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ACTU MERCATO

Comment réglementer le mercato à partir de l’arrêt Bosman

Par Pierre Auriel
Comment réglementer le mercato à partir de l’arrêt Bosman

Dans les commentaires des mercatos insensés qui se succèdent, l’arrêt Bosman de la Cour de justice des Communautés européennes occupe une place centrale. Résumé à l’abolition de règles encadrant les transferts de joueurs professionnels, cet arrêt du 15 décembre 1995 est perçu comme le point de départ de la révolution du football vers une libéralisation du marché et l’explosion des salaires. Or, une lecture attentive de cet arrêt conduit à une conclusion plus nuancée : l’arrêt Bosman interdit certaines règles relatives aux transferts, mais fournit aussi les conditions et les moyens de leurs réglementations.

Le raisonnement de la Cour de justice des Communautés européennes peut être résumé en trois temps. D’abord, répétant la conclusion d’un arrêt de 1976 concernant déjà le football professionnel, la Cour considère que le sport est une activité économique lorsque les joueurs professionnels exercent une activité salariée. Évidemment, une telle qualification n’est pas neutre. Si les clubs et les footballeurs sont des agents économiques, l’équité des compétitions sportives devient un problème secondaire : ce qui est désormais en jeu est une concurrence entre des entreprises avec des actifs dont la valeur va être appréciée en fonction des gains qu’un investissement sur eux peut rapporter. Des joueurs peuvent valoir plusieurs dizaines de millions d’euros parce que des entreprises estiment qu’il est économiquement rationnel d’investir une telle somme sur eux. Mais, ce passage d’un monde de la compétition sportive à celui d’une concurrence économique n’est pas le produit direct de l’arrêt Bosman et n’est même considéré qu’à la marge de son raisonnement par la Cour. Elle ne fait en réalité que constater un fait juridique simple : les joueurs de football sont des professionnels payés pour leur activité et sont donc des travailleurs.

Dura lex, sed lex

Une telle qualification permet à la Cour de conclure en l’applicabilité du principe de la liberté de circulation des travailleurs. La seconde étape de son raisonnement consiste alors à considérer que les règles édictées par des acteurs privés – en l’occurrence, l’UEFA – peuvent avoir un impact sur la liberté de circulation et, dès lors, doivent respecter les règles des Communautés européennes. La Cour était déjà parvenue à la même conclusion en 1974 lorsqu’elle a été amenée à examiner le règlement de l’UCI (Union cycliste internationale, ndlr). Pour elle, si les organismes privés pouvaient créer des obstacles à la liberté de circulation, cela neutraliserait la portée de l’abolition de tels obstacles par les États membres. Pour que ces règles conservent un sens, il faut donc les appliquer à tout type d’acteurs et c’est ce qui va fonder la confrontation des règles de l’UEFA à la liberté de circulation des travailleurs.

Ce qui apparaît aussi en creux dans cette partie du raisonnement est le problème de la légitimité de la régulation. Pour certains, il faut nettement séparer certaines activités et fournir une autonomie organisationnelle à ces sphères d’activités : n’est alors légitime pour les contrôler qu’une organisation autonome représentant la spécificité de cette société. Le sport relève des fédérations sportives. Les Jeux olympiques, du mouvement olympique. Le commerce international, de la lex mercatoria. Internet, de l’ICANN et de la lex digitalis. Cette autonomie du secteur sportif a été invoquée par l’UEFA qui considère que l’autonomie du sport justifie l’autonomie de ses règles, les aspects économiques n’étant qu’une conséquence secondaire ne pouvant remettre en cause cette autonomie. L’arrêt Bosman s’oppose à cette interprétation : la Cour rejette l’autonomie du sport et admet la légitimité des Communautés européennes – devenues Union européenne – et, plus largement, des pouvoirs publics pour contrôler ces activités. Au-delà de la question de la légitimité de l’UEFA, se pose aussi la question de la capacité de l’UEFA à réglementer ces transferts. L’intervention directe d’États souverains tels que le Qatar dans le mercato – couplée avec les enjeux politiques déjà existants des relations avec les fédérations et clubs – révèle les limites de cette institution. L’UEFA ne paraît pas avoir les moyens d’affronter les puissances auxquelles elle fait face. Seul un retour des États et de l’Union européenne aura une chance de venir rendre un semblant de cohérence au marché des transferts.

« Travailleuses, travailleurs… »

La troisième étape du raisonnement de la Cour de justice des Communautés européennes est la plus complexe. Contrairement à ce qu’une compréhension courante de l’Union européenne suggère, les libertés de circulation ne sont pas nécessairement synonymes de déréglementation. En l’occurrence, la liberté de circulation des travailleurs implique uniquement l’interdiction pour un État membre d’entraver les mouvements de circulation des travailleurs et, surtout, l’interdiction d’un traitement différencié en raison de la nationalité. Concrètement, la France ne peut empêcher des joueurs italiens, anglais ou allemands de venir jouer en France, et une fois en France, ces derniers doivent être soumis au même régime juridique qu’un joueur français. Ce principe a ensuite été étendu aux joueurs issus de l’espace économique européen et des États de l’ACP (pour Afrique, Caraïbes et Pacifique, ndlr).

Mais de telles interdictions n’empêchent pas une réglementation des transferts, réglementation qui peut prendre deux formes. Il peut s’agir d’une réglementation par les institutions de l’Union européenne. De telles réglementations existent dans d’autres domaines tels que le transport, l’énergie, les télécommunications. Elles prennent généralement la forme d’une réglementation commune avec des autorités administratives nationales chargées du contrôle de cette réglementation. Il peut aussi s’agir d’une réglementation nationale – ou par des organismes privés tels que l’UEFA. Évidemment, une telle réglementation aurait probablement pour effet d’entraver indirectement la liberté de circulation des footballeurs. Mais la Cour de justice accepte de tels règlements s’ils s’appliquent indifféremment aux nationaux et aux travailleurs issus d’autres États membres et s’ils sont justifiés par un objectif d’intérêt général tel que l’équité sportive. Pour la Cour, ces derniers points font défaut aux clauses de l’UEFA et de la Fédération belge en cause dans l’arrêt Bosman, justifiant ainsi leurs censures.

Bien sûr, la disparition de ces clauses va substantiellement modifier le marché des transferts. Mais loin d’être une interdiction de toute réglementation, l’arrêt Bosman autorise les pouvoirs publics à réglementer ce marché – s’opposant ainsi indirectement à l’UEFA. Il ne s’agit cependant pas d’être naïf. Adopter une telle réglementation serait complexe. Une réglementation européenne impliquerait un accord entre les différents États membres. Outre une grande finesse juridique, une réglementation nationale supposerait une perte de compétitivité et d’attractivité sportive de l’État qui l’adoptera en premier. Ce ne serait évidemment pas une tâche aisée, mais il ne semble pas qu’il y ait d’autres alternatives si l’objectif d’une concurrence réelle entre les clubs veut être maintenu.

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