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Comment Luis Enrique a refait de l’Espagne une équipe sexy

Par Léo Tourbe
4 minutes
Comment Luis Enrique a refait de l’Espagne une équipe sexy

Bien placée pour terminer en tête de sa poule, la Roja est peut-être l'équipe la plus cohérente de ce Mondial. Et c'est en grande partie grâce à Luis Enrique, un sélectionneur à l'image de son groupe.

« Aujourd’hui est un jour spécial. Pas seulement parce que nous jouons l’Allemagne, mais aussi parce que ma fille Xana aurait fêté ses 13 ans. Mon amour, où que tu sois, je t’aime », lâchait Luis Enrique, à vélo, casque vissé sur le crâne et lunettes de soleil posées sur le nez, dans une vidéo publiée dans sa story Instagram dimanche dernier. Quelques heures après sa sortie, au stade d’Al Bayt, sa Roja est tenue en échec par la Mannschaft (1-1). Pas grave, l’Espagne est toujours en tête de son groupe E. L’ancien coach du Barça fait un gros câlin à Hansi Flick, puis file aux vestiaires. Le lendemain, il lance un stream Twitch, sur sa chaise gaming. Bref, c’est la Coupe du monde du kiff pour Luis Enrique. Personnage clivant en Espagne, l’ex-entraîneur de la Roma paraît apaisé depuis son retour en sélection, en novembre 2019, quelques mois après la dramatique perte de sa fille. Pourtant, la route fut longue. Lors de sa nomination, le 19 juillet 2018, à la suite de l’imbroglio entre Julen Lopetegui et la fédération espagnole avant le Mondial russe, l’Asturien ne fait pas franchement l’unanimité.

Une nomination controversée

Étiquetté comme un fervent anti-madrilène et partisan du FC Barcelone, Luis Enrique a rapidement subi les foudres des journaux de la capitale, habitués ces dernières années à ce que la RFEF nomme à la tête de la sélection un coach plutôt marqué Real Madrid que Barça. Depuis 2008 et le départ de Luis Aragonés, il est le premier sélectionneur à s’être assis sur le banc des Blaugrana. Certains joueurs catalans, toutefois, n’ont pas forcément été ravis de son arrivée en sélection. Notamment Jordi Alba, qui avait déclaré : « Bien sûr que ce sera mieux pour moi avec Valverde qu’avec Luis Enrique », lorsque ce dernier avait quitté la Catalogne. D’abord écarté, le latéral gauche est (re)devenu un élément clé de la sélection. « Jordi Alba est le meilleur latéral du monde dans le dernier tiers du terrain », félicitait Enrique après le nul face aux Allemands. Globalement, ses premiers mois sont laborieux, alors qu’il doit rapidement se mettre en retrait afin de rester au chevet de sa fille.

En revenant en décembre 2019, il se brouille avec Roberto Moreno, son adjoint qui avait assuré l’interim, et qui voulait disputer l’Euro en tant que numéro 1. «  Être aussi ambitieux, vu la situation, c’est déloyal selon moi. Et j’ai donc décidé de me passer de lui », expliquait le coach ibérique. Sa première compétition internationale, l’Euro 2020, n’a pas arrangé les choses puisqu’il ne convoque aucun joueur du Real Madrid, et préfère rendre une liste de 24 plutôt que de 26 noms. Sa Roja se fait finalement sortir en demies par l’Italie, futur vainqueur du tournoi, mais fait forte impression malgré un début de compétition poussif. Son jeu, clairement inspiré de ce qu’il a pratiqué en Catalogne, séduit et n’est pas loin de faire vaciller la Nazionale, vainqueur aux tirs au but. Quelques semaines après, malgré l’ouverture du score de Mikel Oyarzabal, il s’incline aussi face à la France en finale de la Ligue des nations, à Milan. Mais la patte est là.

La première chose qu’ils devraient enseigner aux entraîneurs dans les cours d’entraîneur, c’est que c’est un spectacle, un spectacle .

Apôtre du beau jeu

Cet automne, il a convoqué deux Madrilènes, Marco Asensio et Dani Carvajal, et les fait même débuter. Dans le même temps, il lance, tous les deux jours, un stream sur Twitch, où il évoque la compétition, et montre un visage particulièrement rafraîchissant. « Si Ferran Torres(qui est en couple avec sa fille, NDLR)marque et qu’il suce son pouce pour célébrer, je le sors du terrain immédiatement. Et ce mec ne reverra pas le terrain avant un moment. Il ne remettra même plus les pieds dans un stade de foot », lâchait-il en live la semaine passée. « La première chose qu’ils devraient enseigner aux entraîneurs dans les cours d’entraîneur, c’est que c’est un spectacle, un spectacle. Il y a 50 000 ou 100 000 mecs qui te regardent au stade, puis à la maison, il y a des millions de personnes », analysait-il ce mardi, se plaignant du nombre de purges auxquelles on a eu droit dans ce Mondial jusqu’ici.

Lui, en revanche, n’est responsable d’aucune d’entre elles. Son carton face au Costa Rica (7-0) est probablement la prestation la plus aboutie de la première journée de la phase de poules. Si le match nul face à l’Allemagne (1-1), dimanche, a été légèrement plus poussif, voire caricatural par séquences, son équipe reste l’une des plus belles à voir jouer. À tel point que l’on pourrait se demander pourquoi son trio 100% barcelonais du milieu de terrain est si crucial avec la Roja, et si peu déterminant sous les ordres de Xavi.

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