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Comment Nicolas Pallois est devenu une star dans un petit village de Madagascar
Elie, 20 ans, supporter du FC Nantes actuellement expatrié à Madagascar dans le village d'Ifaty, a fait de Nicolas Pallois une star locale. Voilà comment.
Comment tu t’es retrouvé à Madagascar ?
Dans le cadre de mes études, je devais faire deux mois à l’étranger, cet été. Je suis en stage dans un hôtel, dans le village d’Ifaty (sur la côte ouest du pays, NDLR).
Tu es supporter de Nantes, même si tu ne viens pas de la ville…
Je viens de Rennes, mais je suis pour Nantes à fond, c’est terrible. Mon grand-père amenait mon père au stade Marcel-Saupin à la grande époque, parce que c’était l’équipe du coin, c’était le beau jeu. Et mon père est devenu fan. Mais personne de ma famille n’y a vécu.
La première chose que tu as mise dans ta valise, c’est le maillot de Nicolas Pallois ?
J’ai fait ma valise en fonction de mes maillots ! J’ai ramené tous les maillots de Nantes que j’avais.
Tu as un attachement particulier à Pallois ?
Je pense que tous les supporters nantais ont un attachement particulier à Pallois. J’ai surtout en mémoire l’histoire avec Emiliano Sala, et son but contre Bordeaux deux ou trois semaines après son décès. Tout bon supporter de Nantes est attaché à ce joueur en particulier. C’est mon joueur favori à Nantes, c’est clair et net. Il y a eu (Filip) Djordjevic, (Alejandro) Bedoya, et maintenant il y a Pallois.
Étant à Madagascar pendant 2 mois pour mes études, je cherche à m'occuper et rencontrer du monde. J'achète donc un véritable ballon de foot, chose inconnu jusqu'à ce jour dans ce village. Tout de suite ayant un ballon de foot. Tout le village se précipite pour jouer et former
— Lagouingue (@Palloisisme) July 10, 2023
Comment a démarré cette histoire ?
J’avais du temps libre, je cherchais à m’occuper. Je suis dans un bel hôtel, alors qu’il y a de la misère partout autour. Il n’y a pas grand-chose, dans ce village, c’est vraiment isolé. Je décide d’aller à Tuléar, la ville la plus proche, à une vingtaine de kilomètres, pour acheter un ballon. La vie n’est pas chère là-bas, mais tout ce qui est importé d’autres pays coûte une blinde. J’ai acheté le ballon vingt euros, alors qu’il n’est pas ouf, et un SMIC là-bas c’est 70 euros, quelque chose comme ça. Ils n’ont pas du tout le budget pour s’acheter un ballon, en plus sur les terrains pourris de là-bas, du stabilisé mélangé à de l’herbe avec du sable, un ballon ne tient que deux ou trois semaines max. Ils font des ballons avec des sacs en plastique. J’étais à peine rentré dans le village que le capitaine de l’équipe est venu me voir et m’a dit, dans un mélange de malgache et de français : « On a une seule faiblesse dans l’équipe, c’est qu’on n’a plus de ballon. » Il a sorti son sifflet, et tous les gens du village sont sortis pour jouer. On joue, j’avais mon maillot Pallois, et à la fin du match, on se réunit tous, et je commence à leur montrer des images de Nantes. J’ai directement montré des images de la Brigade Loire. (Rires.) Ensuite, j’ai montré des images de Pallois. Tous les gosses du village avaient déjà commencé à m’appeler « Pallois ». Ils sont tellement contents d’avoir un ballon qu’on joue tous les jours. Ce n’est pas un club, mais ils se considèrent comme une équipe. Ils essaient d’organiser un match la semaine prochaine contre l’équipe du village d’à côté.
Ils connaissent le foot européen ?
Ils connaissent les grosses équipes. Nantes, ils ne connaissent pas réellement. Un mec avait un maillot de Paris, mais je lui ai dit : « En Europe ça n’est pas Paris, c’est Nantes ! Il y a Mbappé, mais en premier c’est Pallois. » Ils ont un bar dans le village avec deux télés où ils diffusent des matchs. Mais à la Coupe du monde, par exemple, seulement 50% des matchs étaient diffusés à Madagascar.
Techniquement je me débrouille plutôt bien, et les enfants du village commence à scander le nom de Pallois haut et fort. Je leur dis donc qu'en Europe pallois est le joueur le plus fort bien plus fort que Mbappe ou Messi. La rumeur court petit à petit, aujourd'hui au village
— Lagouingue (@Palloisisme) July 10, 2023
Qu’est-ce que tu leur as dit, ou montré, sur Pallois ?
J’ai montré des vidéos, j’ai montré à quoi il ressemblait, son but contre Bordeaux, le short relevé. (Rires.) Je leur ai dit qu’en Europe, c’était le joueur phare.
Dans ce village je suis donc désormais à la recherche de vieilles chaussures de foot, de vieux chasubles, de vieux ballons, de vieux maillots. Si vous n'en utilisez plus vraiment hésitez pas à me dm 🙏. Ça ferait plaisir à tout un village qui n'attends qu'une chose. Jouer au foot
— Lagouingue (@Palloisisme) July 10, 2023
Tu as écrit : « Tout le monde est persuadé que Nicolas Pallois est le meilleur joueur d’Europe. » C’est vraiment le cas, ou tu as exagéré ?
J’ai un peu exagéré. (Rires.) Les jeunes crient « Pallois, Pallois, Pallois », et disent que c’est le meilleur joueur d’Europe. Ceux plus âgés ont compris que c’était une petite vanne.
Tu t’appelles officiellement « Pallois » maintenant, au village ?
J’avais d’abord parlé à trois ou quatre gamins qui étaient derrière le but pendant que je jouais. J’en ai croisé d’autres dans le village qui ont commencé à m’appeler « Pallois » sans même avoir vu mon maillot. Pareil le lendemain : on m’appelait « Pallois » alors que j’avais changé de maillot. Et c’est resté. Mais les plus vieux m’appellent par mon prénom.
Et sur le terrain, tu as un style de jeu à la Pallois ?
Pas du tout. Je me débrouille techniquement, par rapport au reste du village. Mais en club, en France, je suis gardien de but. Je fais 1,75 mètre pour 65 kilos, vraiment à l’opposé de Pallois. (Rires.)
Maintenant, tu vas essayer de leur faire parvenir du matériel ?
Oui, car ils sont une bonne vingtaine et presque aucun n’a de chaussure. Le reste, ils sont tous pieds nus, je ne sais pas comment ils font. On m’a dit que le service d’envoi était vraiment corrompu à Madagascar et que c’était impossible sans se faire voler. J’ai trouvé des gens qui venaient à Madagascar fin juillet et à qui il restait de la place dans les valises. On va leur ramener trois kilos de matériel. Il y a aussi un groupe Facebook qui permet de faire des envois sécurisés. Je suis en train de voir ça. (Une cagnotte a d’ailleurs été créée.)
L’objectif, c’est que ça arrive aux oreilles de Pallois ?
À la base, non ! Mais vu l’ampleur que ça prend, on ne sait jamais. Grâce à un concours du club remporté par mon frère, on avait passé un après-midi avec Emiliano Sala et Guillaume Gillet. Sala nous avait beaucoup parlé de Nicolas Pallois. C’était son vrai pote au club. Mais Pallois est un peu en dehors du star-système.
Propos recueillis par Jérémie Baron