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Construction Derby
Pendant des années, les confrontations entre le FC Nantes et le Stade rennais n'ont eu du derby que le nom. Mais alors que les deux clubs nagent enfin dans les mêmes eaux (celles des honnêtes équipes de L1), la chamaillerie de supporters a finalement contaminé les joueurs des deux clubs, ingrédient indispensable de toute bonne rivalité.
Au cœur de la nuit du samedi 28 au dimanche 29 septembre 2013, une poignée de supporters nantais se jouent du service de sécurité du stade de la route de Lorient et dérobent une partie du tifo que s’apprêtaient à déployer les membres du Roazhon Celtic Kop, le principal groupe ultra rennais, face à leurs rivaux et voisins. Le lendemain, une heure avant le coup d’envoi du derby, quelques dizaines de membres du RCK descendent sur la pelouse et se rendent au pied du parcage visiteur pour récupérer leur bien avant d’être refoulés par les stadiers. Résultat des courses : une mise en sommeil en forme d’auto-flagellation pour le RCK et une tripotée de plaintes contre X déposées par le Stade rennais.
Galettes-saucisses
Mais plus que cet incident propre au milieu ultra, ce sont les réactions des joueurs nantais qui surprennent. Loin de condamner le vol, ceux-ci n’ont que louanges à la bouche à l’issue de la rencontre qu’ils viennent de remporter 3-1. « On s’est sentis chez nous » , lance Djordjevic, auteur de l’ouverture du score, alors que Lucas Deaux, fêtant son premier but en Ligue 1, est encore plus enthousiaste : « J’ai mis mon premier but avec le FC Nantes en L1, et en plus contre les galettes-saucisses ! Nos supporters sont vraiment incroyables. Ils sont là tout le temps. Déjà à l’échauffement, il n’y avait rien à voir… Sur Twitter, la semaine dernière, un mec avait tout résumé en disant que le stade de la route de Lorient était le stade annexe du FC Nantes ! » En contaminant les joueurs, la rivalité entre Nantes et Rennes vient officiellement de gagner ses galons de vrai derby.
Jusqu’à aujourd’hui, les deux clubs n’avaient été au même niveau que pendant quelques années, à la fin des 60s. En 1963, le FC Nantes débarque en D1, vingt ans après sa création, alors que le Stade rennais se promène déjà dans les hautes sphères du football français depuis l’entre-deux-guerres. Dès 1965, les Canaris remportent leur premier titre de champion (qui sera suivi d’un nouveau un an plus tard) tandis que le Stade rennais écrit également la première ligne de son palmarès avec une Coupe de France. En 1971, les Rouge et Noir s’offrent une nouvelle coupe, qui reste encore aujourd’hui le dernier titre en vitrine. Pendant des années, Rennes fait l’ascenseur entre première et deuxième divisions pendant que le FC Nantes squatte le haut du tableau et rajoute quelques titres dans sa besace. Se cherchant un rival à sa hauteur, la cité ligérienne détourne les yeux du Nord et les pose plus au sud, sur Bordeaux.
Croisement des courbes
Les années passent puis, en 1998, le milliardaire François Pinault prend progressivement, sur trois ans, le contrôle du club rennais. Trois années durant lesquelles le FC Nantes fait son baroud d’honneur avec deux Coupes de France (1999 et 2000) et un dernier titre de champion (2001), puis s’étiole doucement pendant que le Stade rennais grandit. Symboles du croisement des courbes des deux clubs, Christophe Le Roux et Olivier Monterrubio sont respectivement transférés en Ille-et-Vilaine en 1999 et 2001. Malgré trois finales de coupes en cinq ans, Rennes n’étoffe pas son palmarès, mais, au moins, Rennes reste dans l’élite (qu’elle n’a pas quitté depuis 20 ans), alors que Nantes plonge dans le purgatoire de la L2 en 2007, puis de 2009 à 2013. Une longue séparation qui aura sans doute contribué à rendre les retrouvailles entre les deux rivaux encore plus intenses.
En 2008, lors du bref retour nantais en L1, Frédéric Da Rocha avait lâché les chevaux : « Rennes et Nantes, ce sont deux clubs incomparables. Nous, on a un palmarès, il faut peut-être le leur rappeler. » Un grand classique des échanges d’amabilité entre les supporters des deux camps, mais une attaque alors encore rare dans la bouche des joueurs. Si à l’époque, le fidèle Da Roch’ était bien le seul à accorder autant d’importance au derby breton ( « Il nous en parle tous les jours, toute l’année » , soufflait alors son coéquipier David De Freitas), les choses semblent aujourd’hui avoir changé. Pour cette rencontre entre deux équipes enfin au même niveau, qui ont toutes les deux gagné à l’extérieur la saison dernière, Issa Cissokho parle de « combat » , Romain Danzé veut « gagner, peu importe la manière » et la pression monte depuis une semaine. « Leurs ultras sont en L2, et nous, nos ultras sont en L1, voire en Ligue des champions » , a récemment balancé Luc Delatour, directeur des compétitions du FC Nantes, à 20 Minutes. Si les ultras nantais veulent tenir leur réputation, ils auront intérêt à bien surveiller leur tifo.
Par Thomas Pitrel