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Comment l’os Ocampos est devenu l’as Lucas
Lucas Ocampos devrait vivre ce dimanche face à l'Équateur sa deuxième cape avec l'Argentine, quelques jours après avoir marqué contre l'Allemagne (2-2) pour ses grands débuts internationaux. Un accomplissement en soi pour un joueur souvent raillé pour sa maladresse balle au pied, et qui récompense les premiers pas rayonnants de l'ancien Marseillais au FC Séville, club qu'il a rallié cet été contre 16 millions d'euros. Sans que personne ou presque ne lui prédise ce succès immédiat.
On lui promettait l’enfer. En rejoignant les rangs du FC Séville au mercato d’été, Lucas Ocampos semblait mettre les pieds dans un plat bien trop indigeste pour lui. État de forme ? Assez quelconque, ses 5 buts en 40 matchs (plus 8 passes décisives) lors de la saison dernière ne plaidant pas vraiment en sa faveur. Conditionnement mental et psychologique ? Proche du néant. Alors que l’OM avait d’autres ventes beaucoup plus prioritaires à gérer, le joueur lui-même n’envisageait pas vraiment un départ non plus. Ayant toujours déclaré se sentir comme chez lui dans la ville, il bénéficiait aussi de l’amour d’une bonne partie des supporters olympiens qui idolâtraient son investissement sans faille et son respect du maillot. Compatibilité avec son nouveau championnat ? Il serait plus approprié de parler d’antagonisme. Voir réussir en Liga un ailier loué pour sa grinta et sa puissance plus que pour sa technique et sa vitesse relevait presque d’une gageure. Potentiel de séduction auprès de son nouvel entraîneur ? Pas folichon non plus. Dans la philosophie de jeu prônée par Julen Lopetegui, qui préfère évoluer avec des ailiers rapides, décisifs et bons en un contre un, « Luquitas » ne possédait pas vraiment le profil rêvé.
Oui, mais voilà. Après deux petits mois de compétition, Ocampos est parvenu à accomplir ce qu’on ne le voyait pas réussir en plusieurs saisons : s’imposer dans un club du standing de Séville, se mettre son exigeant entraîneur dans la poche et s’adapter à ce football espagnol. Au lieu de ça, le voici flanqué d’un statut de titulaire incontesté sur l’aile droite, de statistiques probantes pour des débuts (deux buts et une passe décisive en sept rencontres) et de quelques progrès notables dans le jeu – une moyenne de deux dribbles réussis par match notamment. Tout ceci, le sélectionneur de l’Argentine Lionel Scaloni l’a bien remarqué, au point de lui offrir une nouvelle convocation dans le groupe de l’Albiceleste pour affronter l’Allemagne et l’Équateur en match amical. Pour ses premières minutes internationales, le natif de Quilmes s’est même offert son premier but après être sorti du banc, contre l’Allemagne (2-2) s’il vous plaît. On ne sait pas si le lascar de 25 ans s’étonne lui-même, mais une chose est sûre : il étonne presque autant ses détracteurs que ses laudateurs. À deux petites exceptions près.
La confiance dans la peau
Leur nom ? Mounir Obbadi et Gary Coulibaly. Anciens coéquipiers à Monaco d’un « Ocamposito » alors à peine sorti de l’adolescence (17 ans), les deux hommes se déclarent « pas du tout surpris » de voir leur ex-poulain évoluer à ce niveau. Raison unanimement invoquée : « C’est un gros gros travailleur. » Pour l’actuel défenseur du SC Bastia et le milieu de Poissy, rien de plus logique donc que de voir Ocampos récolter les fruits de son acharnement à l’entraînement. « Il était déjà assez complet quand il était jeune. C’était d’ailleurs plus un passeur qu’un buteur. Mais il a su travailler son efficacité offensive, et je pense que ça va durer » , assure l’ex-international marocain.
De façon générale, la réussite de l’Ocampos de 2019 trouve en partie ses clés de compréhension dans l’Ocampos de 2012. Deux versions pas si éloignées que ça, même si à l’époque, le talent de River Plate débarque à Monaco avec une tout autre étiquette : celle de grand espoir du foot argentin. Exil + attentes élevées, un combo forcément fatal pour un gamin de 17 berges ? « Son transfert avait fait beaucoup de bruit, se remémore Gary Coulibaly. Onze millions d’euros pour un jeune, à l’époque… Mais en fait, il n’en prenait pas vraiment conscience. Ce qui le minait, c’était d’avoir lâché sa famille plus que le fait de devoir gérer les attentes. » Mounir Obbadi : « C’est à la façon dont il a bien géré tout ça que j’ai vu qu’il avait un mental énorme. Et puis il avait déjà une hygiène de vie assez pro : il mangeait bien, il dormait bien. » Quand on peut tout abandonner à 17 ans et s’en sortir sans repasser par la case départ, on peut facilement gérer un flot de critiques pour délit de maladresse à l’OM pendant des années, non ?
Du « bébé » au padre
Retour à l’Ocampos de 2019. Si semblable, et pourtant transformé par rapport à sa juvénile copie monégasque. L’ovni physique de la caste des ailiers (1,87 m, 84 kg) a aujourd’hui 25 ans, et tous les avantages qui vont avec. « J’ai connu le bébé. Maintenant, c’est l’homme que je croise, s’amuse Gary Coulibaly. Il est devenu père de famille, ça compte. En discutant avec lui, je vois qu’il a franchi un palier. Je le sens beaucoup plus confiant, beaucoup plus apaisé. » En fait, Lucas Ocampos ne s’est pas métamorphosé en virtuose du ballon et en finisseur implacable du jour au lendemain : il a aussi et surtout trouvé en Séville un cadre idéal pour trouver sérénité et confiance à outrance. À savoir un environnement hispanophone (qui facilite d’autant plus la vie de sa femme espagnole), des coéquipiers sous le charme de ce compagnon qui pense d’abord à rendre leur travail plus facile et des supporters andalous aux anges, pas encore habitués à voir un attaquant défendre comme un chien enragé en Liga. Petite précision : Ocampos doit encore trouver ses marques à un poste d’ailier droit auquel il est peu habitué, lui qui avait pris ses aises dans le couloir gauche de l’OM. Celui où il a débuté – et marqué – avec l’Albiceleste. Vivement la suite.
Par Douglas de Graaf
Propos de Gary Coulibaly et Mounir Obbadi recueillis par DDG.