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Mattéo Guendouzi, au bonheur de Rome
En six mois, Mattéo Guendouzi a mis tout le monde d’accord à la Lazio. Titulaire indéboulonnable, l’international français enchaîne et s’est parfaitement adapté aux exigences du football transalpin et à celles de son tacticien, Maurizio Sarri. Mais comment l’ancien Merlu est devenu à 24 ans le nouveau chouchou du Stadio Olimpico ?
Le 14 février dernier, la magie de la Saint-Valentin s’est moins manifestée dans la ville de l’amour, où le PSG remportait son premier round face à la Real Sociedad (2-0), que du côté de Rome. Dans un Stadio Olimpico gonflé à bloc, la Lazio est parvenue à réaliser l’exploit en s’imposant (1-0) face au Bayern. Une victoire de prestige rendue en partie possible grâce à l’éblouissante prestation d’un ancien Titi parisien (passé par le PSG de ses 6 à ses 15 ans) en la personne de Mattéo Guendouzi. Face aux Bavarois, l’international français a crevé l’écran, en témoignent ses statistiques : sept duels gagnés sur huit, quatre ballons récupérés, 84% de passes réussies. Une prestation cinq étoiles qui lui a valu d’être désigné homme du match par l’UEFA. « C’est la première fois que je remporte le titre de MVP. Je vais mettre le trophée au-dessus de mon lit », lâchera l’homme aux plus belles bouclettes du circuit après une masterclass qui n’est en rien le coup d’un soir, tant le natif de Poissy s’éclate depuis son arrivée au pied du Colisée.
Guendouzi et Italie, ça rime
Comme il paraît lointain, le temps où Boucle d’or découvrait le monde professionnel un soir d’octobre 2016 avec son club formateur, le FC Lorient, face au FC Nantes (1-2). Si Guendouzi a toujours la même bouille, il a depuis pris du galon et n’a cessé de passer les étapes à vitesse grand V : Lorient donc, Arsenal (et le Hertha Berlin en prêt), l’Olympique de Marseille et désormais la Lazio. Justement, l’été dernier, après deux saisons passées du côté de la cité phocéenne, l’international tricolore décidait de prendre ses cliques et ses claques pour de nouveaux horizons, lui qui garde encore un goût amer de ses derniers mois à l’OM. « Lors de la deuxième saison, ce n’était plus pareil. Il y a eu beaucoup d’instabilité, on a changé deux fois d’entraîneur en deux saisons, avec un nouvel effectif à chaque fois. Il n’y avait pas de continuité, je devais faire un choix fort pour la suite de ma carrière », expliquera-t-il chez Téléfoot, laissant penser qu’il aurait été encore moins heureux cette année dans l’écurie de Longoria.
Si son départ de l’autre côté des Alpes a fait jaser, il n’en reste pas moins judicieux et opportun. Outre le challenge sportif dans une Serie A plus compétitive que la Ligue 1, en comptant l’argument Ligue des champions, Guendouzi a surtout choisi un projet en adéquation avec ses qualités et son tempérament. « Il a le style de jeu et la mentalité pour l’Italie, ce côté vicieux et malin qui n’est en aucun cas péjoratif », argumente Fabien Lemoine, son ancien coéquipier du temps de Lorient. Le néoretraité précise son propos : « C’est avant tout un joueur de très grande classe, mais avec ce côté « border », à l’italienne finalement. Je me souviens de certains entraînements où il réussissait à énerver des coéquipiers, tout en respectant les règles. C’est quelqu’un qu’on adore avoir dans notre équipe, mais qu’on déteste avoir face à nous. Ce côté vicieux, c’est mal perçu en France, alors qu’en Italie, c’est tout l’inverse. »
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— S.S.Lazio (@OfficialSSLazio) February 23, 2024
Après quelques semaines d’adaptation, Mattéo Guendouzi a mis tout le monde d’accord à la Lazio, au point de devenir un titulaire indiscutable aussi précieux en phase défensive qu’offensive. « C’est un énorme bosseur qui n’a pas peur et qui dispose d’un coffre supérieur à la moyenne », soulignera Maurizio Sarri, après une victoire sur le gazon du Torino (2-0), où MG8 marquera son deuxième pion de la saison. Des qualités qui ont de suite séduit les tifosi romains. Ces derniers lui ont même dédié une chanson, Che Capellone (« quelle chevelure », en VF) sur l’air du célèbre Sara perché ti amo. Depuis début novembre, le vainqueur de la Ligue des nations 2021 n’a plus quitté le onze titulaire.
Le bénéfice des leçons du professeur Sarri
Considéré comme un joueur au fort tempérament, Guendouzi est parvenu à transformer ce défaut en force. Si ses qualités techniques et physiques sont toujours identiques, c’est bien en matière de tactique et d’intelligence de jeu que l’ancien Merlu a pris de la bouteille. « Je n’ai fait que six mois avec Maurizio Sarri, mais j’ai l’impression d’avoir fait un an et demi. Tactiquement, j’apprends énormément, ce que je n’ai pas forcément fait dans le passé. Je me suis beaucoup plus discipliné tactiquement », expliquait l’élève au micro de beIN Sports, avec un regard pétillant. Un éveil tactique que de nombreux (jeunes) joueurs français découvrent en traversant les Alpes. Vingt ans auparavant, bien que déjà joueur confirmé, Olivier Dacourt découvrait lui aussi cette exigence. « Pour un joueur français, c’est souvent impressionnant. On n’a pas l’habitude d’être confronté à autant de minutie. On a un éveil tactique et soit ça passe, soit ça casse. Si on est attentif et déterminé à progresser, alors ça roule tout seul. Et c’est ce qui se passe pour Guendouzi », explique l’ancien Romain et Intériste, qui a disputé pas moins de 128 matchs de Serie A.
Et qui de mieux que Maurizio Sarri pour éveiller son intelligence de jeu ? Adepte d’un football offensif, intense, fait de verticalité et de contre-pressing, l’ancien banquier est réputé pour son sens du détail, son amour des longues séances vidéo et des paperboards. Un tacticien de renom, capable de transformer des joueurs talentueux en monstres tactiques. Le meilleur exemple est Jorginho. Sous ses ordres au Napoli puis à Chelsea, l’Italo-Brésilien avait franchi un cap. « Il m’a transformé, c’est un tacticien exceptionnel. Grâce à lui, je savais exactement ce que je devais faire sur le terrain. Il m’a ouvert les yeux sur des aspects du jeu que je négligeais un peu avant. Il connaît tout, chaque question qu’on lui pose, il a une réponse. C’est une bénédiction d’avoir pu évoluer sous ses ordres », lâchera le troisième au Ballon d’or 2021 lors d’un live Instagram avec GliAutogol.
Emanuele Giaccherini partage ce constat : « C’est un perfectionniste, très attaché à ses principes de jeu », souligne le tube de l’Euro 2016. L’ancien Napolitain, qui a évolué deux saisons sous les ordres de Sarri, ajoute : « J’ai rarement vu une aussi grande exigence, notamment à l’entraînement où on n’avait le droit qu’à deux touches de balle maximum. C’est grâce à lui et à sa méthodologie que le Napoli a atteint ce niveau-là. D’un point de vue personnel, il m’a énormément appris, m’a fait progresser en m’utilisant dans diverses positions. Avoir Sarri comme entraîneur est un régal. » Devenu l’un des patrons de cette Lazio, le milieu de 24 printemps ne cache pas ses ambitions avec l’équipe de France (il n’a plus été convoqué depuis le dernier Mondial). « Bien sûr que c’est un objectif. Pour ça, il faut être régulier, c’est le plus important. J’espère que mes performances me permettront d’être convoqué pour le prochain rassemblement », a-t-il lâché à beIN Sports. À moins de quatre mois de l’Euro, Guendouzi est au sommet de son art et envoie un message à DD, celui de dévier un peu plus son regard vers la capitale transalpine.
Par Tristan Pubert
Propos de Fabien Lemoine, Olivier Dacourt et Emanuele Giaccherini recueillis par TP.