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Concarneau, la découverte d'un autre monde
En Ligue 2 pour la première fois de son histoire, l'US Concarneau a bouclé sa phase aller hors de la zone rouge. Une vraie satisfaction sur le terrain et la découverte d'un autre monde pour le petit club breton, sur lesquelles on revient avec son président Jacques Piriou, qui n'a pas perdu la flamme. Loin de là.
Ce n’est sans doute pas la façon dont l’US Concarneau aurait voulu faire parler d’elle. La semaine dernière, le club finistérien a trouvé son nom dans un long sujet consacré à Vincent Labrune dans L’Équipe Magazine. Après avoir reçu un courrier des Bretons se joignant aux critiques du Havre sur l’accord avec CVC, le président de la LFP aurait pesté en les qualifiant de « Harlem Globetrotters » qui s’imaginent à la « Foire du Trône », en référence au fait que l’USC, privé de stade cette saison, soit contraint de jouer ses matchs à domicile entre Guingamp, Lorient et Brest. « Effectivement, quand on lit ça, ça fait bizarre », sourit Jacques Piriou, le président concarnois. Ce dernier ne veut pas en faire une polémique non plus : « Je me suis expliqué avec lui, j’ai eu longuement Vincent Labrune au téléphone, on a échangé sur le sujet. Il m’a dit que c’était sorti de son contexte, il a sorti ça sur un ton humoristique. » Le patron de Concarneau depuis 2003 préfère parler d’autre chose, en vérité. Comme de la découverte de la Ligue 2 pour son club de cœur, avec ses joies, ses difficultés et la satisfaction de pointer à la 14e place avec une toute petite avance sur la zone rouge (deux points) à la trêve : « Si on m’avait dit qu’on aurait 22 points à la fin de la phase aller, je signais des deux mains. »
Bienvenue dans le monde pro
C’est un autre monde que Concarneau a découvert en décrochant sa montée pour le deuxième échelon national pour la première fois de son histoire. « Il y a beaucoup de facteurs qui se sont entremêlés, entre les contraintes, le sportif, l’administratif et la mise en place de certaines choses qui n’existaient pas quand on jouait en National, développe Jacques Piriou. Ce qui a été très chronophage, ça a été l’élaboration d’une stratégie pour trouver un lieu pour jouer nos matchs à domicile, ça aura été un gros tracas opérationnel. » Le plus petit budget de Ligue 2 (6,5 millions d’euros) a rapidement compris qu’il ne pourrait pas jouer dans son stade Guy-Piriou, « une perte d’exploitation énorme », concède le président. D’où la formule de Labrune pour parler de ceux qui doivent naviguer aux quatre coins de la Bretagne armoricaine pour recevoir leurs adversaires. « On aura sûrement le trophée des gens qui ont pris le plus de points à l’extérieur », se marre Jacques Piriou, qui a vu son équipe gagner seulement deux matchs et huit points à « domicile » à la mi-saison. Il parle de « contraintes sportives, économiques et sociales » parce qu’il faut « travailler sur des sites différents », alors que ça devrait « bouger rapidement » pour accélérer sur les travaux de rénovation du stade Guy-Piriou.
Sur le terrain, la phase aller s’est terminée par une lourde défaite face à Grenoble, mais le bilan est positif, et l’entraîneur Stéphane Le Mignan, sur le banc concarnois depuis 2020, est décrit par son président comme un coach qui a « adhéré à l’ADN, à l’état d’esprit et qui a réussi à trouver des joueurs performants que d’autres clubs n’avaient pas vus ou ne voulaient pas. Il faut jouer malin, réfléchir malin et travailler malin. » Jacques Piriou dit aussi ceci : « Le sportif booste tout le monde au club et on a envie de montrer qu’on est des Bretons à la tête dure et qu’on va lutter jusqu’au bout. » Et dans les coulisses, où Concarneau ne se présente pas comme un acteur majeur ? Le dirigeant breton ne veut pas rouler des mécaniques et préfère se la jouer humble : « On arrive dans ce système professionnel, on est totalement néophytes dans ce fonctionnement, ce système de visibilité, de droits TV… » Il ne veut pas juger le deal entre la LFP et CVC puisqu’il n’avait pas participé aux discussions quand l’USC était encore en National. Il souhaite en revanche comprendre pour quelle raison son club devrait participer au remboursement de quelque chose qu’il n’a pas touché en cas de maintien cette saison. « C’est ma simple question, évacue-t-il. Je n’ai pas encore eu de réponse, ça mérite discussion. »
Le grand bonheur de la Ligue 2
Retour au foot et à Concarneau, où Jacques Piriou a pu constater que son métier était différent en Ligue 2. Lors d’un entretien croisé avec son homologue guingampais Fred Le Grand publié dans Ouest-France il y a quelques jours, il confiait ne pas être « un bon président cette année ». Ce n’est pas de l’autoflagellation, mais plutôt une manière de dire que certains aspects du job lui manquent. « Dans mon habitude de fonctionner, j’étais beaucoup plus proche du terrain et des gens au quotidien, note-t-il. La politique sportive, au sens très large, me prend énormément de temps. C’est une machine à laver. » Le monde professionnel est-il seulement impitoyable ? Surtout, peut-on trouver des moments de bonheur dans le feu d’une saison ? Jacques Piriou, dont c’est la 57e licence à l’USC, n’a pas perdu la flamme pour le foot, ni son émerveillement. « Quand on va à Bordeaux, on se dit qu’est-ce qu’on fout là, quoi, admet-il. Quand on reçoit Saint-Étienne, dont j’étais fan quand j’étais gamin, on se demande aussi ce qu’on fait là. Quelque part, le soir quand on rentre, peu importe le résultat, on se dit qu’on peut être fiers de ce qui a été fait et de pouvoir jouer contre des équipes mythiques, dans des stades magnifiques. Ça restera des images gravées, en espérant pouvoir les renouveler. »
Il veut que Concarneau reste un club familial, presque à part. « Je suis né avec des chaussettes bleues de footballeur, je n’ai jamais changé de maillot », dit-il. Avec ses petits moyens et sans Fahd El-Khoumisti, gravement blessé dès le mois d’août, le maintien dans un championnat où il y aura quatre descentes en mai serait un « exploit » pour les Concarnois. Le président y croit, tout le monde y croit, et la première partie de saison est un motif d’espoir supplémentaire. « Quoi qu’il arrive, on en sortira grandi, assure Jacques Piriou. On aura appris des choses, on aura rencontré des gens intéressants, on aura vu des équipements super. Les emmerdes, ça fait partie du truc. On est très heureux d’être en Ligue 2. » Il reste l’autre moitié du chemin à parcourir pour réussir à y rester et continuer de rêver, si possible avec un chez soi, cette fois.
Par Clément Gavard
Propos de Jacques Piriou recueillis par CG