. Si Conte signe pour deux saisons à l’Inter comme l’avance la Gazzetta dello Sport, il en coûterait un total de 60 millions de dollars brut au club lombard. Le Mister toucherait de fait 17,5 millions de dollars brut de salaire, pour une rémunération nette de 10 millions de dollars, loin devant Massimiliano Allegri, coach actuellement le mieux rémunéré en Italie avec sept millions de dollars de salaire annuel. Voilà qui est déjà énorme, alors que l’Inter débourserait 35 briques nettes sur deux saisons, pour le seul salaire de son nouveau coach super star. Mais ce n’est pas tout : l’Inter devra aussi verser des indemnités de licenciement à son entraîneur actuel, Luciano Spalletti, dont le contrat le lie en principe avec les Nerazzurri jusqu’en 2021. Bilan évalué de l’opération : 25 millions de dollars. Les zéro défilent, et si le club lombard se décidait à sortir le portefeuille pour attirer Conte, il faudrait nécessairement que les réussites suivent sur le plan sportif.
L’Inter à la croisée des chemins
Justement, sportivement, l’Inter est actuellement dans un entre-deux délicat. Cette saison a accouché de son lot de satisfactions : les Interisti, troisièmes de Serie A, sont bien lancés pour attraper pour la seconde année consécutive une qualification en Ligue des champions, signe qu’après des années de galère, les Lombards retrouvent enfin les hautes sphères de la Serie A. Mais elle a aussi été source de déceptions, à l’image de l’élimination des Nerazzurri en phase de poules de C1, ensuite suivie d’une sortie de route en C3 face à Francfort.
Surtout, elle a démontré que l’Inter restait un club à la gestion parfois approximative : Radja Nainggolan, recrue star du mercato estival, est le fantôme du joueur qu’il était à la Roma et s’est vu sanctionner pour raisons disciplinaires fin décembre. Mauro Icardi, dont la prolongation de contrat se fait toujours attendre, a lui retourné le vestiaire contre lui en entamant un conflit féroce avec sa direction, qui ne semble avoir pris fin que récemment. S’ajoute à tout cela le plan de jeu encore brumeux de Spalletti, qui a su refaire de l’Inter une formation aux bases solides (deuxième défense de Serie A derrière la Juve), mais sans grand éclat sur le plan offensif.
Le grand défi
Dans cette optique, l’arrivée de Conte pourrait bien contribuer à faire passer un nouveau palier à cette Inter, qui semble encore trop frêle pour assumer un bras de fer avec la Juventus, dont l’hégémonie sur la Serie A n’excite plus grand monde à part les tifosi piémontais. Personne n’a oublié que Conte avait fait d’une des Nazionale les plus faibles de l’histoire, celle de l’Euro 2016, l’une des formations les plus enthousiasmantes de la compétition, notamment en s’appuyant sur un 3-5-2 en béton armé et un bloc équipe au fonctionnement millimétré.
Conte, par ailleurs réputé pour ne travailler que dans un cadre taillé à sa mesure, retrouverait aussi en Lombardie son directeur sportif préféré, Giuseppe Marotta. Un vieux compère avec qui il avait refait de la Juve un mastodonte de la Serie A au début des années 2010, en empilant les coups de génie sur le marché des transferts. Un directeur sportif qui semble aussi savoir toujours tirer les bonnes ficelles, en atteste la signature annoncée de Diego Godín à l’Inter, alors que l’Uruguayen est en fin de contrat à l’Atlético de Madrid en juin prochain.
Reste un dernier obstacle, et pas des moindres : Conte, c’est d’abord et surtout 13 saisons comme joueur avec la Juventus, cinq Scudetti, une C1 et une C3 remportés avec les Juventini, le tout gratiné de trois autres Scudetti glanés comme entraîneur des Bianconeri. En bref, un des hommes les plus emblématiques de l’histoire de la Vieille Dame, ni plus ni moins. Nul doute que les tifosi interisti, qui ont fait de la Juve leur ennemi intime, ne se priveraient pas de mitrailler leur nouvel entraîneur à la moindre déception sportive. Même si, Conte, lui, ne fait pas de fixette sur son passé juventino. En 2013, interrogé sur la possibilité d’entraîner dans le futur un des deux clubs de Milan, il déclarait : « Il ne faut jamais dire jamais. Si je devais entraîner le Milan ou l’Inter, je deviendrais leur fan numéro un, comme je l’ai fait quand je suis passé sur le bancs d’Arezzo, Sienne, l’Atalanta et Bari. Je suis avant tout un professionnel. » Un professionnel pour qui refaire de l’Inter un grand d’Italie et d’Europe pourrait bien constituer un formidable défi.
Par Adrien Candau
Tous propos issus de la Gazzetta dello Sport.