- Coupe du monde 2014
- 1/2 finale
- Brésil/Allemagne
Comment se remettre d’une l’humiliation ?
Mardi soir, le Brésil a connu la honte. La pire défaite de son histoire. Balayé par l'Allemagne en quelques minutes, cette claque monumentale va avoir des effets secondaires sur le devenir de la sélection nationale. Et avant de se projeter sur le Mondial 2018, il va falloir se relever...
Coup de sifflet final, pas de prolongation. Dans le stade du Mineirão de Belo Horizonte, la bronca résonne pendant quelques secondes avant de laisser place aux chants du kop allemand présent, fier de la raclée que vient d’infliger sa Mannschaft au pays organisateur, sans la moindre once de pitié. Une défaite par six buts d’écart, en demi-finale d’une Coupe du monde, du jamais vu. Une nation quintuple championne du monde, à la recherche d’une sixième étoile depuis douze ans. Une gifle qui va traumatiser, à coup sûr, toute une génération de Brésiliens: « Des enfants attendaient ce titre, en particulier les enfants qui n’ont pas vu le Brésil champion en 2002, explique la psychologue infantile brésilienne Idáira Amoretti sur le site Zero Hora. C’est le public qui sera le plus touché. L’impact a été très rapide. En seulement 30 minutes, les enfants ne pouvaient pas intégrer ce qui se passait. Je pense que ça va prendre quelques jours pour qu’ils puissent digérer » . Digérer c’est une chose, se remettre d’un tel choc en est une autre.
Pour l’éternité
Les pleurs du peuple auriverde après seulement vingt-cinq minutes sont symboliques du mal-être national. Dépités, certains supporters sortent même après moins d’une demi-heure de match. Les autres restent, en sachant pertinemment que la rééducation va être très longue. Et particulièrement lente. « On ne se remet pas de ça en une journée, confie Jean-Cyrille Lecoq, psychologue de la Fédération française de football entre 1996 et 2003. Il faut du temps pour digérer une défaite comme ça. Le plus dur pour Luiz Felipe Scolari, c’est de réussir à remobiliser une équipe avant la rencontre pour la troisième place, parce que contre l’Allemagne, il n’y avait plus d’esprit de groupe, il n’y avait que des individualités. Face à une équipe qui en face a fait le match parfait. » Le maillot est sali, et même avec un petit but inscrit en fin de match, l’honneur brésilien en a pris un sacré coup. Si le contexte n’est pas le même entre une demi-finale de Mondial et un match du championnat de France, Le Mans a également connu ce statut de victime lors de la dernière journée de Ligue 2005-2006. Ce soir-là, au stade de Gerland, les Sarthois encaissent un 8-1 contre la machine Olympique lyonnais, sacrée pour la cinquième fois consécutive. Aligné au milieu, Guillaume Loriot se souvient de l’après-défaite. « Même si le score à la mi-temps était déjà lourd, on a essayé de se dire : « Allez, on repart comme si y avait 0-0 » en essayant d’oublier cette première période catastrophique, en essayant de se remettre sur de bons rails. Mais bon… Ça marque, quand même. 8-1, ça fait quand même beaucoup. Je me rappelle plus trop si la presse nous avait descendus ou pas. Mais ça fait mal hein, ça fait vraiment mal. Une défaite comme celle-ci, tu ne peux jamais l’oublier. » Et encore, quand on s’appelle Le Mans, ça peut passer, mais le Brésil…
« Avoir quelqu’un de meilleur en face de vous ne signifie pas que vous êtes mauvais »
Oui, personne n’oubliera cet affront et on en reparlera encore pendant des décennies. Pour le peuple brésilien, c’est une balafre à vie. Pour l’éternité, même, selon les médias locaux. Car la réalité, c’est aussi celle-ci : devant un cataclysme national, le Brésil n’est pas mort pour autant. Et comme le veut l’adage, ce qui ne tue pas rendrait plus fort. Ouvrir les yeux, sentir ses jambes, se relever, lever la tête et marcher, sans faire attention au regard des autres et penser à dédramatiser, surtout pour les plus vulnérables mentalement. « Discuter avec ses enfants sera important pour les parents, énonce Idáira Amoretti. Il faudra faire passer cela uniquement pour un jeu. Il ne faut surtout pas dire que les joueurs étaient mauvais ou que la sélection était mauvaise. Avoir quelqu’un de meilleur en face de vous ne signifie pas que vous êtes mauvais. L’adulte doit dire à l’enfant que personne n’est infaillible, et qu’il faut maintenant aller de l’avant. » Voilà le défi que le Brésil de demain doit déjà s’imposer s’il veut redonner un sens à l’avenir.
Par Antoine Donnarieix et Victor van den Woldenberg