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Comment Obama est devenu fan de Darmstadt
L'ancien président des États-Unis n'est pas un fan de soccer reconnu. Son cœur vibre pourtant depuis quelques semaines pour un club allemand, le SV Darmstadt, lanterne rouge de la Bundesliga. Et la raison de cet amour peut surprendre.
Le 15 février, le club de Darmstadt se réveille avec un sacré scoop et un bon boost pour le moral dans son opération maintien en Bundesliga, quatre jours après sa victoire à domicile contre Dortmund. Le petit club qui galère au fond du classement en Allemagne vient d’apprendre que l’ancien président des États-Unis ne suit sur Twitter qu’un seul club de football professionnel en Europe : eux. Dans les 631 000 comptes (tout de même) auquel Barack Obama s’est abonné, il n’y a pas de Real Madrid, pas de Manchester United, ni d’Olympique de Marseille et son proprio américain. Ni même le Bayern. Le club de choix s’appelle SV Darmstadt 98. Un choix audacieux, inattendu et incompréhensible. Ou presque.
Le bon coup de pub
Du côté du club, la nouvelle est d’abord prise comme il se doit : sans trop de sérieux, avec humour et décontraction. Tom Lucka, responsable des relations presse pour le club de la Hesse, admet que l’information a été donnée par un journaliste de la région, avant d’être vérifiée minutieusement en interne. Pas de soucis apparents, Darmstadt peut se vanter d’être seul au monde dans les petits papiers d’Obama. « C’est peu croyable hein ? » Dès lors, le service communication du club réfléchit à une réponse à donner à cette nouvelle et surfer sur une nouvelle aussi atypique. Ce sera finalement une invitation officielle, prononcée par le joueur américain du coin Terrence Boyd, sur Twitter. « Maintenant qu’il a moins à faire, on s’est dit que c’était une bonne idée, ajoute Tom Lucka. Mais nous attendons toujours une réponse. On a cru comprendre qu’il était parti en vacances en ce moment. On espère que ça viendra après et qu’il va venir. » Pour l’heure, Darmstadt en profite au moins pour accroître sa renommée dans le monde. « On constate qu’il y a quelques personnes qui ont commencé à nous suivre sur les réseaux sociaux, notamment des Américains. »
Dear @BarackObama, since we are apparently already the only European soccer club you follow on Twitter: See you at our stadium? 😉 #sv98 pic.twitter.com/iThQpILKTF
— SV Darmstadt 98 (@sv98) 15 février 2017
Terrence Boyd, le seul Américain du club, confie lui son plaisir à prendre part à l’opération de communication autour d’Obama. « Pour nous, avec Darmstadt 98, c’est une grande fierté que Barack Obama ne suive que nous sur Twitter comme club européen de football. Bien sûr, on aimerait qu’il vienne réellement jusqu’au Böllenfalltor pour nous voir. C’est quelqu’un de très inspirant. » Jusque-là, l’invitation est restée lettre morte et l’effet moribond. Darmstadt reste sur deux défaites qui semblent sceller le sort du club. De quoi remettre en cause l’intérêt véritable de l’ancien président pour le club de Marcel Heller et Sven Schipplock ?
D’un buzz à l’autre
Aujourd’hui encore, Tom Lucka ne le cache pas : les raisons du follow sont inconnues. « On ne sait d’ailleurs toujours pas pourquoi nous-mêmes. Il y a plusieurs théories à ce sujet. » La première est purement sportive. C’est aussi la moins plausible. Quelques jours avant le clic historique, Terrence Boyd marque un but décisif pour donner l’espoir à Darmstadt d’un maintien incroyable en Bundesliga. Avec trois points pris contre Dortmund, les Lillien ont une nouvelle chance de rattraper Hambourg ou Brême jusqu’à la place de barragiste. De là à pousser un ancien président à s’intéresser au devenir d’un petit club allemand, cela paraît peu probable. Terrence Boyd ne s’en cache pas : « Je ne le connais pas personnellement. » Il y a toutefois d’autres Américains passés par l’Allemagne. Il faut alors regarder dans l’histoire de la ville. La présence américaine à Darmstadt ne remonte pas seulement aux dernières semaines et à un joueur avec un visa pour les USA.
Après la Seconde Guerre mondiale, la ville de Darmstadt se retrouve dans une zone contrôlée par les États-Unis et accueillait l’une des nombreuses casernes militaires américaines. À un peu plus d’un kilomètre du stade, la base n’est plus ce qu’elle était. Déjà sous l’influence de celle d’Heidelberg, elle n’accueille plus aucun corps militaire depuis 2008. Obama intronisé dans sa plus haute fonction début 2009, voici encore une piste qui ne mène nulle part. Le jumelage entre Darmstadt et San Antonio depuis 2016 n’est pas plus probant pour trouver un lien avec Obama. Mais une dernière théorie, plus belle et plus crédible, existe encore. Tout viendrait de Torsten Frings, coach des Lillien depuis l’hiver. Il faut alors revenir quelques semaines avant le clic célèbre de la mi-février.
Le 30 janvier, une émission allemande retrouve un extrait d’une convention de scénaristes de 2014. George Mastras, auteur pour Breaking Bad, fait alors une confidence improbable, mais qui passe inaperçue à l’époque : dans la série, Gustavo Fring a reçu son patronyme en l’honneur de la plus belle patte droite du Mondial 2006. Sans le s final, parce que la flemme. Grâce à Zeigler, la nouvelle reprend du poil de la bête, est reprise dans tous les médias… avant d’atteindre Barack Obama ? D’un buzz à l’autre, il ne faut pas grand-chose : une recherche internet. Et si Obama a dû suivre le club de Darmstadt à défaut de trouver le véritable Frings sur Twitter, il y a gagné une invitation. Tout comme Gus Fring. Pour réunir une bonne fois pour toute ce qui unit un ancien président des États-Unis à un club de football : Gus Fring, entre le doppelgänger et la nouvelle mascotte des Lillien.
Par Côme Tessier