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Comment Mourinho a jinxé Wenger

Par Dave Appadoo
Comment Mourinho a jinxé Wenger

En treize confrontations, jamais le manager d'Arsenal n'a pu dominer celui de Chelsea. Une impuissance réelle qui ne tient pas à la simple malédiction. Tentative de décryptage d'un duel qui symbolise deux approches radicalement différentes du football.

Personne n’a encore eu la bonne idée de poser la question à José Mourinho, mais à bien y réfléchir, il faudrait sérieusement y songer : est-ce que sa présentation aux médias anglais un jour d’été 2004 était déjà une pique à Arsène Wenger ? Le Portugais n’a jamais rien fait au hasard et sait bien le traitement qu’Albion réserve aux étrangers, comme en 1996 quand la presse britannique interroge à l’unisson : « Arsène who ? » Alors Mourinho, lui, ne se fera pas avoir et coupe d’entrée l’herbe sous le pied aux médias anglais en claquant son désormais célèbre : « I’m a special one » , comme un premier tacle qui ne dit pas son nom à son homologue d’Arsenal : « Lui, vous ne saviez même pas qui il était, mais moi, je ne suis pas comme lui. » Oui, et si dès son arrivée dans le royaume, l’ancien coach de Porto avait lancé le match face au mentor des Gunners ? L’hypothèse n’a rien de farfelu. À l’époque, Wenger est l’homme à abattre. Sir Alex Ferguson ? Mourinho vient de lui régler son compte, sportivement et médiatiquement, en C1 ( « Ils ont un public fantastique, un stade fantastique, une équipe fantastique, alors de quoi ils ont peur ? » , absolument savoureux, car induisant l’idée que Fergie a les chocottes de lui avant le huitième de finale retour entre Manchester United et Porto en 2004). Non, le mâle dominant en 2004 s’appelle bien Arsène Wenger, sa saison immaculée lors du sacre d’Arsenal (aucune défaite en championnat) et sa quasi-invincibilité face à Chelsea, une seule défaite toutes compétitions confondues en huit ans (mais une défaite très lourde de conséquences en C1 en 2004 l’année où Arsenal avait tout pour aller au bout vu l’adversité, La Corogne puis Monaco). Car on l’oublie un peu vite, mais longtemps, très longtemps, Wenger a fait des Blues un simple encas pour la route. Et ne surtout pas croire qu’il s’agissait d’un « sous-Chelsea » , puisque l’on parle d’une équipe vainqueur de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes en 1998 (la dernière édition), de la Supercoupe d’Europe (toujours en 1998), de deux FA Cup, d’une League Cup, d’une place de vice-champion d’Angleterre, d’une autre de troisième de Premier League, un café, l’addition. Bref, un Chelsea bien solide, mais incapable de vaincre le voisin londonien, ce qui fera dire à Claude Makelele, après une énième défaite : « On en a vraiment marre de toujours perdre contre eux. » Oui, domination nationale, suprématie locale, il n’en faut pas davantage pour que Mourinho cible son ennemi : ce sera Arsène Wenger.

Quand le Mou félicite Arsenal…

Il faut dire aussi que l’on ne peut guère faire plus dissemblable. Belle gueule, grande gueule, impatient et rageur, José Mourinho figure une sorte d’exact contraire de l’austère et taiseux Wenger. Mais surtout les deux hommes ont une vision du football diamétralement opposée. L’Alsacien est un bâtisseur patient, un homme dont l’ambition est autant de gagner que de refaire son club du sol au plafond en s’assurant de la viabilité de son modèle économique, quand l’homme de Setúbal est un adepte de la course à l’armement pour des résultats immédiats, et tant pis pour le lendemain. Au vrai, chacun dans son registre est un expert sans beaucoup d’équivalents. Et évidemment cette opposition touche aussi au style de jeu prôné par les deux techniciens. Ultra-réalisme pour Mourinho qui ne s’embarrasse guère des moyens utilisés pourvu que la gagne soit au bout, recherche de style pour Wenger soucieux que dans l’héritage laissé à son club il y ait une vraie école de jeu à même de pérenniser Arsenal dans la durée. Autant de dissemblances, sur le fond comme sur la forme, qui vont fatalement faire des étincelles. On ne fera pas ici l’inventaire de tous les clashs qui vont dès lors opposer les deux fauves, la plupart faisant office de règlements de compte canailles à l’heure de la récré.

Mais il y a sans doute deux phrases chez chacun d’eux qui disent tout de ce qui les sépare. L’une signée de Mourinho : « La vérité, c’est que lui (Wenger) est un spécialiste. Huit ans sans le moindre trophée, ça c’est un échec. Si ça m’arrivait à Chelsea, je quitterais Londres et je ne reviendrai pas. J’admire et je félicite Arsenal parce que ce n’est pas possible d’atteindre 1000 matchs sans que le club soit lui aussi fantastique dans la façon de soutenir son manager dans les moments difficiles, surtout quand ceux-ci deviennent nombreux. » Derrière le côté vachard, le Mou ne comprend réellement pas que l’on puisse ne pas gagner et durer. Mais la réponse la plus significative de Tonton Arsène est sans doute celle-ci : « Pour juger de la compétence d’un entraîneur, il faut calculer le nombre de points rapportés par livre investie. Si on donnait la même somme à tous les entraîneurs sur une période donnée, on verrait alors qui est vraiment le meilleur. » Un calcul fait outre-Manche il y a quelques années où il apparaissait que le meilleur, sur ce critère arithmétique, était bien Wenger…

Un poison tactique

N’empêche, quel que soit le mode opératoire qui arrangera l’un ou l’autre, il y a quelque chose qui reste imparable : le boss des Gunners n’a jamais battu celui des Blues en treize confrontations. « À sa place, je pense que je me poserais des questions, glissera d’ailleurs le Portugais. J’essaierais d’y répondre, pas à cause d’un blocage mental, mais parce que je voudrais trouver des solutions pour aider mon équipe à briser la série. Essayer une manière différente de faire, essayer de déterminer pourquoi cela se passe toujours de la même manière contre mon équipe. » Et bien oui, pourquoi ? En gros, pour deux raisons assez simples. La première a été évoquée plus haut : longtemps les deux clubs n’ont pas investi les mêmes moyens dans l’équipe première. Au vrai, l’arrivée de Mourinho au milieu des années 2000 correspond précisément au moment où Arsenal va infléchir sa politique globale, en arrêtant la venue de joueurs confirmés pour miser sur la post-formation, autant un choix philosophique que financier avec la construction de l’Emirates Stadium qui n’autorise plus les dépenses somptuaires. Autant de soucis dont Mourinho ne va pas, lui, s’embarrasser avec le chéquier illimité de Roman Abramovitch qui lui permet n’importe quelle acquisition, toute la vista du Portugais résidant dans sa capacité à prendre les bons mecs au bon moment (combien auraient misé sur Drogba par exemple quand la planète regorgeait de stars au poste d’avant-centre ?). L’autre raison essentielle demeure tactique. À bien y regarder, Mourinho est une sorte de révélateur pour Wenger. Le manager français a longtemps fait son beurre dans une Angleterre très joueuse, presque naïve dans sa façon d’aborder le football, avec des équipes se jetant à l’abordage sans réel questionnement tactique. Du jeu, rien que jeu. Et du billard pour ses Canonniers chéris dont les qualités tombaient pile dans ces faiblesses de l’époque (ah ça, Henry and co se sont quand même bien régalés face aux défenses balourdes de Premier League). Pas un hasard si Arsenal a en revanche toujours calé en Coupe d’Europe face à des adversaires beaucoup moins disposés à ouvrir les vannes. Or, Mourinho figure l’archétype de ce cynisme tactique continental honni par Arsenal. Bloc bas, contres supersoniques, finition clinique. D’ailleurs lors des premières années, le « Special One » ne se cassait pas la binette pour neutraliser l’attaque des Nord-Londoniens : concentration dans l’axe, ouverture des couloirs pour obliger les Arsènaux à centrer dans la boîte des Blues, du velours pour John Terry et ses potes. L’énoncé tient sur un emballage de chewing-gum ? Certes, mais Wenger et ses ouailles n’ont jamais trouvé la parade.

Platini au secours de Wenger… ?

Alors quoi ? Condamner ad vitam aeternam l’ami Wenger face à son pire ennemi ? Pas nécessairement… Car l’ironie de cette histoire veut que les deux hommes semblent paradoxalement se rapprocher via leurs clubs respectifs. Car peu l’ont noté, mais Chelsea s’est lancé dans un modèle économique vertueux, fair-play financier oblige, et avec une vraie réussite, puisque le pensionnaire de Stamford Bridge compte parmi les très bons élèves européens. Soit un recrutement massif de jeunes très prometteurs, prêtés ici et là, et revendus à profit s’ils ne font pas la maille avec l’équipe première. Une politique peu visible, peu commentée, mais qui porte ses fruits en finançant les arrivées de grands joueurs sans que Chelsea ne soit en déficit et ne se fasse taper sur les ongles. Oui, Arsène Wenger pourrait passer un coup de fil à Michel Platini pour avoir quelque peu redistribué les cartes, et il n’est d’ailleurs pas exclu qu’il ne l’ait déjà fait (les deux hommes se connaissent très bien depuis très longtemps, AS Nancy oblige). D’autant que dans le même temps, dans la baraque voisine, fort de finances exceptionnelles, ledit Wenger s’autorise enfin à acheter du cador, du vrai. Ici, Mezut Özil, là Alexis Sánchez, en passant par Petr Čech. Et il se dit de plus en plus que Karim Benzema ne serait plus très loin du Nord de Londres, moyennent une somme rondelette qui pourrait dépasser les 60 millions d’euros. Forcément, le rapprochement de ces deux courbes (la politique désormais vertueuse des Blues, le recrutement plus ambitieux des Gunners) rapproche les moyens mis à la disposition des deux hommes, selon le vœu soufflé plus haut par Wenger. « Il est de plus en plus persuadé que son club peut faire le match sur une saison avec les tout meilleurs, y compris Chelsea, nous confie carrément un familier de l’Alsacien. La seconde partie de saison où Arsenal a fondu sur les Blues lui a donné la certitude que son équipe peut vraiment rivaliser et plus simplement réussir des coups. » Oui, pour la première fois peut-être de leur histoire commune, Wenger et Mourinho vont se battre à armes égales. Et ce, dès cet après-midi lors du Community Shield à Wembley en lever de rideau de la saison. D’ailleurs, les deux hommes n’ont pas esquivé leurs responsabilités, puisque, de part et d’autre on l’affirme, ce n’est pas une rencontre de préparation pour la Premier League, mais un vrai match qui va compter. Le duel est lancé. Mieux, il est relancé.

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