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Comment réconcilier Mendy et Tolisso ?
Benjamin Mendy et Corentin Tolisso s’étaient foutu sur la gueule en décembre dernier, ils se retrouvent ce soir pour la première fois comme adversaires. Alors, dans quel état d’esprit sont les deux néo-internationaux, ambiance MMA ou gros câlin ? Un médiateur nous donne quelques clés pour résorber le conflit entre deux hommes qui, après tout, ne sont encore que des gamins.
Les images tournent en boucle au journal de 20h : « Benjamin Mendy agresse Corentin Tolisso. » Nous sommes le 18 décembre 2016, et l’AS Monaco s’est inclinée à Louis-II il y a quelques minutes face à l’Olympique lyonnais, au terme d’un match marqué par un sacré pétage du câble du latéral français. Un bon coup de pied par derrière dans les gambettes du milieu rhodanien pour lequel il prendra cinq matchs de suspension, alors que les visiteurs menaient déjà 1-0 à la 39e minute. On dira que depuis, l’eau a coulé sous les ponts, que les deux garçons sont maintenant coéquipiers en équipe de France, que Mendy « a changé des choses » et que Tolisso est devenu un vrai MVP de Ligue 1, mais il n’empêche que les deux loustics se retrouvent aujourd’hui pour la première fois en tant qu’adversaires depuis leur altercation. Alors, comment éviter la récidive ?
#Replay Le mauvais geste de Benjamin #Mendy sur Corentin #Tolisso pic.twitter.com/TTK8IK9mZq
— Inside Gones (@InsideGones) 18 décembre 2016
Une volonté commune de réconciliation
Hirbod Dehghani-Azar, avocat et président fondateur de l’association des médiateurs européens, accepte de la jouer intermédiaire exceptionnel après visionnage de la vidéo : « Oui, j’avais entendu parler de cette embrouille… La médiation fonctionne très bien pour ce genre de conflit, d’autant plus qu’ils sont à un niveau de reconnaissance plutôt équivalent dans leur métier. L’objectif, ce serait de leur montrer qu’ils ont des intérêts sportifs communs à renouer le dialogue. » Corentin et Benjamin devraient donc se retrouver dans un bureau pour discuter en profondeur de leur confrontation ? Le médiateur : « Non, ils vont commencer par chacun se présenter. Parler du foot, rappeler pourquoi ils étaient sur le terrain ce soir-là, parler de leur formation : il faut qu’ils évoquent leur parcours. Il doivent avoir des clés de compréhension l’un envers l’autre. »
Le but est en réalité de renverser le rapport entre deux hommes qui partagent trois choses, et c’est déjà un bon point : un métier, une passion et – à peu de choses près – une formation. Il convient également de prendre en compte le contexte du match, sachant que Benjamin Mendy avait perdu sa mère le 26 janvier précédent : « Là, c’est un coup de pied, mais peut-être que sur le terrain, il y a eu des problèmes avant : des cris de supporters, des paroles, ou autre. Avec le dialogue, on n’arrivera pas à« je suis d’accord avec ce que tu dis », mais à« je suis d’accord avec ce que tu as vécu », et c’est le plus important pour reconstituer une base solide. » Car pas question de reconstruire sur du plâtre. Nous, on veut du solide.
Dérouler la pelote
Quelles solutions leur apporter concrètement pour se comprendre enfin l’un l’autre ? Car si Tolisso avait déclaré au moment de leur sélection commune en équipe de France qu’il n’y avait désormais « pas de problème » entre eux, on se souvient tout de même d’un tweet qui frôlait le foutage de gueule après l’expulsion du Lyonnais face à Saint-Étienne le 5 février dernier. Un conflit latent qui pourrait causer du tort au groupe France, entre deux joueurs qui, on le rappelle, ne sont pas réputés pour faire partie des plus calmes de notre championnat.
— Benjamin Mendy (@benmendy23) 5 février 2017
Et si l’écrit, justement, était une solution viable ? Que chacun rédige une lettre donnée en mains propres, pour exposer ses doutes et ses pulsions, ouvrir son cœur à l’autre : « Oui, mais voyez, là encore, l’écriture n’est pas un dialogue, explique notre Hirbod le grand frère. De un, il faut être doué pour écrire et dévoiler ses sentiments, ce n’est pas donné à tout le monde, et de deux le langage est non verbal. Si vous demandez à quelqu’un de s’excuser par écrit, on n’aura pas purgé le problème. » Alors le gazouillis d’excuse de Mendy juste après la rencontre, ce n’est que du vent ? Le médiateur : « Évidemment que c’est de la com’, mais peut-être qu’il était sincère. Il ne faut pas vous mettre dans une posture de juge. Pour que ça marche, la confidentialité est aussi très importante, on va tout se dire parce qu’on a envie de montrer une posture claire. L’autre ne va peut-être pas l’excuser, mais entendre. On part d’un nœud et on déroule la pelote à l’envers. » Forcément, certains points démontrent que les deux parties ne sont pas forcément prêtes à faire un pas vers l’autre : « Les smileys« je pleure de rire », ça me fait douter sur son tweet d’excuses. Mais peut-être que quand ils auront communiqué, ils tweeteront ensemble un message. »
« Sa mère était accoucheuse… »
La voie la plus viable reste donc de passer du temps ensemble. Parce qu’après tout, rien n’est irréversible, même Hirbod Dehghani-Azar le concède, il lui arrive « de (s)’emporter lors de (s)es plaidoiries » . Est-ce qu’un après-midi passé ensemble pourrait apaiser les tensions ? Une sortie à cheval dans la forêt de Rambouillet par exemple, comme un remake de Brokeback Mountain en tout bien tout honneur. Notre médiateur pose une condition : « C’est marrant parce qu’on dit que le test suprême avec ses amis, c’est de partir en vacances ensemble. Mais on ne cherche pas à en faire des copains non plus. Prenez plutôt l’exemple de la plongée : très peu de message, très peu de signes, mais quand on est sous l’eau, on comprend tout. La spécificité du foot, c’est que beaucoup de choses se jouent en très peu de temps. »
Il est vrai que l’on se contenterait d’une bonne entente cordiale. Solide, mais cordiale. Alors, pour demain, quel comportement adopter en public ? Sans avoir organisé une quelconque médiation au préalable, faut-il pour les deux hommes qu’il se prennent dans les bras ou qu’ils jouent l’indifférence ? « Si on m’avait demandé, j’aurais demandé aux clubs d’organiser une médiation juste avant pour qu’il n’y ait aucune tension sur le match. Le risque du serrage de main, c’est que l’autre s’y refuse : quand vous obligez quelqu’un à serrer la main de l’autre, il va le faire, mais il n’y a pas le sens. » Pas vrai Patrice Évra ? Notre médiateur se permet une dernière comparaison philosophique : « C’est de la maïeutique, un principe de Socrate. On a chacun une réponse en soi, il faut la trouver. Sa mère était accoucheuse, le but c’est de faire accoucher. » D’un match propre, ce serait déjà pas mal.
Par Théo Denmat
Tous propos recueillis par TD